đŸđđ Eat's business đđ·đ§ 2025-29
Bonjour Ă toutes et Ă tous, Eatâs Business est une newsletter dans laquelle vous trouverez une revue de presse de quelques articles sur le monde de lâalimentaire qui mâont semblĂ© intĂ©ressants dans la semaine prĂ©cĂ©dente.
Pour ceux qui veulent la version audio (Ă laquelle jâai apportĂ© quelques amĂ©liorations) :
Pour ceux qui veulent la formule ristretto, les 3 articles que je vous conseille de lire en priorité cette semaine sont :
LibĂ©ration, Restauration : face Ă lâexcĂšs dâadresses, comment le secteur veut renverser la table, 10/10/2025
Les Ăchos, Ce gĂ©ant de lâapĂ©ro qui veut lancer la production de cacahuĂštes en France, 06/10/2025
Financial Times, How high-end restaurants went global, 11/10/2025
Bonne lecture et bonne semaine Ă toutes et Ă tous!
Pour celles et ceux dâentre vous qui ont plus de temps pour la formule lungo :
Le Monde, Le succÚs des médicaments coupe-faim aux Etats-Unis oblige les groupes spécialisés dans les produits hypercaloriques à revoir leur stratégie, 10/10/2025
Lâessor spectaculaire des traitements antiobĂ©sitĂ© aux Ătats-Unis, tels que lâOzempic et le Wegovy, agit comme un vĂ©ritable Ă©lectrochoc pour lâindustrie agroalimentaire. En rĂ©duisant lâappĂ©tit et les volumes consommĂ©s, ces mĂ©dicaments bouleversent la demande et menacent le cĆur du modĂšle Ă©conomique des gĂ©ants du âsnackingâ et des produits dits indulgents. Lâarticle explique que la consommation de confiseries, de sodas et de plats prĂ©parĂ©s recule dĂ©jĂ dans les zones oĂč ces traitements se diffusent le plus rapidement. Mars, Mondelez, PepsiCo ou Kraft Heinz, bĂątis sur des produits de la gratification immĂ©diate, voient poindre un risque structurel : un consommateur moins compulsif, plus rationnel et plus attentif Ă la satiĂ©tĂ©. Selon Morgan Stanley, une baisse de 3 % de la consommation calorique nationale pourrait effacer plusieurs milliards de dollars de chiffre dâaffaires sur les segments sucrĂ©s et gras.
Cette mutation ouvre, Ă lâinverse, une fenĂȘtre dâopportunitĂ© pour les spĂ©cialistes du vĂ©gĂ©tal, du frais et de la nutrition fonctionnelle. Bonduelle, Danone ou General Mills enregistrent une demande accrue pour les lĂ©gumes prĂȘts Ă consommer, les plats Ă©quilibrĂ©s et les protĂ©ines vĂ©gĂ©tales. Les start-up amĂ©ricaines Freshly, Factor ou Daily Harvest surfent sur ce âhealthy convenienceâ, proposant des repas portionnĂ©s et riches en fibres, compatibles avec une alimentation mĂ©dicalisĂ©e. Les observateurs y voient un basculement historique : lâalimentation devient un prolongement du soin, et le âbien-mangerâ une forme de thĂ©rapie quotidienne. Pour les investisseurs, la frontiĂšre entre foodtech et biotech sâefface peu Ă peu.
Les analystes du secteur Ă©voquent plusieurs scĂ©narios : certains tablent sur un rééquilibrage partiel, dâautres sur une transformation durable comparable Ă celle quâa connue le tabac avec la cigarette Ă©lectronique. Tous sâaccordent Ă dire que les groupes agroalimentaires devront se repositionner vers la santĂ©, la satiĂ©tĂ© et la fonctionnalitĂ© nutritionnelle. Lâarticle conclut que cette rĂ©volution du mĂ©tabolisme signe le dĂ©but dâune recomposition mondiale : les industriels du plaisir immĂ©diat devront apprendre Ă sĂ©duire un consommateur devenu mĂ©taboliquement raisonnable.
Le Monde, Tout comprendre aux aliments ultratransformés, nouvel enjeu de santé publique, 05/10/2025
Les aliments ultratransformĂ©s (AUT) sâimposent comme un enjeu majeur de santĂ© publique, au croisement de la science, de la rĂ©gulation et des pratiques industrielles. Lâarticle rappelle quâils regroupent des produits issus de procĂ©dĂ©s complexes combinant ingrĂ©dients raffinĂ©s, additifs technologiques, arĂŽmes, colorants, Ă©mulsifiants et agents de texture qui reconstituent des matrices Ă©loignĂ©es de lâaliment dâorigine. Plusieurs grandes Ă©tudes observationnelles associent une consommation Ă©levĂ©e dâAUT Ă une hausse du risque de cancer, de maladies cardiovasculaires, de diabĂšte de type 2, de dĂ©pression et dâobĂ©sitĂ©, mĂȘme Ă qualitĂ© nutritionnelle Ă©quivalente. Ce paradoxe nourrit le dĂ©bat sur le rĂŽle de la « matrice » alimentaire et sur lâhypothĂšse que le degrĂ© de transformation, au-delĂ des macronutriments, influence la santĂ©.
En France, les AUT reprĂ©sentent prĂšs de 60 % de lâapport Ă©nergĂ©tique, avec des Ă©carts sociaux marquĂ©s : ils sont davantage consommĂ©s par les mĂ©nages jeunes et modestes, attirĂ©s par le prix, la praticitĂ© et la conservation. Le systĂšme de classification NOVA, popularisĂ© par le chercheur brĂ©silien Carlos Monteiro, structure dĂ©sormais la discussion, tout en restant contestĂ© par une partie des scientifiques et des industriels qui dĂ©noncent une dĂ©finition jugĂ©e floue et hĂ©tĂ©rogĂšne. Les autoritĂ©s sanitaires europĂ©ennes rĂ©flĂ©chissent Ă des outils dâinformation complĂ©mentaires au Nutri-Score, Ă un encadrement renforcĂ© de la publicitĂ© destinĂ©e aux enfants et Ă des objectifs de rĂ©duction dâAUT dans la restauration collective. De grands groupes testent des reformulations : raccourcir les listes dâingrĂ©dients, substituer certains additifs, rĂ©intĂ©grer des matrices plus simples, réévaluer les procĂ©dĂ©s de texturation et de chauffage. Mais lâarbitrage est dĂ©licat : la sĂ©curitĂ© microbiologique, la disponibilitĂ© et le prix restent des contraintes lourdes, tandis que lâacceptabilitĂ© sensorielle ne peut ĂȘtre sacrifiĂ©e.
Au-delĂ des produits, lâarticle pose la question politique de la dĂ©pendance des systĂšmes alimentaires Ă des chaĂźnes industrielles longues, celle de la transparence et de la souverainetĂ©. Il en ressort que la lutte contre lâultratransformation ne se rĂ©sume pas Ă retirer quelques additifs : elle suppose de revaloriser les aliments bruts, les cuisines du quotidien, les circuits courts et lâĂ©ducation au goĂ»t. Ă court terme, les acteurs de lâagroalimentaire devront composer avec une demande croissante de simplicitĂ© lisible, tandis que les pouvoirs publics arbitreront entre protection des consommateurs, compĂ©titivitĂ© industrielle et Ă©quitĂ© sociale.
Le Monde, Picnic, le rescapé de la bulle du « quick commerce », 07/10/2025
Dans un secteur du quick commerce durement corrigĂ© aprĂšs lâeuphorie de 2021, Picnic fait figure dâexception en poursuivant sa croissance grĂące Ă un modĂšle logistique frugal et planifiĂ©. Au lieu de la promesse ruineuse de la livraison en dix minutes, lâenseigne nĂ©erlandaise sâappuie sur des tournĂ©es Ă heure fixe, opĂ©rĂ©es par de petites camionnettes Ă©lectriques qui desservent des quartiers entiers selon des itinĂ©raires optimisĂ©s. Cette organisation, proche dâun « supermarchĂ© ambulant », rĂ©duit les kilomĂštres Ă vide, diminue le besoin en dark stores et limite fortement le gaspillage, puisque la prĂ©paration suit des commandes consolidĂ©es la veille. Le panier moyen, familial, se prĂȘte bien Ă ce rythme : lâassortiment volontairement resserrĂ©, les prix compĂ©titifs et lâexpĂ©rience simple fidĂ©lisent des clients moins sensibles au besoin dâimmĂ©diatetĂ© que les urbains pressĂ©s ciblĂ©s par les concurrents dĂ©faits.
FinanciĂšrement, le modĂšle offre une trajectoire plus saine : coĂ»ts de livraison maĂźtrisĂ©s, densitĂ© de tournĂ©es, productivitĂ© par chauffeur et automatisation croissante des entrepĂŽts. Picnic revendique des positions solides aux Pays-Bas, en Allemagne et une montĂ©e en puissance dans le nord de la France, avec un discours environnemental crĂ©dible fondĂ© sur lâĂ©lectrification complĂšte de la flotte et la rĂ©duction du gaspillage. Le contraste est marquĂ© avec des acteurs comme Gorillas, Getir ou Flink, dont la course Ă la vitesse a fait exploser les coĂ»ts fixes et la promotion, avant dâaboutir Ă des fermetures ou consolidations.
Lâarticle souligne que Picnic sâinscrit dans une « deuxiĂšme gĂ©nĂ©ration » du commerce alimentaire en ligne : plus lent mais plus efficace, orientĂ© vers la rentabilitĂ© unitaire et la durabilitĂ© opĂ©rationnelle. Les perspectives tiennent Ă la capacitĂ© dâaugmenter la densitĂ© gĂ©ographique, dâĂ©largir lâassortiment sans diluer lâefficacitĂ©, et dâintĂ©grer davantage de donnĂ©es pour affiner la planification des tournĂ©es. Au plan concurrentiel, les distributeurs traditionnels observent ce modĂšle avec attention, y voyant une inspiration possible pour des services de livraison maĂźtrisant le dernier kilomĂštre sans subvention massive. Reste une inconnue : la concurrence de la livraison de drives et des places de marchĂ© pourrait relancer la pression promotionnelle ; mais la discipline opĂ©rationnelle et lâancrage local de Picnic constituent, pour lâheure, un avantage dĂ©fendable.
La Tribune, MenacĂ©s de disparition, les producteurs de lait de montagne tirent la sonnette dâalarme, 10/10/2025
Dans les zones de montagne françaises, la filiĂšre laitiĂšre vit une lente Ă©rosion. Lâarticle donne la parole aux Ă©leveurs du Massif central, des Alpes et des PyrĂ©nĂ©es, qui alertent sur la disparition progressive dâexploitations familiales isolĂ©es. Leurs coĂ»ts de production ont bondi de 20 % en deux ans, sous lâeffet des hausses dâĂ©nergie, dâalimentation animale et de transport. Les laiteries prĂ©fĂšrent collecter en plaine, plus rentable, laissant les producteurs de montagne dans une impasse Ă©conomique. Beaucoup nâont pas de successeurs : la pĂ©nibilitĂ©, le manque dâattractivitĂ© du mĂ©tier et la faiblesse des revenus dissuadent les jeunes.
Les volumes livrĂ©s chutent, entraĂźnant la fermeture de petits ateliers de transformation et une perte dâactivitĂ© dans les vallĂ©es. Les filiĂšres sous appellation (Beaufort, ComtĂ©, Cantal) rĂ©sistent grĂące Ă leur valorisation, mais les productions hors AOP sâeffondrent. Les Ă©leveurs rĂ©clament un plan de sauvegarde spĂ©cifique : prix plancher, contrats pluriannuels, aides Ă la modernisation et compensation des surcoĂ»ts logistiques. Au-delĂ des aspects Ă©conomiques, le lait de montagne joue un rĂŽle Ă©cologique essentiel : il entretient les pĂąturages, prĂ©vient lâenfrichement et limite les risques dâincendie. Son recul menace les paysages et lâĂ©quilibre environnemental. Les Ă©lus locaux plaident pour une politique agricole diffĂ©renciĂ©e, intĂ©grant le coĂ»t rĂ©el du maintien des zones dâaltitude. Les coopĂ©ratives explorent des solutions : mutualisation de la collecte, micro-fromageries, diversification vers le lait cru et le bio. Mais les marges restent fragiles et les investissements lourds.
Lâarticle conclut que la survie du lait de montagne dĂ©passe le cadre agricole : elle concerne lâamĂ©nagement du territoire, la vitalitĂ© rurale et la transmission dâun patrimoine collectif. Sans soutien rapide, câest tout un pan de la France fromagĂšre qui risque de sâĂ©teindre, emportant avec lui un savoir-faire sĂ©culaire et un lien unique entre paysage, terroir et identitĂ©.
LibĂ©ration, Restauration : face Ă lâexcĂšs dâadresses, comment le secteur veut renverser la table, 10/10/2025
La restauration française traverse une crise de surcapacitĂ© inĂ©dite. Lâarticle dĂ©crit un secteur Ă la fois bouillonnant de crĂ©ativitĂ© et Ă©tranglĂ© par ses propres excĂšs. Jamais la France nâa comptĂ© autant dâĂ©tablissements â plus de 180 000 selon lâInsee â mais jamais autant nâont eu du mal Ă survivre. AprĂšs le rebond spectaculaire de 2022-2023, qui avait fait suite Ă la pandĂ©mie, le marchĂ© se normalise brutalement : la clientĂšle se rarĂ©fie, les coĂ»ts flambent et les marges sâeffondrent. Les restaurateurs se retrouvent pris en Ă©tau entre la hausse du Smic, lâexplosion du prix des matiĂšres premiĂšres et la baisse du pouvoir dâachat des consommateurs. Les repas en semaine, longtemps cĆur du chiffre dâaffaires, reculent fortement. Les clients sortent moins, dĂ©pensent moins et privilĂ©gient les repas Ă domicile, dopĂ©s par la livraison et le âbatch cookingâ.
Les acteurs du secteur parlent dĂ©sormais dâun âtrop-plein dâadressesâ : une multiplication anarchique de concepts â nĂ©o-bistrots, cuisines fusion, street food, coffee shops â qui a saturĂ© la demande, notamment dans les grandes villes. Le consommateur, sollicitĂ© de toutes parts, devient volatil. Face Ă cette situation, beaucoup dâĂ©tablissements cherchent Ă se rĂ©inventer. Les indĂ©pendants rĂ©duisent leurs cartes, valorisent la saisonnalitĂ©, raccourcissent les circuits dâapprovisionnement et explorent la restauration durable. Les chefs misent sur la transparence, la sobriĂ©tĂ© gastronomique et la convivialitĂ©. En parallĂšle, les chaĂźnes rationalisent leur modĂšle : robotisation, menus standardisĂ©s, digitalisation de la commande et fidĂ©lisation par application mobile. La restauration se professionnalise, mais perd de sa spontanĂ©itĂ© artisanale.
Lâarticle souligne aussi une crise du travail : difficultĂ©s de recrutement, turnover massif et conditions jugĂ©es pĂ©nibles. Les Ă©coles hĂŽteliĂšres peinent Ă attirer les jeunes gĂ©nĂ©rations. Des initiatives Ă©mergent pour redonner du sens au mĂ©tier : salaires revalorisĂ©s, semaines de quatre jours, partage des bĂ©nĂ©fices. Certains professionnels appellent Ă une refondation collective du secteur, articulĂ©e autour de la formation, de la durabilitĂ© et du lien humain. Lâarticle conclut que la restauration française doit dĂ©sormais ârenverser la tableâ au sens propre : moins de quantitĂ©, plus de qualitĂ©, et une redĂ©finition du plaisir culinaire qui rĂ©concilie rentabilitĂ©, responsabilitĂ© et art de vivre.
Libération, «Folie matcha» : victimes de leur succÚs, les producteurs de thé japonais voient le vert à moitié vide, 04/10/2025
La « folie matcha » portĂ©e par les rĂ©seaux sociaux et la quĂȘte de bien-ĂȘtre met sous tension la filiĂšre japonaise de ce thĂ© vert en poudre emblĂ©matique. Lâarticle montre comment la demande mondiale, multipliĂ©e en quelques annĂ©es, dĂ©passe la capacitĂ© dâune production fondĂ©e sur des gestes lents et un savoir-faire trĂšs localisĂ©. Dans les rĂ©gions dâUji, Kyoto et Shizuoka, produire un matcha dâexcellence exige culture sous ombrage, rĂ©colte minutieuse, Ă©tuvage doux, sĂ©chage prĂ©cis et broyage Ă la meule de pierre, Ă©tapes difficiles Ă industrialiser sans perte aromatique. Or, la main-dâĆuvre vieillit, la transmission ralentit et la pression fonciĂšre rĂ©duit les surfaces disponibles.
RĂ©sultat : les prix sâenvolent, les volumes exportables stagnent, et les intermĂ©diaires se multiplient, avec Ă la clĂ© des risques de contrefaçons ou de mĂ©langes opportunistes importĂ©s de Chine ou de TaĂŻwan. Les maisons historiques, soucieuses de prĂ©server rĂ©putation et qualitĂ©, arbitrent entre raretĂ© organisĂ©e et ouverture de nouveaux marchĂ©s ; certaines limitent volontairement les ventes pour maintenir un niveau dâexigence et protĂ©ger les appellations. Le gouvernement soutient lâidentification des origines, des labels et des dĂ©marches bio, mais les certifications peinent Ă suivre lâampleur de la demande internationale, tandis que les critĂšres de qualitĂ© restent mal compris hors du Japon.
Le boom occidental se traduit par une consommation souvent Ă©loignĂ©e du rituel : latte sucrĂ©, pĂątisseries, glaces et prĂ©parations oĂč le matcha est davantage une couleur, un storytelling et une promesse santĂ© quâun terroir. Lâarticle met en lumiĂšre un paradoxe : le produit devient icĂŽne mondiale prĂ©cisĂ©ment au moment oĂč les conditions de sa production artisanale sont les plus fragiles. Pour les producteurs, lâĂ©quation Ă©conomique est instable : coĂ»ts de main-dâĆuvre, investissements en ombriĂšres, alĂ©as climatiques, conversion bio et exigences dâexportation pĂšsent sur des marges dĂ©jĂ tĂ©nues. Ă moyen terme, la filiĂšre devra choisir entre croissance et intĂ©gritĂ© : mĂ©caniser certaines Ă©tapes, segmenter davantage les qualitĂ©s, ou assumer la raretĂ© avec des prix Ă©levĂ©s et une pĂ©dagogie renforcĂ©e. Elle pose aussi la question du renouvellement des producteurs : attirer des jeunes vers un mĂ©tier exigeant, mieux rĂ©munĂ©rer la qualitĂ© et sĂ©curiser lâaval pour que la tradition survive Ă la mode.
Les Ăchos, La « poulet mania » fait les affaires du gĂ©ant français de la volaille LDC, 07/10/2025
Le groupe LDC, propriĂ©taire de marques emblĂ©matiques comme LouĂ©, Le Gaulois et MaĂźtre Coq, profite pleinement dâun phĂ©nomĂšne structurel : la montĂ©e en puissance du poulet dans les habitudes alimentaires françaises et europĂ©ennes. Dans un contexte dâinflation persistante, cette viande blanche sâimpose comme la plus accessible, la plus polyvalente et la plus en phase avec les nouvelles attentes de santĂ© et de praticitĂ©.
Lâarticle dĂ©crit une croissance continue de la consommation de volaille, tirĂ©e par la restauration rapide, les dĂ©coupes prĂȘtes Ă cuire et les plats cuisinĂ©s. En 2024, le marchĂ© français a progressĂ© de prĂšs de 4 %, alors que la consommation de bĆuf et de porc reculait. LDC, qui contrĂŽle prĂšs de 40 % de la production nationale, a vu son chiffre dâaffaires bondir de 12 %, dopĂ© par la demande intĂ©rieure et les exportations vers lâAfrique et le Moyen-Orient. Le groupe mise sur son modĂšle intĂ©grĂ© â de lâĂ©levage Ă la distribution â pour sĂ©curiser lâapprovisionnement et amortir les hausses de coĂ»ts. Il investit dans la modernisation de ses abattoirs, la robotisation, la rĂ©duction des densitĂ©s dâĂ©levage et lâalimentation sans OGM. Cette stratĂ©gie permet Ă LDC de rĂ©pondre Ă la demande croissante pour des produits locaux, certifiĂ©s et traçables, tout en soutenant la compĂ©titivitĂ© de la filiĂšre française.
Mais cette âpoulet maniaâ nâest pas sans dĂ©fis. Le modĂšle reste dĂ©pendant des importations de soja et de maĂŻs, et la filiĂšre doit affronter les critiques environnementales liĂ©es Ă la concentration dâĂ©levages et aux Ă©missions dâammoniac. LDC doit aussi composer avec la concurrence des volailles brĂ©siliennes et ukrainiennes, souvent moins chĂšres. Pour y faire face, le groupe accĂ©lĂšre sur la montĂ©e en gamme â Label Rouge, bio, filiĂšres plein air â et expĂ©rimente des produits hybrides mĂȘlant protĂ©ines animales et vĂ©gĂ©tales. Lâarticle conclut que cette dynamique illustre une mutation durable : le poulet est devenu la protĂ©ine de rĂ©fĂ©rence des Français, symbole dâun compromis entre prix, santĂ© et responsabilitĂ©. LDC, en sâadaptant rapidement, incarne cette nouvelle Ă©quation alimentaire.
Les Ăchos, CafĂ© : une demande mondiale en plein essor malgrĂ© les tensions sur la production, 07/10/2025
La consommation mondiale de cafĂ© atteint des niveaux records, tandis que la production se trouve fragilisĂ©e par le changement climatique et la volatilitĂ© des marchĂ©s agricoles. Lâarticle souligne un paradoxe : la planĂšte nâa jamais autant bu de cafĂ©, mais nâa jamais eu autant de mal Ă en produire. Depuis 2020, la demande progresse dâenviron 2,5 % par an, portĂ©e par la reprise post-Covid, la montĂ©e en gamme des cafĂ©s de spĂ©cialitĂ© et le succĂšs du âcoffee to goâ. Les grands torrĂ©facteurs mondiaux â NestlĂ© (NescafĂ©, Nespresso), JDE Peetâs ou Lavazza â enregistrent des ventes en hausse, tout en affrontant une flambĂ©e des coĂ»ts. Les rĂ©coltes brĂ©siliennes ont souffert de sĂ©cheresses prolongĂ©es et de gelĂ©es, tandis que le Vietnam, premier producteur de robusta, subit des Ă©pisodes de chaleur extrĂȘme. RĂ©sultat : les cours du robusta ont bondi de 40 % depuis janvier 2025. La production ne suit plus le rythme dâune demande dopĂ©e par la croissance des classes moyennes asiatiques et africaines.
Face Ă cette tension, les acteurs de la filiĂšre tentent de sĂ©curiser leurs approvisionnements : dĂ©veloppement de nouvelles variĂ©tĂ©s rĂ©sistantes, programmes de replantation et diversification gĂ©ographique. Les grandes marques misent aussi sur la durabilitĂ© : investissements dans les certifications (Rainforest Alliance, Fairtrade), soutien Ă la transition agroforestiĂšre et rĂ©duction de lâempreinte carbone des chaĂźnes dâapprovisionnement. Mais les petits producteurs restent vulnĂ©rables : leurs coĂ»ts explosent plus vite que les prix garantis, et beaucoup se dĂ©tournent du cafĂ© au profit de cultures vivriĂšres plus rentables. En Europe, le marchĂ© sâoriente vers le premium et les capsules rĂ©utilisables, mais les consommateurs subissent des hausses de prix. Lâarticle souligne que cette tension mondiale redĂ©finit la valeur du cafĂ© : dâun produit banal, il devient un bien semi-luxueux, reflet dâenjeux environnementaux, climatiques et gĂ©opolitiques. Ă moyen terme, la filiĂšre devra rĂ©concilier rentabilitĂ©, Ă©quitĂ© et rĂ©silience pour Ă©viter une crise structurelle. Le cafĂ©, symbole de convivialitĂ©, sâimpose dĂ©sormais comme un baromĂštre des Ă©quilibres agricoles planĂ©taires.
Les Ăchos, Ce gĂ©ant de lâapĂ©ro qui veut lancer la production de cacahuĂštes en France, 06/10/2025
Menguyâs, propriĂ©tĂ© de la coopĂ©rative OcĂ©alia et spĂ©cialiste de lâapĂ©ritif, veut relancer une culture oubliĂ©e : celle de la cacahuĂšte française. Lâarticle dĂ©taille un projet inĂ©dit de relocalisation agricole, menĂ© en partenariat avec lâinstitut technique Terres Inovia et plusieurs exploitations du Sud-Ouest. Aujourdâhui, la France importe 99 % de sa consommation â principalement dâAfrique de lâOuest, dâArgentine et des Ătats-Unis. Les coĂ»ts logistiques, la volatilitĂ© des cours mondiaux et les enjeux de souverainetĂ© alimentaire incitent Menguyâs Ă tester la faisabilitĂ© dâune production locale. Les premiĂšres expĂ©rimentations, conduites dans le Gers et les Landes, montrent des rendements prometteurs, proches de 3 tonnes Ă lâhectare, avec une qualitĂ© jugĂ©e satisfaisante pour la transformation.
Le projet sâinscrit dans une stratĂ©gie plus large : sĂ©curiser lâapprovisionnement, rĂ©duire lâempreinte carbone et valoriser le âmade in Franceâ. Lâentreprise ambitionne de cultiver 500 hectares dâici 2030, couvrant environ 5 % de la demande nationale. Elle mise sur une communication valorisant la traçabilitĂ© et la durabilitĂ©, deux arguments de poids sur un marchĂ© de lâapĂ©ritif en pleine mutation. Le segment des fruits secs progresse de 6 % par an, portĂ© par les nouvelles habitudes de grignotage sain et la recherche de produits naturels. Menguyâs, qui rĂ©alise 80 millions dâeuros de chiffre dâaffaires, veut associer les agriculteurs Ă la rĂ©ussite du projet par des contrats pluriannuels et un accompagnement technique.
Les dĂ©fis demeurent : mĂ©canisation, sĂ©chage, stockage et adaptation au climat français. Mais les partenaires agricoles y voient une opportunitĂ© de diversification et une rĂ©ponse concrĂšte Ă la demande de relocalisation. Lâarticle conclut que cette initiative illustre la transition dâun modĂšle agroalimentaire vers une logique circulaire, plus territoriale et moins dĂ©pendante des marchĂ©s mondiaux. Si la cacahuĂšte française reste marginale, elle symbolise une nouvelle ambition : faire rimer convivialitĂ©, souverainetĂ© et innovation.
Financial Times, How high-end restaurants went global, 11/10/2025
Lâarticle analyse la mondialisation accĂ©lĂ©rĂ©e des restaurants haut de gamme, devenus un pilier de lâĂ©conomie du luxe post-Covid. Dans un reportage menĂ© entre Londres, DubaĂŻ et New York, Jay Rayner dĂ©crit comment des enseignes naguĂšre singuliĂšres â Nobu, Zuma, Cipriani, LPM ou Hakkasan â ont bĂąti des rĂ©seaux internationaux, transformant le dĂźner raffinĂ© en produit global. Le cĆur du phĂ©nomĂšne : la fusion entre gastronomie premium, design standardisĂ© et stratĂ©gie dâexpansion typique des marques de mode. Ă DubaĂŻ, vitrine de cette mondialisation, les quartiers du DIFC ou de Marina concentrent dĂ©sormais les mĂȘmes concepts quâĂ Londres, Hong Kong ou Mykonos : thon cru, Wagyu, caviar et service calibrĂ© pour une clientĂšle cosmopolite dĂ©pensant 150 dollars par repas.
La pandĂ©mie a jouĂ© un rĂŽle dĂ©terminant. Alors que le commerce de dĂ©tail de luxe sâest digitalisĂ©, la restauration haut de gamme a pris le relais comme expĂ©rience physique et statutaire. « Vous ne pouvez pas acheter ce que nous faisons sur Amazon », rĂ©sume Noah Tepperberg du groupe Tao, propriĂ©taire dâHakkasan et Lavo. Pour les promoteurs immobiliers, ces enseignes deviennent des vecteurs dâattractivitĂ© : intĂ©grer un Zuma ou un Nobu Ă un complexe rĂ©sidentiel garantit une image premium et fait grimper la valeur du foncier. Les investisseurs encouragent donc cette prĂ©sence mondialisĂ©e, de DubaĂŻ Ă Singapour, de Los Angeles Ă Mykonos.
Les restaurateurs, eux, arbitrent entre croissance et authenticitĂ©. François OâNeill (Maison François) ou le groupe JKS (Gymkhana) voient dans lâinternational une Ă©chappatoire Ă la morositĂ© du marchĂ© britannique, mais redoutent la dilution du âsavoir-faire maisonâ. Certains, comme Barrafina, exportent sous franchise contrĂŽlĂ©e ; dâautres cĂšdent leurs licences Ă des opĂ©rateurs locaux, au risque dâun affadissement du concept. Les observateurs soulignent un paradoxe : ces Ă©tablissements promettent lâunicitĂ©, mais finissent par se ressembler, reproduisant la standardisation des chaĂźnes de milieu de gamme des annĂ©es 2000. Lâarticle y voit le symptĂŽme dâune âluxe globalisationâ oĂč le repas devient un signe de statut interchangeable.
Reste un risque majeur : celui du dĂ©classement symbolique. Si le raffinement se copie, il se banalise. Le dĂ©fi des restaurateurs mondialisĂ©s sera de maintenir la magie du lieu dans un monde oĂč lâexpĂ©rience gastronomique tend Ă devenir un produit de marque comme un autre.
Financial Times, Dark chocolate is being rebranded â but is bitter really better?, 06/10/2025
Lâarticle analyse la nouvelle offensive marketing de Cadbury autour de sa marque historique Bournville, relancĂ©e aprĂšs un demi-siĂšcle dâabsence publicitaire. Lâentreprise veut redĂ©finir le chocolat noir pour le rendre plus accessible, plus joyeux et moins intimidant. Avec le slogan « Nothing fancy. Or schmancy », Cadbury parodie lâunivers souvent prĂ©tentieux du chocolat noir haut de gamme. La marque mise sur la convivialitĂ© et la nostalgie plutĂŽt que sur la sophistication, et revendique un positionnement âplaisirâ face Ă la rigiditĂ© perçue du segment premium.
La campagne, conçue avec le scĂ©nariste Simon Blackwell (Peep Show), met en scĂšne deux dĂ©gustateurs caricaturant les discours excessifs sur lâamertume et les ânotes de terroirâ. Lâobjectif est clair : dĂ©sacraliser le chocolat noir pour conquĂ©rir un public large, habituĂ© au lait mais curieux de saveurs plus intenses. Le pari repose sur un constat : le segment du chocolat noir reste minoritaire au Royaume-Uni (7,2 % du marchĂ©, soit 6,4 milliards de livres), mais il croĂźt deux fois plus vite que le reste du secteur (+21,5 % en un an).
Pour autant, Bournville sâĂ©loigne des standards du âbean-to-barâ artisanal. Son profil gustatif reste trĂšs sucrĂ© : 58 g de sucre pour 100 g, davantage quâune tablette de 75 % de cacao, et une teneur en lait non nĂ©gligeable. Lâarticle souligne le paradoxe dâun produit prĂ©sentĂ© comme ânoirâ mais conçu pour les amateurs de douceur. Les experts interrogĂ©s, dont la juge et formatrice Jennifer Earle, rappellent que âbeaucoup de barres premium nâutilisent pas de bon cacaoâ et que Cadbury âcapitalise sur le halo santĂ© du chocolat noir sans en proposer les vĂ©ritables bĂ©nĂ©ficesâ. Lâambition de la marque est nĂ©anmoins claire : sĂ©duire les consommateurs âmaturesâ, aux goĂ»ts Ă©voluant vers lâintensitĂ© mais rebutĂ©s par la duretĂ© des produits artisanaux.
Ce repositionnement sâinscrit dans une tendance plus large : la dĂ©mocratisation du goĂ»t âamerâ et lâadoucissement des produits perçus comme sophistiquĂ©s. Bournville veut ainsi devenir le âchocolat noir du quotidienâ, opposĂ© Ă Green & Blackâs ou LâEsterre, en misant sur la familiaritĂ© et le prix. Mais, conclut le journaliste, si le ton est lĂ©ger, la recette lâest tout autant : plus sucrĂ©e que noire, la nouvelle Bournville sâadresse aux papilles rassurĂ©es, pas aux puristes du cacao.
Financial Times, Englandâs wine industry is growing dangerously fast, 04/10/2025
Lâarticle alerte sur la croissance âdangereusement rapideâ de lâindustrie viticole anglaise, devenue en quelques annĂ©es un secteur dâinvestissement massif. Longtemps considĂ©rĂ© comme une activitĂ© dâamateurs, le vignoble britannique â qui englobe lâAngleterre et le Pays de Galles â vit aujourdâhui une expansion sans prĂ©cĂ©dent, portĂ©e par le rĂ©chauffement climatique, la spĂ©culation fonciĂšre et lâattrait pour les vins effervescents de style champagne.
Les chiffres donnent la mesure du phĂ©nomĂšne : 4 841 hectares de vignes recensĂ©s, dont plus de 1 000 encore trop jeunes pour produire, et une rĂ©colte record de 21,6 millions de bouteilles en 2023, contre 13,1 millions en 2018. Trois quarts de cette production sont consacrĂ©s aux vins effervescents, dominĂ©s par les cĂ©pages champenois â Chardonnay, Pinot Noir et Pinot Meunier. Depuis le succĂšs pionnier de Nyetimber dans les annĂ©es 1990, ces âEnglish sparklingsâ rivalisent en prestige avec les champagnes français. Mais cette spĂ©cialisation rend le modĂšle fragile : les vins de mĂ©thode traditionnelle nĂ©cessitent un long vieillissement en bouteille, immobilisant le capital et retardant les retours financiers.
La chroniqueuse Jancis Robinson souligne les limites Ă©conomiques dâune telle frĂ©nĂ©sie. Les investisseurs, souvent attirĂ©s par le prestige plus que par la rentabilitĂ©, dĂ©couvrent que les cycles de production, la variabilitĂ© climatique et la lenteur du vieillissement pĂšsent lourdement sur la trĂ©sorerie. MalgrĂ© une vendange 2025 plus modeste, un surplus de raisins se profile, provoquant une baisse des prix du fruit et des opportunitĂ©s pour les producteurs artisanaux. Le vigneron Dermot Sugrue, figure respectĂ©e du Sussex, confie avoir pu acheter du raisin de trĂšs haute qualitĂ© Ă prix bradĂ©.
LâĂ©volution climatique transforme aussi la nature des vins : des Ă©tĂ©s plus chauds permettent dĂ©sormais de produire des rouges et blancs tranquilles, notamment Ă partir du Pinot Noir et du Bacchus. Lors de la dĂ©gustation annuelle de WineGB, plus de la moitiĂ© des 300 vins prĂ©sentĂ©s Ă©taient dĂ©sormais des âstill winesâ, reflet du potentiel croissant du sud de lâAngleterre, notamment de lâEssex et du Crouch Valley.
Pour Jancis Robinson, cette explosion viticole mĂȘle promesse et excĂšs. LâAngleterre sâimpose comme une nouvelle frontiĂšre Ćnologique europĂ©enne, mais la surproduction, la dĂ©pendance climatique et la spĂ©culation fonciĂšre pourraient rapidement transformer cet Ăąge dâor en crise de maturitĂ©. Lâindustrie doit apprendre Ă croĂźtre moins vite â et Ă vieillir mieux.
The Guardian, Enjoying international cuisines makes people more tolerant, UK study finds, 07/10/2025
Selon une Ă©tude conjointe des universitĂ©s de Birmingham et de Munich, les Britanniques qui consomment frĂ©quemment des cuisines Ă©trangĂšres manifestent des attitudes plus ouvertes et moins hostiles envers les immigrĂ©s. PubliĂ©e sous le titre Breaking Bread: Investigating the Role of Ethnic Food in Potentiating Outgroup Tolerance, la recherche dĂ©montre quâun rapport rĂ©gulier Ă la diversitĂ© culinaire rĂ©duit dâenviron 10 % la probabilitĂ© de percevoir les immigrĂ©s comme une menace culturelle ou Ă©conomique.
LâĂ©tude, menĂ©e auprĂšs de plus de 1 000 adultes blancs britanniques, corrĂšle la frĂ©quence et la variĂ©tĂ© des repas internationaux (indien, turc, chinois, thaĂŻlandais, caribĂ©en, espagnol) avec les opinions sur lâimmigration africaine, asiatique et europĂ©enne. Les rĂ©sultats sont clairs : plus les participants apprĂ©cient et consomment ces cuisines, moins ils sont enclins Ă voter pour des partis ou des candidats prĂŽnant des politiques anti-immigration. Les chercheurs prĂ©cisent que cette corrĂ©lation nâest pas simplement liĂ©e Ă une prĂ©disposition initiale Ă lâouverture dâesprit : elle sâexplique surtout par le contact positif et la dimension Ă©motionnelle liĂ©e Ă la nourriture.
Le Dr Rodolfo Leyva, auteur principal, souligne que les restaurants et stands de rue crĂ©ent des espaces dâinteraction naturelle entre populations locales et communautĂ©s immigrĂ©es. âTout le monde mange, et la nourriture est lâune des façons les plus accessibles dâexpĂ©rimenter la diversitĂ© culturelleâ, explique-t-il. Contrairement Ă dâautres formes dâexposition culturelle â musĂ©es, concerts ou voyages â, la gastronomie permet une immersion directe et plaisante dans lâaltĂ©ritĂ©.
LâĂ©tude replace ce phĂ©nomĂšne dans lâhistoire longue de la cuisine britannique, profondĂ©ment marquĂ©e par les influences Ă©trangĂšres : le kedgeree anglo-indien, les glaces italiennes du XIXá” siĂšcle ou les plats caribĂ©ens de la gĂ©nĂ©ration Windrush. Ces apports successifs ont bĂąti un patrimoine culinaire multiculturel aujourdâhui considĂ©rĂ© comme un moteur dâinclusion.
Les chercheurs proposent dâintĂ©grer ces enseignements aux politiques publiques de cohĂ©sion sociale. Parmi leurs recommandations : organiser des dĂ©gustations multiculturelles dans les Ă©coles, soutenir les restaurateurs issus de lâimmigration et promouvoir la diversitĂ© culinaire dans les campagnes touristiques. Pour le Guardian, cette Ă©tude confirme que le goĂ»t peut ĂȘtre un vecteur de tolĂ©rance : en partageant la table, on apprend Ă partager le monde.
New York Times, This TikTok Food Trend Is More Than 10,000 Years Old, 07/10/2025
Sous ses airs de nouveautĂ© virale, la tendance TikTok du âsmoked salmon girliesâ plonge en rĂ©alitĂ© ses racines dans des traditions millĂ©naires. Genevieve Ko montre comment une pratique culinaire ancestrale des peuples autochtones dâAmĂ©rique du Nord, celle du saumon fumĂ© Ă froid, a Ă©tĂ© rĂ©inventĂ©e et dĂ©tournĂ©e sur les rĂ©seaux sociaux. LâĂ©tĂ© 2025 a vu se multiplier les vidĂ©os dâinfluenceurs exhibant des filets de saumon brillants, laquĂ©s dâĂ©rable, dĂ©chirĂ©s Ă pleines mains sous les projecteurs. DerriĂšre le spectaculaire, une entreprise amĂ©ricaine, Solovey Kitchen, dâorigine slave, a su transformer le produit en phĂ©nomĂšne marketing.
Mais cette appropriation masque une histoire longue de plus de dix millĂ©naires. Bien avant les âfood trendsâ, les communautĂ©s autochtones du nord du continent â notamment les peuples Tlingit et Muckleshoot en Alaska et dans le nord-ouest pacifique â pratiquaient le fumage du saumon pour le conserver et assurer leur autonomie alimentaire. Les filets, dâabord saumĂ»rĂ©s, Ă©taient suspendus dans des fumoirs Ă faible tempĂ©rature, alimentĂ©s par du bois dâaulne. Le processus, sans cuisson, permettait de sĂ©cher le poisson, de le prĂ©server pour lâhiver et de transmettre des savoir-faire collectifs.
Pour Kate Nelson (Tlingit), autrice de Turtle Island: Foods and Traditions of the Indigenous Peoples of North America, lâintĂ©rĂȘt du public pour ces recettes ancestrales est positif, Ă condition de les replacer dans leur contexte culturel. âLe problĂšme, dit-elle, câest quand les gens les prĂ©sentent comme une nouveautĂ©, sans savoir dâoĂč cela vient.â Valerie Segrest, nutritionniste autochtone et animatrice du podcast The Old Growth Table, rappelle que des preuves archĂ©ologiques attestent dâactivitĂ©s de pĂȘche et de fumage vieilles de 12 000 ans dans la rĂ©gion de Seattle. Pour elle, le saumon est une ressource sacrĂ©e, un lien spirituel entre nature, communautĂ© et transmission.
Lâarticle donne la parole Ă Heather Douville, prĂ©sentatrice du programme Our Way of Life, qui perpĂ©tue ces pratiques en Alaska malgrĂ© la disparition des fumoirs collectifs, dĂ©truits par les autoritĂ©s fĂ©dĂ©rales au XXá” siĂšcle. Elle insiste sur la valeur dâinterdĂ©pendance qui sous-tend ces savoirs : âLa force vient du collectif, pas de lâindividu.â Pour les communautĂ©s autochtones, prĂ©server le saumon, câest prĂ©server un mode de vie. Les tendances virales peuvent en populariser lâimage, mais la tradition, elle, reste affaire de mĂ©moire et de transmission partagĂ©e.
Wall Street Journal, Startups Are Eating Big Foodâs Lunch, 05/10/2025
Lâindustrie agroalimentaire amĂ©ricaine vit une rĂ©volution silencieuse : les start-up de produits de grande consommation captent dĂ©sormais lâessentiel de la croissance du marchĂ©, au dĂ©triment des gĂ©ants historiques comme Kraft Heinz, General Mills ou Campbellâs. Alors que les volumes globaux stagnent, la croissance vient quasi exclusivement des âinsurgent brandsâ, petites marques innovantes qui incarnent lâagilitĂ©, la transparence et la diffĂ©renciation recherchĂ©es par les consommateurs.
Selon Bain & Company, ces acteurs reprĂ©sentent moins de 2 % du marchĂ© des produits alimentaires, boissons et biens de consommation, mais gĂ©nĂšrent prĂšs de 39 % de la croissance sectorielle en 2024, soit deux fois plus quâen 2023. Les gĂ©ants du âBig Foodâ se retrouvent pris en Ă©tau : les foyers modestes migrent vers les marques distributeurs pour des raisons de prix, tandis que les classes moyennes et aisĂ©es se tournent vers ces jeunes marques perçues comme plus saines, authentiques ou durables.
Lâexemple le plus frappant est celui de Chomps, fabricant de snacks protĂ©inĂ©s Ă base de viande. En quatre ans, lâentreprise est passĂ©e de 70 Ă 660 millions de dollars de chiffre dâaffaires, grĂące Ă une stratĂ©gie ciblant un public fĂ©minin et soucieux de nutrition. Ce dynamisme se retrouve dans dâautres segments â chips, glaces, yaourts, chocolat, plats surgelĂ©s â oĂč les petits acteurs sâimposent par leur rapiditĂ© de dĂ©cision, leur communication numĂ©rique directe et leur capacitĂ© Ă lancer des produits en quelques jours.
La transformation est amplifiĂ©e par la dĂ©matĂ©rialisation des canaux de distribution. Amazon et le e-commerce offrent aux jeunes marques une visibilitĂ© sans contrainte dâespace en rayon, tandis que TikTok et Instagram permettent un storytelling fondateur Ă faible coĂ»t. Comme le rĂ©sume Charlotte Apps (Bain), âune dĂ©cision promotionnelle qui prend six semaines chez un grand groupe peut ĂȘtre exĂ©cutĂ©e en dix minutes par une start-upâ.
Les analystes soulignent que les grands groupes doivent sortir de la dĂ©fensive. Les prĂ©cĂ©dents historiques montrent que la reconquĂȘte passe par la rĂ©invention, non par la rĂ©duction des coĂ»ts. TD Cowen rappelle que lâinnovation et le rĂ©investissement dans la marque restent les leviers les plus efficaces, mĂȘme au prix dâune baisse de marge Ă court terme. Dâautres misent sur les acquisitions ciblĂ©es : PepsiCo avec Poppi, Hershey avec LesserEvil, ou Campbellâs avec la maison mĂšre de Raoâs. Mais ces rachats nâassurent pas toujours le succĂšs : selon Bain, les marques acquises voient leur croissance divisĂ©e par deux une fois intĂ©grĂ©es.
Whole Foods Market, The Next Big Things: Our Top Food Trend Predictions for 2026
Comme chaque annĂ©e Ă cette Ă©poque, le Trends Council de Whole Foods Market publie son panorama prospectif des tendances qui influenceront les goĂ»ts, les rayons et les assiettes. Pour 2026, les experts identifient huit Ă©volutions majeures articulant naturalitĂ©, bien-ĂȘtre et crĂ©ativitĂ©, traduisant la convergence entre nutrition fonctionnelle, hĂ©ritage culinaire et plaisir visuel.
1ïžâŁ Tallow Takeover â le retour du suif : le gras de bĆuf (beef tallow), autrefois dĂ©laissĂ©, revient en force. ApprĂ©ciĂ© pour son goĂ»t riche et son haut point de fumĂ©e, il symbolise le retour aux graisses âancestralesâ et au nose-to-tail, principe de valorisation intĂ©grale de lâanimal. Son image âvintageâ cartonne sur les rĂ©seaux sociaux, et les restaurants redĂ©couvrent ses vertus pour fritures et pĂątisseries.
2ïžâŁ Focus on Fiber â la revanche des fibres : aprĂšs lâĂšre des protĂ©ines, place aux fibres. LâintĂ©rĂȘt pour la santĂ© intestinale et le microbiote se traduit par une explosion de produits âprĂ©biotiquesâ Ă base dâavoine, de chicorĂ©e, de konjac ou de cassava. Les marques revendiquent dĂ©sormais la teneur en fibres comme argument central de bien-ĂȘtre digestif.
3ïžâŁ Les femmes au cĆur de lâagriculture : proclamĂ©e âAnnĂ©e internationale de la femme agricultriceâ par la FAO, 2026 met Ă lâhonneur les femmes dans les filiĂšres agricoles. De Lotus Foods Ă True Moringa, les marques soutiennent entrepreneuriat fĂ©minin, formation et accĂšs aux ressources, dans une logique dâĂ©quitĂ© et de durabilitĂ©.
4ïžâŁ Kitchen Couture â lâemballage devient dĂ©cor : la tendance du dopamine dĂ©cor sâinvite en cuisine. Les emballages deviennent des objets esthĂ©tiques, colorĂ©s et affichables : huiles dâolive, conserves ou chocolat se transforment en accessoires dĂ©coratifs, mĂȘlant luxe accessible et plaisir visuel.
5ïžâŁ Freezer Fine Dining â la gastronomie surgelĂ©e : la montĂ©e en gamme du surgelĂ© se poursuit. InspirĂ©s des cuisines du monde, des plats comme arancini, dumplings ou birria visent le confort et la qualitĂ© restaurant Ă domicile.
6ïžâŁ Les vinaigres vivants et les douceurs raisonnĂ©es : le vinaigre, âvin aigreâ millĂ©naire, vit une renaissance. Ses dĂ©clinaisons vivantes, fruitĂ©es ou fermentĂ©es sĂ©duisent pour leurs bĂ©nĂ©fices digestifs et leur versatilitĂ© en cuisine et mixologie.
7ïžâŁ Sweet, But Make It Mindful â la douceur consciente : les marques rĂ©duisent le sucre ajoutĂ©, misant sur le miel, le sirop dâĂ©rable ou le fruit entier. Le plaisir devient maĂźtrisĂ© et transparent.
8ïžâŁ Instant Reimagined â lâinstant gourmet : les repas express montent en gamme : cafĂ©s filtrĂ©s premium, ramens enrichis, repas en cup nutritifs. LâinstantanĂ©itĂ© retrouve sa noblesse grĂące Ă la qualitĂ©.
Pour ceux qui veulent encore plus dâinfos sur le matcha (mais en anglais)
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O. Frey