đŸđđ Eat's business đđ·đ§ 2025-28
Bonjour Ă toutes et Ă tous, Eatâs Business est une newsletter dans laquelle vous trouverez une revue de presse de quelques articles sur le monde de lâalimentaire qui mâont semblĂ© intĂ©ressants dans la semaine prĂ©cĂ©dente.
Pour ceux qui veulent la version audio :
Pour ceux qui veulent la formule ristretto, les 3 articles que je vous conseille de lire en priorité cette semaine sont :
Les Ăchos, Skyr, whey, barres : pourquoi les Français sont devenus gagas de protĂ©ines, 02/10/2025
Les Ăchos, Les dĂ©buts prometteurs de la culture de la vanille made in Bretagne, 01/10/2025
Modern Retail, TikTok is talking to brands like itâs a grocer now, 01/10/2025
Bonne lecture et bonne semaine Ă toutes et Ă tous!
Pour celles et ceux dâentre vous qui ont plus de temps pour la formule lungo :
Le Monde, « De la Russie au Kazakhstan, le blĂ© dur sâĂ©lĂšve Ă lâEst, alors quâen France les surfaces plantĂ©es sâĂ©tiolent », 28/09/2025
La production mondiale de blĂ© dur, essentielle pour lâindustrie des pĂątes, connaĂźt une redistribution gĂ©ographique majeure. Longtemps dominĂ©e par le Canada, la France et quelques pays mĂ©diterranĂ©ens, elle se dĂ©place aujourdâhui vers lâEst, notamment en Russie et au Kazakhstan. Ces deux puissances agricoles, dĂ©jĂ parmi les leaders pour le blĂ© tendre, investissent massivement dans le blĂ© dur. Avec des conditions climatiques adaptĂ©es, de vastes surfaces disponibles et des coĂ»ts de production compĂ©titifs, elles deviennent des acteurs incontournables, au dĂ©triment des pays europĂ©ens traditionnels.
En France, la situation est prĂ©occupante. Les surfaces plantĂ©es en blĂ© dur ont fortement diminuĂ© au cours des derniĂšres annĂ©es. Les agriculteurs français, confrontĂ©s Ă une rentabilitĂ© moindre que pour dâautres cultures, se dĂ©tournent de cette cĂ©rĂ©ale. Les alĂ©as climatiques accentuent la tendance : sĂ©cheresses, maladies et instabilitĂ© des rendements rendent la culture du blĂ© dur risquĂ©e. RĂ©sultat : la production française ne couvre plus la demande nationale en semoule et pĂątes, obligeant Ă importer, y compris de pays tiers.
Cette Ă©volution bouleverse la filiĂšre agroalimentaire. LâItalie, championne des pĂątes, doit dĂ©sormais diversifier ses approvisionnements, notamment auprĂšs de la Russie et du Kazakhstan, au risque de dĂ©pendre davantage de pays extĂ©rieurs Ă lâUnion europĂ©enne. Les industriels français, eux aussi, adaptent leurs chaĂźnes dâapprovisionnement. Cette dĂ©pendance accrue interroge la souverainetĂ© alimentaire de lâEurope, qui perd progressivement le contrĂŽle dâune ressource stratĂ©gique.
Le dynamisme russe et kazakh repose aussi sur une stratĂ©gie gĂ©opolitique : accroĂźtre leur influence sur les marchĂ©s agricoles mondiaux, comme ils lâont dĂ©jĂ fait avec le blĂ© tendre. En sâimposant dans le blĂ© dur, ils renforcent leur rĂŽle de fournisseurs incontournables, capables de peser sur les prix internationaux et de sĂ©curiser des devises prĂ©cieuses. Les sanctions occidentales liĂ©es Ă la guerre en Ukraine ne semblent pas freiner ce mouvement, au contraire : elles incitent ces pays Ă diversifier leurs dĂ©bouchĂ©s vers lâAsie et le Moyen-Orient, oĂč la consommation de pĂątes explose.
Pour les producteurs français et europĂ©ens, lâenjeu est clair : sans une stratĂ©gie volontariste de soutien Ă la filiĂšre, lâEurope pourrait perdre dĂ©finitivement sa place dans la production mondiale de blĂ© dur. Cela passerait par une meilleure rĂ©munĂ©ration des agriculteurs, des investissements en recherche variĂ©tale et des politiques agricoles plus incitatives. Le contraste est saisissant : alors que le blĂ© dur dĂ©cline en France, il devient une arme Ă©conomique et politique Ă lâEst.
Les Ăchos, Skyr, whey, barres : pourquoi les Français sont devenus gagas de protĂ©ines, 02/10/2025
En quelques annĂ©es, les protĂ©ines se sont imposĂ©es comme lâun des segments les plus dynamiques du marchĂ© alimentaire français. Longtemps cantonnĂ©es aux salles de sport et aux adeptes de musculation, elles sĂ©duisent dĂ©sormais un public beaucoup plus large, allant des jeunes actifs aux seniors en quĂȘte de vitalitĂ©. Les Ăchos Week-End dĂ©crypte les raisons de cet engouement pour les produits riches en protĂ©ines â yaourts Skyr, poudres de whey, barres Ă©nergĂ©tiques ou encore boissons enrichies.
Cette tendance rĂ©pond Ă plusieurs Ă©volutions sociĂ©tales. Dâabord, la recherche dâune alimentation plus fonctionnelle, câest-Ă -dire capable de rĂ©pondre Ă des besoins prĂ©cis : Ă©nergie, satiĂ©tĂ©, rĂ©cupĂ©ration musculaire ou contrĂŽle du poids. Les protĂ©ines, souvent associĂ©es Ă la force et Ă la performance, trouvent naturellement leur place dans ce contexte. Ensuite, le succĂšs des rĂ©gimes hyperprotĂ©inĂ©s, popularisĂ©s par certaines stars du fitness, a largement contribuĂ© Ă dĂ©mocratiser leur consommation au-delĂ du cercle des sportifs.
Les industriels de lâagroalimentaire ont saisi cette opportunitĂ©. Danone, NestlĂ© et Lactalis, mais aussi des start-up spĂ©cialisĂ©es, multiplient les lancements de produits enrichis en protĂ©ines. Le Skyr, yaourt islandais naturellement riche en protĂ©ines et faible en matiĂšres grasses, est devenu un symbole de cette tendance. De mĂȘme, les rayons regorgent de barres protĂ©inĂ©es aux saveurs variĂ©es, prĂ©sentĂ©es comme des snacks sains et rassasiants. Ces innovations visent Ă intĂ©grer la protĂ©ine dans le quotidien alimentaire, en dehors des seuls contextes sportifs.
Lâarticle souligne que le marchĂ© est portĂ© par une double promesse : santĂ© et praticitĂ©. Pour les consommateurs pressĂ©s, avaler une barre protĂ©inĂ©e ou un shaker de whey constitue une solution rapide et perçue comme bĂ©nĂ©fique. Les seniors y voient aussi un alliĂ© pour prĂ©server leur masse musculaire et lutter contre la sarcopĂ©nie. Ainsi, la protĂ©ine nâest plus seulement un outil de performance, mais un ingrĂ©dient de bien-ĂȘtre au sens large.
Toutefois, des voix critiques sâĂ©lĂšvent. Certains nutritionnistes rappellent que la population française nâest pas carencĂ©e en protĂ©ines, et quâune alimentation Ă©quilibrĂ©e suffit gĂ©nĂ©ralement Ă couvrir les besoins. Ils dĂ©noncent un effet de mode exploitĂ© par le marketing, qui pousse Ă la surconsommation de produits transformĂ©s. Par ailleurs, lâimpact environnemental de la whey (sous-produit laitier) ou de certaines protĂ©ines animales pose question, Ă lâheure oĂč la transition Ă©cologique devient incontournable.
MalgrĂ© ces rĂ©serves, le succĂšs des protĂ©ines illustre une mutation durable des habitudes alimentaires : les Français recherchent dĂ©sormais des produits qui combinent plaisir, santĂ© et efficacitĂ©. Lâalimentation devient un outil de performance quotidienne, et la protĂ©ine son symbole phare.
LibĂ©ration, Violences en cuisine : avec Christopher Coutanceau, lâancien monde toujours aux fourneaux, 30/09/2025
Le dĂ©bat sur les violences en cuisine, longtemps restĂ© tabou, sâimpose de plus en plus dans lâactualitĂ© gastronomique française. Lâarticle sâintĂ©resse au cas du chef triplement Ă©toilĂ© Christopher Coutanceau, figure emblĂ©matique de La Rochelle. Sâil incarne une gĂ©nĂ©ration reconnue pour son excellence culinaire, il illustre Ă©galement les rĂ©sistances persistantes dâun certain « ancien monde » face aux Ă©volutions sociĂ©tales qui remettent en cause les pratiques traditionnelles des brigades.
Dans ses déclarations, Coutanceau défend une vision exigeante et parfois dure du métier de cuisinier. Selon lui, la discipline militaire, la rigueur et une hiérarchie stricte restent des conditions nécessaires à la performance gastronomique. Mais cette position est vivement critiquée par de jeunes cuisiniers et anciens apprentis qui dénoncent des pratiques violentes, allant des humiliations verbales aux gestes brutaux, voire au harcÚlement moral. Pour ces derniers, la passion culinaire ne peut justifier des comportements qui relÚvent de la maltraitance.
Ce dĂ©bat prend place dans un contexte plus large : depuis quelques annĂ©es, les tĂ©moignages dâabus dans la restauration se multiplient, Ă la faveur de mouvements sociaux comme #MeToo qui ont libĂ©rĂ© la parole dans diffĂ©rents secteurs. De grands noms de la gastronomie, longtemps intouchables, se retrouvent ainsi mis en cause. Cette prise de conscience interroge le modĂšle historique de la haute cuisine française, hĂ©ritĂ©e dâAuguste Escoffier et popularisĂ©e par les grands chefs du XXe siĂšcle, oĂč lâautoritĂ© se voulait sans partage.
Cependant, Coutanceau nâest pas isolĂ© dans sa dĂ©fense dâune cuisine « Ă lâancienne ». Certains collĂšgues estiment que la transmission du savoir-faire nĂ©cessite une certaine duretĂ©, arguant que la pression des services et lâexigence du rĂ©sultat justifient ces mĂ©thodes. Ă lâinverse, une nouvelle gĂ©nĂ©ration de chefs prĂŽne un management plus bienveillant, oĂč la crĂ©ativitĂ© et lâĂ©panouissement des Ă©quipes remplacent la peur et la soumission. Lâarticle souligne que la fracture est gĂ©nĂ©rationnelle : les jeunes recrues, moins enclines Ă accepter des conditions de travail rudes, fuient massivement les cuisines, aggravant la crise de recrutement du secteur.
Cette polĂ©mique reflĂšte donc un enjeu crucial pour lâavenir de la restauration française : comment maintenir lâexcellence culinaire sans reproduire des violences systĂ©miques ? Lâarticle suggĂšre que la clĂ© rĂ©side dans un rééquilibrage : prĂ©server la discipline nĂ©cessaire tout en construisant un environnement de travail respectueux. Car Ă lâheure oĂč les cuisines se veulent plus inclusives et attentives au bien-ĂȘtre, la brutalitĂ© du « vieux monde » risque de sonner le glas dâune certaine idĂ©e de la gastronomie.
Les Ăchos, Pourquoi Danone se passionne pour le microbiote intestinal, 29/09/2025
Le microbiote intestinal, souvent qualifiĂ© de « deuxiĂšme cerveau », fascine autant les chercheurs que les industriels de lâagroalimentaire. Lâarticle sâintĂ©resse Ă la stratĂ©gie de Danone, qui investit massivement dans ce champ de recherche pour y trouver un relais de croissance. Conscient de lâimportance croissante de la santĂ© digestive et du bien-ĂȘtre intestinal dans les attentes des consommateurs, le groupe français veut se positionner comme un leader de lâalimentation « santĂ© ».
Depuis plusieurs annĂ©es, les scientifiques ont mis en Ă©vidence le rĂŽle dĂ©terminant du microbiote â lâensemble des milliards de bactĂ©ries qui peuplent nos intestins â dans la digestion, le systĂšme immunitaire et mĂȘme la rĂ©gulation de lâhumeur. Cette dĂ©couverte ouvre un vaste champ dâinnovations, oĂč lâalimentation fonctionnelle occupe une place centrale. Pour Danone, dĂ©jĂ connu pour ses produits laitiers fermentĂ©s comme Activia, il sâagit dâune continuitĂ© stratĂ©gique : utiliser les ferments et probiotiques pour dĂ©velopper de nouvelles gammes Ă forte valeur ajoutĂ©e.
Le groupe mise sur deux leviers. Dâun cĂŽtĂ©, la recherche scientifique : Danone collabore avec des laboratoires universitaires, finance des Ă©tudes cliniques et investit dans des start-up spĂ©cialisĂ©es dans les biotechnologies. De lâautre, le marketing : en vulgarisant les bĂ©nĂ©fices du microbiote, il cherche Ă convaincre le grand public que prendre soin de son ventre, câest aussi amĂ©liorer son bien-ĂȘtre global. Cette double approche doit permettre de lĂ©gitimer des produits vendus plus chers, dans un marchĂ© oĂč la valeur prime dĂ©sormais sur le volume.
La tendance est mondiale : le marchĂ© des probiotiques et produits « gut health » explose, portĂ© par une demande croissante en Asie, en AmĂ©rique du Nord et en Europe. Les consommateurs, soucieux de prĂ©vention, veulent des solutions naturelles pour amĂ©liorer leur santĂ©. Cela pousse des gĂ©ants comme NestlĂ©, Yakult ou PepsiCo Ă investir Ă©galement dans ce crĂ©neau. Danone doit donc se diffĂ©rencier en sâappuyant sur son expertise historique et sur la confiance dont bĂ©nĂ©ficie la marque en matiĂšre de produits fermentĂ©s.
Mais des obstacles demeurent. Le lien entre microbiote et santĂ© nâest pas encore totalement Ă©lucidĂ© scientifiquement, et certaines allĂ©gations sont difficiles Ă prouver. Le risque de « surpromesse » est rĂ©el : si les bĂ©nĂ©fices ne sont pas clairement dĂ©montrĂ©s, la crĂ©dibilitĂ© des marques pourrait ĂȘtre entamĂ©e. Par ailleurs, la rĂ©glementation europĂ©enne est stricte concernant les allĂ©gations de santĂ©.
Libération, Black and White Burger, Starsmash, la Kazdalerie... Quand les influenceurs se lancent dans le fast-food, 29/09/2025
Lâarticle explore la relation grandissante entre les influenceurs et les grandes chaĂźnes de restauration rapide, en particulier McDonaldâs, Burger King ou encore KFC. Ces enseignes investissent massivement dans des campagnes de communication ciblant les jeunes gĂ©nĂ©rations, en utilisant les codes des plateformes comme TikTok, Instagram et YouTube. Objectif : sĂ©duire un public toujours plus connectĂ©, qui consomme autant des images et des vidĂ©os virales que des hamburgers ou nuggets.
Le fast-food nâa jamais eu besoin dâautant dâalliĂ©s pour sĂ©duire la jeunesse. Jadis, la publicitĂ© traditionnelle suffisait Ă crĂ©er un imaginaire collectif autour du « burger amĂ©ricain ». Aujourdâhui, ce sont les influenceurs qui façonnent les goĂ»ts et les tendances, grĂące Ă leur proximitĂ© perçue avec les abonnĂ©s. Ils participent Ă des challenges sponsorisĂ©s, testent des menus en direct ou sâassocient Ă des lancements exclusifs. En France comme ailleurs, certains influenceurs cumulent des millions de vues avec de simples dĂ©gustations filmĂ©es, transformant un produit banal en objet de dĂ©sir.
Cette stratĂ©gie sâinscrit dans un contexte de concurrence accrue et de mutation des habitudes alimentaires. Alors que les consommateurs dĂ©clarent vouloir manger plus sainement, la rĂ©alitĂ© des ventes montre la persistance de lâattrait pour les menus rapides et bon marchĂ©. Les enseignes de fast-food exploitent cette ambivalence en crĂ©ant un univers « cool », dĂ©complexĂ©, qui sâaccorde parfaitement avec la culture internet et lâĂ©conomie de lâattention. Le partenariat avec des crĂ©ateurs de contenu est donc une maniĂšre de rĂ©inventer la publicitĂ©, en la rendant plus subtile et virale.
Mais ce modĂšle soulĂšve des critiques. Les nutritionnistes alertent sur la banalisation de la junk food auprĂšs dâun public jeune et vulnĂ©rable. La mise en avant festive et humoristique de repas hypercaloriques masque les enjeux de santĂ© publique, notamment lâobĂ©sitĂ© infantile. Certains observateurs dĂ©noncent aussi une forme de manipulation : les influenceurs, en se prĂ©sentant comme des « amis » ou des « pairs », brouillent la frontiĂšre entre recommandation sincĂšre et publicitĂ© rĂ©munĂ©rĂ©e.
Par ailleurs, cette tendance traduit une Ă©volution du marketing alimentaire : les grandes marques ne parlent plus directement Ă leurs clients, elles passent par des intermĂ©diaires incarnĂ©s. Cela modifie profondĂ©ment la façon dont se construit la confiance : elle ne repose plus sur la marque elle-mĂȘme, mais sur des figures mĂ©diatiques souvent jeunes, parfois peu transparentes sur leurs liens financiers. Face Ă ces critiques, certaines plateformes commencent Ă exiger une mention plus claire des partenariats sponsorisĂ©s.
Le Figaro, Pourquoi les Français continuent-ils à préférer la vraie viande aux alternatives végétales industrielles ?, 01/10/2025
Alors que de nombreux pays voient une progression sensible des substituts vĂ©gĂ©taux Ă la viande, la France fait figure dâexception. Lâarticle analyse cette rĂ©sistance culturelle et gastronomique : malgrĂ© les campagnes mĂ©diatiques et les innovations industrielles, la majoritĂ© des Français restent attachĂ©s Ă la viande traditionnelle, considĂ©rĂ©e comme un pilier de leur identitĂ© culinaire et sociale.
Les produits dâorigine vĂ©gĂ©tale imitant la viande (steaks de soja, nuggets de pois, burgers Ă base de protĂ©ines de pois ou de blĂ©) suscitent encore beaucoup de mĂ©fiance. Les consommateurs les jugent trop transformĂ©s, Ă©loignĂ©s du goĂ»t authentique, et souvent associĂ©s Ă une alimentation ultra-industrialisĂ©e, paradoxalement Ă rebours des attentes actuelles en matiĂšre de naturalitĂ©. De plus, leur prix reste souvent Ă©levĂ© comparĂ© aux viandes de premier prix, ce qui freine leur adoption au-delĂ dâun cercle restreint de consommateurs urbains et sensibilisĂ©s aux enjeux environnementaux.
La dimension culturelle est centrale : la viande en France nâest pas seulement un aliment, mais un symbole de convivialitĂ© et de tradition. Du bĆuf bourguignon au poulet rĂŽti dominical, les repas structurĂ©s autour de la viande incarnent une forme de patrimoine culinaire. Les substituts vĂ©gĂ©taux, souvent perçus comme importĂ©s du modĂšle anglo-saxon, peinent Ă sâintĂ©grer dans cet imaginaire collectif. Les Français prĂ©fĂšrent gĂ©nĂ©ralement rĂ©duire leur consommation de viande ou privilĂ©gier une viande de meilleure qualitĂ© plutĂŽt que de basculer vers des alternatives industrielles.
Sur le plan Ă©conomique, la filiĂšre viande reste Ă©galement un poids lourd de lâagriculture nationale. Ăleveurs, bouchers et restaurateurs dĂ©fendent activement leur modĂšle, parfois avec le soutien des pouvoirs publics. La loi française encadre mĂȘme lâusage de termes comme « steak » ou « saucisse » pour les produits vĂ©gĂ©taux, afin dâĂ©viter toute confusion. Cette rĂ©gulation illustre la volontĂ© de protĂ©ger une filiĂšre dĂ©jĂ fragilisĂ©e par les dĂ©bats environnementaux et les critiques liĂ©es au bien-ĂȘtre animal.
Pour autant, les alternatives vĂ©gĂ©tales ne sont pas absentes : elles trouvent leur public chez les jeunes, les flexitariens et une partie des urbains soucieux de limiter leur impact Ă©cologique. Mais leur croissance reste limitĂ©e par rapport Ă des marchĂ©s comme les Ătats-Unis, lâAllemagne ou le Royaume-Uni. Le dĂ©fi des industriels sera donc dâinnover en matiĂšre de goĂ»t, de naturalitĂ© et de prix, tout en sâadaptant au terroir culturel français.
Lâarticle conclut que, pour lâheure, la viande conserve un avantage symbolique et sensoriel dĂ©cisif. En France, elle reste synonyme de plaisir et de tradition, alors que les alternatives vĂ©gĂ©tales doivent encore faire leurs preuves pour convaincre au-delĂ dâune niche militante.
Les Ăchos, Anti-gaspi : comment le « dĂ©stockage alimentaire » fait son trou en France, 29/09/2025
Le dĂ©stockage alimentaire, longtemps perçu comme une niche marginale, connaĂźt aujourdâhui un vĂ©ritable essor en France. Selon Les Ăchos, cette pratique qui consiste Ă vendre Ă prix rĂ©duits des produits proches de leur date limite de consommation, ou dont lâemballage prĂ©sente des dĂ©fauts mineurs, sâimpose comme un levier efficace contre le gaspillage alimentaire. Elle sĂ©duit Ă la fois les consommateurs en quĂȘte de bonnes affaires et les entreprises soucieuses de valoriser des invendus.
Des plateformes spĂ©cialisĂ©es comme Too Good To Go, Phenix ou encore Nous anti-gaspi se dĂ©veloppent rapidement, sâappuyant sur la digitalisation et lâĂ©conomie circulaire. Elles offrent aux distributeurs et aux industriels un canal alternatif pour Ă©couler leurs stocks, tout en donnant aux particuliers lâopportunitĂ© dâaccĂ©der Ă des produits de qualitĂ© Ă prix rĂ©duits, parfois jusquâĂ -50 % ou -70 %. Lâessor de ces acteurs traduit une double tendance : une sensibilitĂ© accrue aux enjeux environnementaux et un contexte inflationniste qui pousse les mĂ©nages Ă rechercher des solutions Ă©conomiques.
Les enseignes de grande distribution se sont elles aussi emparées du phénomÚne. Carrefour, Intermarché ou SystÚme U intÚgrent désormais des rayons ou des espaces dédiés au déstockage, parfois sous des marques spécifiques. Cette intégration renforce la légitimité de la pratique et permet de toucher un public plus large, au-delà des consommateurs militants. Les industriels alimentaires, eux, voient dans cette solution un moyen de réduire leurs pertes et de valoriser des produits qui, autrement, auraient été détruits.
Cependant, le secteur doit relever plusieurs dĂ©fis. La logistique, notamment la gestion des dates de pĂ©remption et la rotation rapide des stocks, reste complexe. Lâimage du dĂ©stockage doit aussi Ă©voluer : il ne sâagit plus de produits de « seconde zone », mais de denrĂ©es parfaitement consommables, Ă©cartĂ©es pour des raisons souvent purement commerciales. La pĂ©dagogie auprĂšs du grand public est donc essentielle pour rassurer et Ă©largir lâaudience.
Lâarticle rappelle Ă©galement que la France sâest dotĂ©e dâune lĂ©gislation pionniĂšre avec la loi Garot (2016), qui interdit la destruction des invendus alimentaires par les grandes surfaces et encourage leur redistribution. Le dĂ©stockage sâinscrit dans cette dynamique, aux cĂŽtĂ©s du don aux associations caritatives. Il illustre un changement de paradigme : les dĂ©chets alimentaires deviennent une ressource, porteuse de valeur Ă©conomique et Ă©cologique.
Les Ăchos, La revanche inattendue du livre de cuisine, 01/10/2025
Ă lâĂšre des tutoriels YouTube, des blogs culinaires et des applications de recettes, on aurait pu croire le livre de cuisine condamnĂ© Ă disparaĂźtre. Pourtant, comme le souligne lâarticle, il connaĂźt un surprenant regain dâintĂ©rĂȘt. Les ventes se maintiennent Ă un niveau Ă©levĂ©, et certains titres sâimposent mĂȘme comme de vĂ©ritables best-sellers. Ce phĂ©nomĂšne illustre la capacitĂ© du livre de cuisine Ă se rĂ©inventer et Ă conserver une valeur unique face Ă la dĂ©matĂ©rialisation.
Les lecteurs ne recherchent plus seulement un recueil de recettes fonctionnelles. Le livre de cuisine est devenu un objet culturel, esthĂ©tique et identitaire. Il conjugue la transmission dâun savoir-faire avec une mise en scĂšne soignĂ©e, jouant sur la photographie, le design et parfois mĂȘme le rĂ©cit personnel de lâauteur. Certains ouvrages se positionnent comme des « beaux livres » que lâon expose dans son salon autant quâon les utilise dans sa cuisine. Le succĂšs de chefs mĂ©diatiques comme Cyril Lignac ou Yotam Ottolenghi illustre cette hybridation entre gastronomie, lifestyle et narration.
Lâarticle souligne Ă©galement que ce retour en grĂące est portĂ© par une quĂȘte dâauthenticitĂ© et de tangibilitĂ©. Dans un monde saturĂ© dâĂ©crans, possĂ©der un livre imprimĂ© procure une expĂ©rience plus intime et plus durable. Le geste de feuilleter, dâannoter ou de transmettre un ouvrage Ă ses proches participe dâune ritualisation qui Ă©chappe au numĂ©rique. De plus, les livres offrent une garantie de fiabilitĂ© : lĂ oĂč internet regorge de recettes approximatives ou mal adaptĂ©es, lâĂ©dition culinaire conserve une image dâexpertise validĂ©e.
Le marchĂ© se diversifie. On observe une explosion de thĂ©matiques ciblĂ©es : cuisine vĂ©gĂ©tarienne ou vegan, fermentation, pĂątisserie crĂ©ative, street food maison, ou encore ouvrages centrĂ©s sur la nutrition et le bien-ĂȘtre. Certains Ă©diteurs misent sur des niches trĂšs prĂ©cises, rĂ©pondant Ă des communautĂ©s engagĂ©es. Dâautres surfent sur lâactualitĂ© gastronomique ou la notoriĂ©tĂ© dâĂ©missions tĂ©lĂ©visĂ©es comme Top Chef.
Cette vitalitĂ© sâexplique aussi par le rĂŽle du livre dans la construction identitaire. Offrir ou sâoffrir un livre de cuisine, câest affirmer un rapport particulier Ă lâalimentation, que ce soit le goĂ»t de la convivialitĂ©, le dĂ©sir dâinnovation ou la recherche de santĂ©. Le livre devient ainsi un marqueur social, Ă mi-chemin entre lâoutil pratique et lâobjet de distinction culturelle.
Les Ăchos, Les dĂ©buts prometteurs de la culture de la vanille made in Bretagne, 01/10/2025
La vanille, Ă©pice rare et prĂ©cieuse, est traditionnellement associĂ©e Ă Madagascar, Ă la RĂ©union ou encore Ă lâIndonĂ©sie. Pourtant, comme le rĂ©vĂšle lâarticle, une expĂ©rimentation audacieuse est en cours en Bretagne : la culture de vanille en serre, sous climat tempĂ©rĂ©, commence Ă donner des rĂ©sultats encourageants. Cette initiative illustre la volontĂ© dâadapter certaines productions exotiques au territoire français, dans une logique dâinnovation agricole et de souverainetĂ© alimentaire.
Ă lâorigine du projet, des horticulteurs et entrepreneurs bretons qui ont dĂ©cidĂ© de se lancer dans la production de cette orchidĂ©e tropicale. GrĂące Ă des serres chauffĂ©es et Ă un savoir-faire inspirĂ© des mĂ©thodes rĂ©unionnaises, ils parviennent Ă reproduire les conditions nĂ©cessaires Ă la croissance et Ă la floraison de la vanille. Le processus reste long et complexe : il faut trois ans pour obtenir des gousses exploitables, qui doivent ensuite ĂȘtre rĂ©coltĂ©es Ă la main et subir un affinage minutieux. Mais les premiers essais montrent que la Bretagne est capable de produire une vanille de qualitĂ©, aux arĂŽmes comparables Ă ceux des origines traditionnelles.
Cette innovation rĂ©pond Ă plusieurs enjeux. Dâabord, lâinstabilitĂ© du marchĂ© mondial de la vanille, marquĂ© par des fluctuations extrĂȘmes des prix et par des problĂšmes de fraude ou de contrefaçon. Produire localement permettrait de sĂ©curiser une partie des approvisionnements, notamment pour la haute gastronomie française, trĂšs demandeuse dâune Ă©pice premium et traçable. Ensuite, la culture bretonne se veut plus durable : en rĂ©duisant les importations lointaines et en maĂźtrisant les conditions de production, elle limite lâempreinte carbone et garantit une meilleure transparence.
Les perspectives Ă©conomiques sont prometteuses. Si la production reste encore marginale, son positionnement haut de gamme, destinĂ© aux chefs, pĂątissiers et artisans chocolatiers, assure une valorisation intĂ©ressante. La vanille bretonne ne cherche pas Ă concurrencer les volumes de Madagascar, mais Ă sâimposer comme un produit dâexception, incarnant une nouvelle forme de terroir. Elle pourrait Ă terme rejoindre les circuits courts et les filiĂšres labellisĂ©es, renforçant lâattractivitĂ© de la Bretagne comme rĂ©gion dâinnovation gastronomique.
Cependant, des défis subsistent. Le coût énergétique des serres chauffées reste élevé, et la rentabilité dépendra de la capacité à maintenir une qualité constante. Par ailleurs, la culture reste fragile et exige un savoir-faire précis. Les producteurs devront aussi convaincre un marché habitué aux origines traditionnelles.
The Guardian, âPlanetary health dietâ could save 40,000 deaths a day, landmark report finds, 03/10/2025
Un rapport majeur publiĂ© dans The Lancet par 70 experts issus de 35 pays affirme que lâadoption mondiale du « planetary health diet » (PHD) pourrait prĂ©venir 15 millions de dĂ©cĂšs prĂ©maturĂ©s par an, soit environ 40 000 par jour, tout en rĂ©duisant de moitiĂ© les Ă©missions alimentaires liĂ©es au climat dâici 2050. Ă lâheure oĂč le systĂšme alimentaire gĂ©nĂšre un tiers des Ă©missions mondiales de gaz Ă effet de serre et constitue la principale cause de dĂ©forestation, de perte de biodiversitĂ© et de pollution, les chercheurs jugent impossible de contenir la crise climatique sans transformer profondĂ©ment nos habitudes alimentaires.
Le rĂ©gime proposĂ© reste flexible : il privilĂ©gie les fruits, lĂ©gumes, cĂ©rĂ©ales complĂštes, lĂ©gumineuses et noix, mais tolĂšre une consommation modĂ©rĂ©e de produits animaux. Les recommandations incluent une portion hebdomadaire de viande rouge, deux portions de poulet et de poisson, trois Ă quatre Ćufs, ainsi quâune ration quotidienne de produits laitiers. Le PHD peut ĂȘtre dĂ©clinĂ© en version omnivore, vĂ©gĂ©tarienne ou vĂ©gane, et adaptĂ© aux cultures locales. Lâobjectif est de corriger des rĂ©gimes actuels jugĂ©s dĂ©sĂ©quilibrĂ©s : excĂšs de viande et de produits laitiers en AmĂ©rique du Nord, Europe et AmĂ©rique latine, mais aussi surconsommation de fĂ©culents dans certaines rĂ©gions dâAfrique subsaharienne.
Le rapport souligne Ă©galement les inĂ©galitĂ©s structurelles : les 30 % les plus riches de la planĂšte gĂ©nĂšrent plus de 70 % des impacts environnementaux liĂ©s Ă lâalimentation, tandis que 2,8 milliards de personnes nâont pas les moyens dâaccĂ©der Ă une alimentation saine et quâ1 milliard souffre encore de sous-nutrition. Ă lâopposĂ©, un autre milliard dâindividus est en situation dâobĂ©sitĂ©, rĂ©vĂ©lant un systĂšme alimentaire doublement dĂ©faillant.
Pour inverser la tendance, les experts recommandent de rĂ©orienter les subventions agricoles vers des productions durables, dâimposer des taxes sur les aliments nĂ©fastes pour la santĂ©, de rendre les produits sains plus abordables et de rĂ©glementer la publicitĂ©. Ils estiment que la transformation du systĂšme coĂ»terait 200 Ă 500 milliards de dollars par an, mais permettrait dâĂ©conomiser 5.000 milliards en frais liĂ©s aux maladies et aux dĂ©gĂąts environnementaux.
Les bĂ©nĂ©fices du PHD dĂ©passent la prĂ©vention des maladies cardiovasculaires : il rĂ©duit aussi les risques de diabĂšte, cancers et maladies neurodĂ©gĂ©nĂ©ratives, tout en amĂ©liorant lâapport en fibres, acides gras essentiels et micronutriments comme le magnĂ©sium et le zinc. Seule la vitamine B12 et le fer nĂ©cessitent une vigilance particuliĂšre pour les rĂ©gimes sans produits animaux.
Financial Times, Moving beyond âplant bait for the vegansâ: can meat substitutes convince consumers?, 29/09/2025
LâĂ©levage reprĂ©sente environ 15 % des Ă©missions mondiales de gaz Ă effet de serre, principalement sous forme de mĂ©thane et dâoxyde nitreux. Face Ă cet enjeu, les substituts de viande apparaissent comme une piste prometteuse : produire des alternatives vĂ©gĂ©tales gĂ©nĂšre deux fois moins dâĂ©missions que la viande, tout en rĂ©duisant lâusage des terres et de lâeau. Mais la question centrale demeure : les consommateurs, surtout dans les cultures trĂšs attachĂ©es Ă la viande, accepteront-ils dâadapter leurs assiettes ?
Lâarticle dĂ©crit les trois approches majeures de lâindustrie. La premiĂšre repose sur les protĂ©ines vĂ©gĂ©tales (soja, pois, blĂ©), transformĂ©es en textures fibreuses imitant le muscle animal, utilisĂ©es dans les burgers, nuggets ou mĂȘme « faux thon ». La deuxiĂšme est la fermentation : champignons cultivĂ©s pour produire des filaments riches en protĂ©ines, ou microbes programmĂ©s pour fabriquer des protĂ©ines animales comme la casĂ©ine, permettant des laits ou fromages quasi identiques aux originaux. Enfin, la troisiĂšme est lâoption hybride, oĂč viande et vĂ©gĂ©taux sont combinĂ©s. Ces solutions visent Ă prĂ©server le goĂ»t et la texture familiers, essentiels pour convaincre les carnivores.
Les avantages sont multiples : rĂ©duction potentielle massive des Ă©missions, amĂ©lioration de la santĂ© publique par la baisse des graisses saturĂ©es, et transition plus douce politiquement que des mesures coercitives. Mais les obstacles sont sĂ©rieux. Beaucoup de substituts restent hautement transformĂ©s, nĂ©cessitant additifs et arĂŽmes, ce qui suscite des doutes sur leur valeur nutritionnelle. Ils peuvent aussi coĂ»ter plus cher que la viande, surtout pour les produits issus de la fermentation de prĂ©cision, encore onĂ©reuse. Le goĂ»t reste un frein dĂ©cisif : certains produits imitent bien la viande, dâautres déçoivent, ce qui limite leur adoption durable.
Sur le plan climatique, remplacer le bĆuf (60 kg de COâ/kg produit) par des lĂ©gumineuses (<1 kg) aurait un impact colossal. Mais la demande mondiale de protĂ©ines animales continue de croĂźtre, notamment en Asie et en Afrique, oĂč la viande reste symbole de statut. DĂšs lors, les substituts ne compenseront sans doute pas assez vite cette tendance. Leur succĂšs dĂ©pendra de politiques publiques actives : fonds publics (comme les 190 M⏠du Danemark pour soutenir les protĂ©ines vĂ©gĂ©tales), incitations fiscales, encadrement publicitaire et accompagnement des producteurs.
Les gagnants potentiels sont les start-up foodtech et les grands groupes agroalimentaires qui investissent dans ces technologies (Tyson, Cargill, JBS). Les perdants, en revanche, pourraient ĂȘtre les Ă©leveurs traditionnels, surtout les petits exploitants incapables de sâadapter. Les tensions politiques sâannoncent vives, entre soutiens aux substituts et pressions des lobbies de la viande, qui cherchent dĂ©jĂ Ă restreindre lâusage de termes comme « burger » ou « lait ».
Modern Retail, TikTok is talking to brands like itâs a grocer now, 01/10/2025
TikTok, autrefois perçu avant tout comme une plateforme de divertissement et de crĂ©ativitĂ© virale, sâimpose dĂ©sormais comme un acteur incontournable du commerce alimentaire et des boissons. Comme lâexplique Amanda Parker, responsable de lâalimentaire pour TikTok Shop, la plateforme ne se contente plus dâattirer de petits entrepreneurs : de grandes marques comme Mars ou Coca-Cola sâen servent aujourdâhui pour tester des nouveautĂ©s, lancer des Ă©ditions limitĂ©es ou mener des recherches produit. LĂ oĂč les innovations passaient auparavant par un partenariat avec les distributeurs traditionnels, TikTok Shop devient un canal expĂ©rimental et stratĂ©gique.
La comparaison avec la grande distribution nâest pas fortuite. Amanda Parker souligne que TikTok reprend certains codes du merchandising des enseignes physiques â comme les mises en avant saisonniĂšres ou les tests de produits â mais en version numĂ©rique, grĂące Ă la combinaison unique de contenu et de commerce. La croissance est impressionnante : TikTok Shop a progressĂ© de 120 % en un an, et la catĂ©gorie alimentaire et boissons a plus que doublĂ© depuis 2024. Le nombre de grandes marques (plus de 30 millions de dollars de chiffre dâaffaires annuel) prĂ©sentes sur la plateforme a bondi de 95 % au premier semestre 2025.
Au-delĂ des ventes, TikTok est devenu un laboratoire de tendances. Les marques peuvent dĂ©tecter trĂšs tĂŽt ce qui sĂ©duit les consommateurs en suivant les hashtags et les contenus Ă©mergents. Câest ainsi que Mars a lancĂ© ses Skittles POPâd, directement inspirĂ©s dâune tendance TikTok de bonbons lyophilisĂ©s, ou que la marque familiale EZ Bombs a conquis plus de 1.000 points de vente physiques aux Ătats-Unis aprĂšs avoir explosĂ© sur TikTok Shop. La viralitĂ© devient un tremplin vers la distribution traditionnelle.
La plateforme mise aussi sur les mĂ©ga-livestreams, oĂč influenceurs et marques cuisinent, goĂ»tent ou organisent des ventes flash en direct, renforçant lâaspect communautaire et interactif. Ce format, encore Ă©mergent, illustre la spĂ©cificitĂ© de TikTok : chaque opĂ©ration doit ĂȘtre visuellement percutante et adaptĂ©e aux codes de lâASMR ou de la transformation culinaire.
TikTok se positionne ainsi comme un nouvel acteur du retail media, capable de rivaliser avec Amazon ou Walmart en matiĂšre de donnĂ©es consommateurs et de publicitĂ© ciblĂ©e. Si des incertitudes demeurent autour de sa gouvernance et de son avenir aux Ătats-Unis, la plateforme sâimpose dĂ©jĂ comme un levier omnicanal incontournable pour les marques alimentaires, qui y voient Ă la fois un outil de test, de communication et de vente directe.
Modern Retail, Why ChatGPT checkout isnât a threat to Amazonâs dominance â yet, 02/10/2025
OpenAI accĂ©lĂšre son incursion dans le e-commerce avec le lancement dâInstant Checkout, une fonctionnalitĂ© intĂ©grĂ©e Ă ChatGPT qui permet aux utilisateurs amĂ©ricains dâacheter directement des produits sans quitter lâapplication. Pour lâheure, le service concerne des vendeurs Etsy et sera bientĂŽt Ă©largi Ă plus dâun million de marchands Shopify (Glossier, Skims, Spanx, VuoriâŠ). Les paiements sont opĂ©rĂ©s via Stripe, et les marchands paient une commission encore non prĂ©cisĂ©e. Cette initiative marque lâentrĂ©e officielle de ChatGPT dans ce que lâentreprise appelle « lâagentic commerce » â une vision oĂč des agents dâIA pourraient un jour acheter automatiquement au nom des consommateurs.
Pour lâinstant, lâexpĂ©rience reste limitĂ©e : lâutilisateur doit rechercher un produit, le sĂ©lectionner et finaliser lâachat, comme sur nâimporte quelle plateforme. La diffĂ©rence tient au fait que tout se passe dans lâinterface ChatGPT, sans redirection vers un site marchand. Le systĂšme ne supporte que les achats unitaires, mais OpenAI promet lâajout de paniers multi-produits et une extension Ă dâautres rĂ©gions.
Si cette nouveautĂ© semble concurrencer Amazon, le gĂ©ant de Seattle conserve un avantage considĂ©rable grĂące Ă son infrastructure logistique bĂątie sur deux dĂ©cennies et Ă la fidĂ©litĂ© des abonnĂ©s Prime habituĂ©s Ă la livraison ultra-rapide. Acheter via ChatGPT, en passant par de petits marchands Etsy ou Shopify, reste « un pari » sur les dĂ©lais de livraison. Par ailleurs, Amazon pourrait malgrĂ© tout capter une partie de cette activitĂ© : son service logistique tiers vient dâannoncer quâil prendra aussi en charge des commandes issues de Walmart, Shein et Shopify. En clair, Amazon gagne dans tous les cas une part des revenus du commerce en ligne amĂ©ricain.
LĂ oĂč la menace pour Amazon pourrait ĂȘtre plus sĂ©rieuse, câest dans la publicitĂ©. Le cĆur de la rentabilitĂ© du groupe nâest pas la vente directe mais son unitĂ© publicitaire de 56 milliards de dollars, alimentĂ©e par la recherche produit interne. Si de plus en plus de consommateurs passent par ChatGPT pour dĂ©couvrir des produits, cela pourrait siphonner une partie du trafic et fragiliser le modĂšle publicitaire dâAmazon. Pour lâinstant, OpenAI nâa pas intĂ©grĂ© de placements sponsorisĂ©s : les rĂ©sultats sont prĂ©sentĂ©s comme « purement organiques », mais des pistes de monĂ©tisation sont Ă lâĂ©tude.
Pour les marchands, ChatGPT reprĂ©sente un nouveau canal de vente attractif. Beaucoup de vendeurs Amazon peinent Ă gĂ©nĂ©rer du trafic sur leurs sites direct-to-consumer, et la publicitĂ© sur Google ou Meta reste coĂ»teuse. Le partenariat OpenAI-Shopify incite dĂ©jĂ certains dâentre eux Ă envisager une migration vers Shopify afin de profiter du canal ChatGPT.
CNBC, From PepsiCo to Taco Bell, dirty soda is taking over, 27/09/2025
NĂ©e en 2010 dans lâUtah avec la chaĂźne Swig, la tendance du dirty soda â sodas mĂ©langĂ©s Ă des sirops, de la crĂšme ou du lait â sâest imposĂ©e comme une nouvelle dynamique dans lâunivers des boissons gazeuses, longtemps en perte de vitesse. PopularisĂ©e par TikTok et lâĂ©mission The Secret Lives of Mormon Wives, elle sâĂ©tend dĂ©sormais des soda shops rĂ©gionaux aux gĂ©ants de lâagroalimentaire comme PepsiCo, Taco Bell ou McDonaldâs, donnant un second souffle Ă une catĂ©gorie jugĂ©e vieillissante.
PepsiCo est en premiĂšre ligne avec le lancement de nouvelles boissons inspirĂ©es du dirty soda : aprĂšs le succĂšs de Pepsi Wild Cherry & Cream, deux produits prĂȘts-Ă -boire, Dirty Dew et Mug Floats Vanilla Howler, seront dĂ©voilĂ©s en 2026. Lâentreprise compare lâengouement actuel Ă la nostalgie des « root beer floats » ou des bars Ă soda du milieu du XXá” siĂšcle. Pour Mark Kirkham, directeur marketing de Pepsi Beverages North America, il sâagit de revisiter le soda de maniĂšre ludique et crĂ©ative.
Le succĂšs ne se limite pas aux supermarchĂ©s. Des chaĂźnes comme TGI Fridays ont ajoutĂ© le dirty soda Ă leur carte, parfois en version alcoolisĂ©e, tandis que McDonaldâs teste de nouvelles recettes de sodas aromatisĂ©s dans plus de 500 restaurants. Taco Bell a Ă©galement surfĂ© sur la vague avec des dĂ©clinaisons exclusives de son Baja Blast. CĂŽtĂ© indĂ©pendants, Swig a dĂ©passĂ© les 140 Ă©tablissements aux Ătats-Unis et affiche une croissance de 8,2 % de ses ventes Ă magasins comparables en 2025, inspirant des rivaux comme Sodalicious ou Fiiz. Pour son PDG, Alex Dunn, Swig est au soda « ce que Starbucks a Ă©tĂ© pour le cafĂ© ».
Le dirty soda attire un public jeune, notamment les femmes de 18 Ă 35 ans. Plus accessible et moins cafĂ©inĂ© que le cafĂ©, il peut ĂȘtre consommĂ© tout au long de la journĂ©e et sĂ©duit par son cĂŽtĂ© personnalisable et visuellement attractif, parfait pour les rĂ©seaux sociaux. Cette tendance joue aussi le rĂŽle de « porte dâentrĂ©e » vers les marques traditionnelles : Keurig Dr Pepper observe par exemple que ses innovations âcreamyâ ou fruitĂ©es fidĂ©lisent durablement de nouveaux consommateurs.
Plus largement, cette mode contribue Ă renverser la courbe de dĂ©clin des sodas aux Ătats-Unis. AprĂšs deux dĂ©cennies de baisse, la consommation de boissons gazeuses sâest stabilisĂ©e autour de 11,9 milliards de gallons (environ 54 milliards de litres) en 2024-2025, portĂ©e par lâessor du dirty soda et des sodas prĂ©biotiques. Pour lâindustrie, câest une opportunitĂ© stratĂ©gique : recruter une nouvelle gĂ©nĂ©ration de buveurs, stimuler la crĂ©ativitĂ© et diversifier les canaux, du service rapide aux rayons de supermarchĂ©s.
New York Times, The $400 Million Restaurant Man, 30/09/2025
Ă 70 ans, Stephen Starr sâimpose comme lâun des restaurateurs les plus influents des Ătats-Unis, Ă la tĂȘte dâun empire de 43 Ă©tablissements dans six villes, gĂ©nĂ©rant environ 400 millions de dollars de revenus annuels et employant 5.000 personnes. De Philadelphie Ă New York en passant par Miami, Washington ou Nashville, ses restaurants attirent prĂ©sidents, cĂ©lĂ©britĂ©s et touristes, tout en sĂ©duisant un public plus populaire. Sa force : une capacitĂ© unique Ă crĂ©er des lieux immersifs oĂč gastronomie, design, musique et atmosphĂšre sâentrelacent comme un spectacle savamment orchestrĂ©.
Stephen Starr est dĂ©crit comme un crĂ©ateur. Son obsession pour les dĂ©tails â de la sĂ©lection des playlists Ă lâintensitĂ© des lumiĂšres â traduit son passĂ© dans la musique, oĂč il a dĂ©butĂ© avant de se lancer dans la restauration. Son premier succĂšs fut The Continental (1995), un bar Ă martinis qui lança la rĂ©volution culinaire de Philadelphie, suivi du spectaculaire Buddakan (1998). Sa vision audacieuse, conjuguant design théùtral et restauration grand public, fit de lui un pionnier, mais aussi un entrepreneur parfois critiquĂ© pour ses « mĂ©ga-restaurants » clinquants.
Sa carriĂšre sâest dĂ©ployĂ©e en trois actes. Dâabord, plaire au plus grand nombre grĂące Ă des concepts sĂ©duisants et accessibles. Ensuite, gagner en crĂ©dibilitĂ© auprĂšs des Ă©lites culinaires, avec des projets plus exigeants comme Le Coucou Ă New York, saluĂ© par la critique et rĂ©compensĂ© par un James Beard Award et une Ă©toile Michelin. Enfin, un troisiĂšme acte oĂč Stephen Starr assume ses propres envies : ressusciter des institutions dĂ©chues (comme Babbo ou bientĂŽt Lupa) ou dĂ©velopper des marques iconiques telles que Pastis, en multipliant les dĂ©clinaisons dans plusieurs villes.
Stephen Starr est comparĂ© Ă un Rick Rubin (un producteur de disques amĂ©ricain, principalement connu pour son travail dans le milieu du rap et du heavy metal) de la restauration : il ne cuisine pas, mais sait dĂ©tecter les talents (chefs comme Nancy Silverton, Mark Ladner ou Daniel Rose) et transformer une idĂ©e en concept pĂ©renne et lucratif. Cette stratĂ©gie lui permet de bĂątir une « bibliothĂšque » de marques restauratrices quâil adapte et exporte. Son flair est souvent confirmĂ© par le public : ainsi, ses intuitions sur un plat ou une ambiance sâimposent face aux hĂ©sitations de ses partenaires.
Toujours en quĂȘte de nouveaux projets, Starr prĂ©pare actuellement plusieurs ouvertures, dont un Mission Chinese revisitĂ© avec Danny Bowien et un projet avec le rĂ©alisateur M. Night Shyamalan. Sâil admet que ses choix ne sont pas toujours rationnels financiĂšrement â investir dans une fresque Ă 90 000 $ ou remplacer des miroirs pour 20 000 $ â il revendique une logique artistique : crĂ©er des lieux uniques, quitte Ă sacrifier des marges.
Câest tout pour aujourdâhui.
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A la semaine prochaine!
O. Frey