🌾🍇🐄 Eat's business 🍕🍷🧀 2025-21
Bonjour à toutes et à tous, Eat's Business est une newsletter dans laquelle vous trouverez une revue de presse de quelques articles sur le monde de l’alimentaire qui m’ont semblé intéressants dans la semaine précédente.
Pour ceux qui veulent la formule ristretto, les 3 articles que je vous conseille de lire en priorité cette semaine sont :
Les Échos, Gariguette, Plougastel, Périgord : la revanche de la fraise française, 19/06/2025
The Guardian, Flavour of gin and tonic could be impacted by climate change, study finds, 19/06/2025
The Spoon, What Flavor Unlocks, 13/06/2025
Bonne lecture et bonne semaine à toutes et à tous!
Pour celles et ceux d’entre vous qui ont plus de temps pour la formule lungo :
La Tribune, Utilisation en supermarché, dématérialisation… Les nouvelles choses à savoir sur les titres-restaurant, 18/06/2025
L’article fait le point sur la décision du gouvernement français de pérenniser, à compter du 1er janvier 2027, l’usage des titres-restaurant en supermarché. Jusqu’ici appliquée à titre dérogatoire depuis la crise sanitaire et accentuée par le développement du télétravail, cette mesure permettait aux salariés d’acheter des produits alimentaires non immédiatement consommables (comme les pâtes, le riz ou le lait) avec leurs titres-restaurant. Cette décision de la ministre du Commerce et des PME, Véronique Louwagie, soulève cependant un vif débat : elle satisfait les consommateurs, mais suscite la colère des restaurateurs, représentés notamment par l’UMIH, qui estiment que ces titres doivent rester réservés aux repas pris en restauration hors foyer.
La ministre a également confirmé la généralisation de la dématérialisation de ces titres au 1er janvier 2027, une évolution saluée par les restaurateurs en raison des lourdeurs administratives engendrées par la gestion des versions papier. Ce passage au tout-numérique pourrait aussi faciliter l’instauration d’un plafond différencié selon le lieu d’utilisation : une proposition sérieusement étudiée par le gouvernement, bien qu’elle doive encore être validée sur le plan juridique. L’idée serait d’instaurer un plafond journalier plus élevé pour les repas pris au restaurant (autour de 30 euros) et plus bas pour les achats en grande surface (actuellement fixé à 25 euros).
L’article souligne l’évolution rapide des pratiques alimentaires sous l’effet du télétravail et de la digitalisation. Si les restaurateurs dénoncent une dérive du dispositif, le gouvernement cherche à adapter les règles aux nouveaux usages des salariés tout en soutenant la numérisation des outils de paiement. Le débat reste vif, notamment dans les grandes agglomérations où les professionnels de la restauration doivent composer avec des coûts plus élevés. Les négociations se poursuivent entre les différentes parties prenantes afin de trouver un équilibre durable.
Les Échos, Auchan dévoile son nouveau concept de magasin pour sauver ses hypers, 19/06/2025
Face à la crise structurelle de l’hypermarché, Auchan déploie un plan ambitieux de transformation, illustré par l’ouverture d’un hypermarché nouvelle génération à Fréjus. Ce point de vente, anciennement sous enseigne Casino, a été entièrement repensé pour améliorer l’expérience client, favoriser la montée en gamme de l’offre alimentaire et relancer les performances commerciales. Le directeur général d’Auchan, Guillaume Darrasse, fait de ce magasin un laboratoire pour le renouveau de l’enseigne, qui prévoit d’investir 750 millions d’euros dans la rénovation de son parc.
Le nouveau concept repose sur plusieurs piliers : un aménagement centré sur le confort client (sols en lino antibruit, éclairage doux, rayons ouverts, double allée centrale), une offre mieux lisible et recentrée sur les produits frais, avec des halles façon Grand Frais en cœur de parcours. Les métiers de bouche (boulangerie, poissonnerie, boucherie, etc.) mobilisent à eux seuls 70 salariés, soit près d’un tiers des effectifs. La mise en avant des produits locaux, issus de partenariats avec 34 producteurs varois, vise à capter une clientèle sensible à l’ancrage territorial, notamment pendant la saison estivale.
L’offre non alimentaire est maintenue mais repensée : davantage d’espaces santé et bien-être (parapharmacie, optique) au détriment de rayons moins porteurs (électroménager, électronique). Cette évolution traduit une adaptation stratégique aux attentes des consommateurs et à la pression exercée par la concurrence en ligne, en particulier chinoise, sur des segments comme le textile.
La promesse de relance repose cependant sur un point clé : le retour à la compétitivité prix. Le groupe affirme avoir réduit les prix de 15 % dans les magasins repris à Casino, ce qui aurait permis une hausse de 30 à 40 % du volume des ventes. À Fréjus, le chiffre d’affaires a crû de 10 % sur un an, et les ventes sont en croissance à deux chiffres depuis l’installation du nouveau concept. Reste à diffuser ce modèle à grande échelle, un défi de taille pour un groupe encore lourdement déficitaire.
Les Échos, Pernod Ricard se réorganise pour affronter la crise des spiritueux, 19/06/2025
Face à une crise profonde qui secoue le secteur des spiritueux, Pernod Ricard, deuxième acteur mondial du marché, annonce une vaste réorganisation. L’entreprise, qui emploie 18 500 personnes dans le monde dont 3 000 en France, subit un ralentissement de ses principaux marchés, notamment les États-Unis et la Chine. Dans ce contexte, le groupe a révélé une baisse attendue de son chiffre d’affaires pour l’année 2024-2025, comprise entre 0 et -5 %, marquant ainsi une année de transition.
Deux axes de restructuration majeurs sont annoncés : la réorganisation en deux divisions, contre six actuellement, et un plan d’économies d’un milliard d’euros d’ici 2029. La nouvelle organisation regroupera les spiritueux vieillis (cognac, whisky, champagne) d’un côté, et les autres (vodka, tequila, etc.) de l’autre. Cette simplification vise à créer des synergies, accroître l’agilité de l’entreprise et s’adapter à une conjoncture économique défavorable, marquée par des tensions commerciales avec la Chine (enquête antidumping sur les brandies européens) et une chute de 22 % des ventes dans ce pays.
En parallèle, Pernod Ricard est confronté à une demande en baisse aux États-Unis, notamment à cause des menaces de taxation initiées sous l’administration Trump. Dans ce contexte, le groupe a également gelé certaines sommes sous forme de garantie, en attendant une décision des autorités chinoises concernant de possibles droits de douane de 35 à 39 %.
Ce recentrage stratégique, déjà amorcé en 2024 avec la cession de la quasi-totalité des activités vinicoles, s’inscrit dans une dynamique plus large de réduction des coûts, partagée par d’autres acteurs du secteur. LVMH, Rémy Cointreau ou encore Camus ont aussi annoncé des réductions d’effectifs ou des plans de restructuration. L’objectif de Pernod Ricard est clair : préserver sa compétitivité dans un marché en mutation rapide, tout en assurant la qualité et la cohérence de son portefeuille de marques, qui compte notamment Absolut, Jameson, Ballantine’s, et Ricard.
LSA, Sodiaal (Yoplait, Candia...) affiche des résultats solides en 2024 mais alerte sur la guerre des prix dans la filière laitière, 18/06/2025
La coopérative laitière Sodiaal, connue pour ses marques Yoplait, Candia et Entremont, affiche pour 2024 des résultats économiques solides, malgré un contexte économique difficile. Le chiffre d’affaires atteint 5,774 milliards d’euros, avec un résultat net en forte progression (+68 %) à 103,9 millions d’euros. Ces résultats s’appuient sur un Ebitda de 218,4 millions et un résultat courant stable à 80,5 millions. Sodiaal, qui fédère plus de 14 000 éleveurs dans 71 départements et emploie 9 000 collaborateurs, maintient une politique favorable aux producteurs avec un prix moyen du lait à 492 €/1 000 litres, comprenant une redistribution de 63 millions d’euros. Le lait bio est encore mieux valorisé, à 530 €/1 000 litres.
Pour 2025, la coopérative prévoit de maintenir cette dynamique avec un prix de base du lait conventionnel à 470 € et 520 € pour le lait bio. Ce soutien à la rémunération vise à garantir la pérennité des exploitations face aux tensions du marché. La stratégie « Grandir Ensemble », lancée en 2023, continue de porter ses fruits, avec des axes forts : valorisation des marques, excellence opérationnelle et solidarité coopérative.
Mais Sodiaal alerte aussi sur la guerre des prix qui fait rage dans la filière, en particulier sur le lait UHT et l’emmental, où la pression des marques de distributeur et des premiers prix déstabilise l’équilibre économique. La coopérative dénonce les ventes à perte ou à des prix inférieurs à 1 euro le litre, et prévient que de telles pratiques mettent en péril la durabilité de la filière.
Enfin, Sodiaal affirme son engagement en faveur de la durabilité avec 10 millions d’euros par an versés aux éleveurs via une prime dédiée, des outils de mesure d’impact carbone et un soutien actif au renouvellement des générations, avec près de 1 500 nouvelles installations d’éleveurs depuis 2019.
Le Figaro, Face aux alternatives végétales, les produits laitiers font de la résistance en France, 19/06/2025
Alors que les alternatives végétales aux produits laitiers poursuivent leur développement, les produits d’origine animale connaissent un regain d’intérêt en France. L’article montre que, malgré les investissements massifs des industriels dans les substituts végétaux, ces derniers peinent à convaincre les consommateurs français, attachés au goût et à la tradition des produits laitiers.
Le cas de Bel illustre ces difficultés : le groupe a décidé de cesser la commercialisation de sa marque végétale Nurishh, lancée il y a quatre ans et produite à l’usine All in Foods de Saint-Nazaire, vouée à la fermeture d’ici fin 2025. Malgré des moyens importants, la marque n’a conquis que 1 % du marché du simili-fromage, loin derrière le leader Violife (22 %). Bel préfère désormais concentrer ses efforts sur des déclinaisons végétales de ses marques phares, comme Boursin végétal, qui connaît un bon démarrage.
Le phénomène n’est pas isolé : Nestlé a retiré sa marque de lait végétal Wunda du marché britannique après un accueil décevant, et en France, les desserts à base d’avoine de St Hubert ont été arrêtés. Globalement, les innovations végétales se font plus rares, même si le marché continue de croître : les ventes de simili-laits, yaourts et fromages ont progressé respectivement de 8,6 %, 5 % et 12,4 % sur un an. Estimé à 400 millions d’euros, ce segment reste deux fois plus important que celui des substituts à la viande.
Cependant, le marché se rationalise : début 2024, Jay & Joy a racheté Les Nouveaux Affineurs, signe d’une consolidation dans un secteur de niche très concurrentiel. Pour percer, les acteurs doivent surmonter l’exigence des consommateurs français, particulièrement pointilleux sur le goût, et s’imposer face à des marques historiques solidement implantées, y compris les MDD sur le segment des laits végétaux.
En parallèle, les produits laitiers traditionnels regagnent du terrain : après des années de déclin, leurs ventes ont progressé de 1,1 %, portées notamment par les laits entiers, prisés pour leur texture onctueuse. Ce retour en grâce s’appuie sur une communication plus positive autour du lait et du beurre, et un regain d’intérêt pour la gourmandise et le fait-maison, en rupture avec les discours anti-lait des années précédentes.
Les Échos, Gariguette, Plougastel, Périgord : la revanche de la fraise française, 19/06/2025
Longtemps dominée par la concurrence étrangère, notamment espagnole, la fraise française connaît aujourd’hui un véritable retour en grâce. Ce fruit emblématique des beaux jours devient le symbole d’un renouveau agricole et gastronomique fondé sur la qualité, l’ancrage territorial et la quête de goût.
Dans le Finistère, à la ferme Ty Gwen du Conquet, les frères Hobe cultivent plusieurs variétés de fraises (gariguette, cirafine, amandine) selon les principes de l’agriculture raisonnée. Leur exigence se traduit par une production sans compromis sur la qualité : lutte biologique contre les parasites, sélection rigoureuse des fruits, circuits courts avec les restaurateurs. Leur fraise, vendue 6 € les 500 g, est plébiscitée par une clientèle prête à payer le prix fort pour retrouver de vraies saveurs.
Cette dynamique de valorisation touche aussi le passé prestigieux de la fraise française. Dès le XVIIIe siècle, des plants chiliens et virginien sont hybridés en Bretagne, donnant naissance à la fameuse fraise de Plougastel. Elle devient dès le XIXe siècle un pilier économique local, jusqu’à être éclipsée au XXe siècle par d’autres régions et surtout par les productions massives venues d’Espagne.
Aujourd’hui, la fraise bretonne cherche à protéger son identité via une démarche d’Indication géographique protégée (IGP), menée par l’association « Fraises de Plougastel ». Cette initiative vise à lutter contre les fraudes (fraises espagnoles vendues sous appellation bretonne) et à préserver un terroir contraint par la géographie et la loi littorale. En parallèle, la France conserve une production modeste au regard du marché mondial (1 %), mais mise sur des variétés comme la gariguette — fruit d’un long travail de l’Inrae — qui incarne un idéal gustatif subtil, équilibré et authentique.
Cette approche séduit de plus en plus : 40 % des fraises consommées en France sont aujourd’hui d’origine nationale, contre 30 % il y a quinze ans. Ce regain est porté par une préférence croissante pour les fruits cueillis à maturité et cultivés localement. Des cheffes comme Nolwenn Corre ou Nina Métayer en font les vedettes de leurs desserts, soulignant leur versatilité et leur pouvoir évocateur.
Face à une mondialisation qui privilégie l’uniformité et la conservation, la France revendique une autre voie : celle du goût, du terroir et de la saisonnalité.
The Guardian, Flavour of gin and tonic could be impacted by climate change, study finds, 19/06/2025
Une étude récente publiée dans le Journal of the Institute of Brewing révèle que le changement climatique pourrait altérer le goût du gin, en affectant les baies de genévrier, ingrédient fondamental de cette boisson. Réalisée par l’équipe du International Centre for Brewing and Distilling (ICBD) de l’université Heriot-Watt en Écosse, la recherche met en évidence que les conditions météorologiques, notamment l’humidité et la quantité de précipitations, influencent de manière significative la composition chimique de ces baies.
Le professeur adjoint Matthew Pauley, principal auteur de l’étude, explique qu’une année de récolte humide peut entraîner une baisse de 12 % des composés aromatiques volatils dans les baies de genévrier par rapport à une année sèche. Ces composés sont responsables des notes boisées, résineuses, citronnées ou florales qui confèrent au gin son profil sensoriel unique. Plus les conditions sont humides, plus le temps de séchage des baies est long, ce qui impacte négativement la concentration des molécules hydrosolubles et, par conséquent, le goût final du spiritueux.
Les chercheurs ont distillé des baies provenant de plusieurs pays d’Europe — Albanie, Bosnie, Italie, Kosovo, Monténégro, Serbie, Macédoine — et constaté que chaque origine possède un « terroir » spécifique, influençant le profil chimique des baies. La variabilité interannuelle, liée à des conditions climatiques de plus en plus erratiques, complique encore davantage le maintien d’une constance gustative.
Cette instabilité représente un défi majeur pour les producteurs de gin, notamment les marques haut de gamme qui s’efforcent d’assurer une signature gustative fidèle. Annie Hill, professeure et co-autrice de l’étude, souligne que ces variations risquent de compromettre la régularité du produit, un critère pourtant crucial dans une industrie où les consommateurs attendent une qualité constante.
L’étude met ainsi en lumière une problématique souvent négligée : le lien direct entre climat et qualité organoleptique des produits. Dans un marché en pleine croissance, pesant plusieurs milliards de livres, cette instabilité pourrait pousser les distillateurs à adapter leurs chaînes d’approvisionnement, leurs méthodes de transformation, voire leur sélection variétale pour préserver l’identité sensorielle du gin face à un environnement de plus en plus imprévisible.
New York Times, The World’s 50 Best Restaurants Announces Its 2025 List, 19/06/2025
Le classement 2025 des « World’s 50 Best Restaurants », dévoilé à Turin (Italie), reflète une nouvelle fois la diversité et la créativité de la scène gastronomique mondiale. C’est le restaurant Maido, dirigé par le chef Mitsuharu Tsumura à Lima (Pérou), qui obtient la première place cette année. Il devient ainsi le second établissement péruvien à se hisser au sommet, après Central en 2023. Ce triomphe consacre l’essor de la cuisine nikkei — fusion entre traditions culinaires japonaises et péruviennes — que Tsumura a brillamment portée à un haut niveau de raffinement et d’émotion.
Le reste du classement confirme une tendance forte : l’élargissement de la reconnaissance gastronomique au-delà des traditions européennes. Ainsi, Asador Etxebarri (Espagne), Quintonil (Mexique), DiverXO (Espagne), et Alchemist(Danemark) complètent le top 5. L’Amérique latine et l’Asie y sont fortement représentées, soulignant l’importance de l’originalité, des ingrédients locaux et de l’approche narrative dans la cuisine contemporaine.
Le classement met aussi en avant une réflexion sur la durabilité sociale. Lors de la cérémonie, Mitsuharu Tsumura a insisté sur la nécessité de prendre en compte la « durabilité humaine » dans le secteur de la restauration, plaidant pour des conditions de travail plus justes dans un univers souvent exigeant.
Les États-Unis conservent plusieurs places, avec Atomix (New York) au 12e rang comme établissement américain le mieux classé. Sur la liste élargie (positions 51 à 100), on retrouve Single Thread (Californie), Le Bernardin et César (New York), ou encore Atelier Crenn (San Francisco). En revanche, certains habitués comme Cosme et Smyth ont disparu.
Le classement reste critiqué pour son mode de sélection : les votants, souvent identifiés dans le milieu gastronomique, peuvent accepter des repas gratuits et ne sont pas anonymes comme les inspecteurs du Guide Michelin. Malgré ces réserves, le palmarès demeure un outil d’influence incontournable, renforcé par des déclinaisons régionales (Asie, Amérique latine, Moyen-Orient).
La notoriété du classement stimule le tourisme gastronomique mondial, tout en repositionnant la haute cuisine comme un creuset d’innovation, de diversité culturelle et de réflexion sociétale.
New York Times, Go Ahead, Have a ‘Fridge Cigarette’, 18/06/2025
L’article explore une tendance socioculturelle étonnante popularisée sur les réseaux sociaux : l’émergence du terme « fridge cigarette » (cigarette de frigo), une métaphore pour désigner une canette de soda, en particulier de Diet Coke. Cette expression, née d’une vidéo virale postée par Rachel Reno, jeune créatrice new-yorkaise, incarne un nouveau rituel de pause — un moment de répit symbolique et sensoriel dans le quotidien.
La comparaison entre une boisson gazeuse et une cigarette ne tient pas à la nocivité du produit, mais à la dimension psychologique et émotionnelle de la pause qu’elle représente. L’ouverture de la canette, le son pétillant, la première gorgée fraîche : autant d’éléments qui rappellent les gestes codifiés d’une cigarette, autrefois outil social et soupape mentale. Pour de nombreux jeunes adultes, notamment ceux de la génération Z, boire un soda devient un acte de recentrage, un « moment pour soi » revendiqué dans un monde hyperconnecté et stressant.
Ce phénomène fait écho à d’autres tendances culturelles actuelles : les « small joys », les « little treats », ou encore la glorification du banal sur TikTok. Ces micro-évasions reflètent une volonté de réenchanter le quotidien face à un climat économique, social et politique perçu comme oppressant. Casey Lewis, spécialiste des tendances numériques, y voit une preuve de l’évolution des mentalités : contrairement aux générations précédentes, la génération Z valorise davantage la santé mentale que la productivité à tout prix.
La « fridge cigarette » traduit aussi une rupture avec l’obsession milléniale du bien-être et de la nutrition stricte. Andrea Hernandez, autrice de la newsletter Snaxshot, y voit une forme de rébellion douce : une acceptation assumée de produits autrefois stigmatisés. Le retour en grâce du soda (malgré l’aspartame), tout comme celui de la cigarette dans certains imaginaires pop (films, musique), illustre ce renversement des valeurs.
L’expression, à la fois ironique et affective, redonne au soda une identité culturelle, presque esthétique. Elle reflète une époque en quête de légèreté, où l’on transforme des gestes simples en actes symboliques de liberté personnelle.
The Spoon, What Flavor Unlocks, 13/06/2025
Dans cet essai percutant, Mike Lee défend une idée centrale : le goût, plus que la nutrition ou l’impact environnemental, est la force la plus puissante du système alimentaire. Selon lui, si des produits ultra-transformés comme les chips, les sodas ou les bonbons dominent le marché, c’est parce qu’ils procurent une satisfaction sensorielle immédiate. Leur succès repose sur les « bliss points » – un dosage optimal de sucre, de sel, de gras et de texture – que les géants de l’agroalimentaire ont appris à maîtriser pour susciter l’addiction.
Face à cette stratégie redoutablement efficace, Lee critique les entreprises de l’agroalimentaire durable qui se concentrent sur la vertu de leurs produits (écoresponsables, enrichis, nutritifs), mais oublient trop souvent l’essentiel : le plaisir. Ces produits, même bien intentionnés, échouent à séduire les consommateurs s’ils ne sont pas délicieux. L’auteur dénonce une forme d’auto-satisfaction dans le secteur alternatif, où l’on suppose que l’engagement suffira à compenser un goût médiocre.
Pour illustrer ses propos, il cite des initiatives comme Row 7, la société de semences cofondée par le chef Dan Barber, qui sélectionne des variétés de légumes uniquement selon leur qualité gustative. Autre exemple, Spora, centre de recherche culinaire né du restaurant Alchemist à Copenhague, transforme des résidus de colza en protéine de haute qualité grâce à la fermentation, avec comme priorité : rendre le produit irrésistible.
Mike Lee plaide pour que la quête de durabilité passe par la conquête des papilles. Il suggère que c’est en faisant des aliments bons pour la planète aussi séduisants que les produits « junk » que l’on pourra réellement transformer les habitudes alimentaires à grande échelle. Il évoque également la fin probable d’un goût universel : dans une société fragmentée par les cultures, les régimes et les préférences, les produits doivent cibler des tribus spécifiques plutôt que chercher l’unanimité.
En conclusion, l’auteur appelle à une réconciliation entre plaisir et vertu : le goût n’est pas un ennemi du progrès alimentaire, mais son allié stratégique. Sans saveur, aucune transition alimentaire ne pourra véritablement avoir lieu.
Time, The Surprising Health Benefits of Spicy Food, 17/06/2025
L’article s’intéresse aux effets bénéfiques des aliments épicés sur la santé, en particulier ceux contenant de la capsaïcine, molécule active des piments. Loin de la caricature du défi culinaire extrême, l’auteur rappelle que la consommation régulière, mais modérée, de piments est liée à une réduction des risques d’obésité, de maladies cardiovasculaires et de diabète. Une vaste étude publiée 2020 indique ainsi que les amateurs de piments ont 25 % de risques en moins de décès prématuré.
La capsaïcine agit via les récepteurs TRPV1 des neurones sensoriels, stimulant l’adrénaline et favorisant la combustion des graisses, la régulation du glucose sanguin et la sensation de satiété. Elle a également des propriétés anti-inflammatoires, utilisées en médecine pour soulager douleurs et arthrite. Des effets similaires pourraient se produire lors d’une ingestion régulière, bien que les recherches sur l’homme soient encore incomplètes.
Le piment pourrait aussi renforcer la diversité du microbiome intestinal, un facteur de plus en plus reconnu pour son rôle dans la santé métabolique et immunitaire. Bien que les données humaines soient encore rares, les études animales confirment l’effet bénéfique de la capsaïcine sur l’environnement bactérien intestinal.
L’auteur insiste néanmoins sur l’importance d’une consommation progressive. Les novices peuvent commencer par des piments doux comme le poblano. Avec l’habitude, la tolérance s’accroît en une semaine environ. De plus, les piments les plus forts contiennent aussi plus d’antioxydants et de composés phénoliques. L’auteur recommande entre deux et quatre repas épicés par semaine, certaines études allant jusqu’à six à sept pour des bénéfices accrus.
L’article souligne également l’effet comportemental de la capsaïcine : elle ralentit la vitesse de consommation, favorisant la digestion et limitant les excès. Enfin, la manière de préparer les piments (frais, cuits légèrement, associés à des aliments riches en fibres ou en probiotiques) influence leur efficacité nutritionnelle. Pour les apprivoiser, l’ajout de matières grasses saines comme l’huile d’olive ou les produits laitiers permet d’en moduler la brûlure.
Inc, Chocolate Prices Are Skyrocketing—This Company Has a Solution, 16/06/2025
Face à la flambée historique du prix du cacao, qui a bondi de 20 à 30 % en 2025, entraînant une hausse probable de 10 à 19 % pour les consommateurs, la start-up californienne Voyage Foods propose une solution radicale : un chocolat sans cacao. Fondée en 2021 à Oakland, l’entreprise développe des alternatives aux aliments de base, en misant sur des ingrédients allergènes-free et résilients face au climat. Parmi ses produits : du « faux café », du beurre de cacahuète sans arachide, une pâte à tartiner sans noisette, et désormais du « chocolat » sans fève de cacao.
Le chocolat alternatif de Voyage Foods repose principalement sur des pépins de raisin, sous-produit de l’industrie viticole, associés à des huiles végétales, du sucre, de la farine de protéines de tournesol, des arômes naturels et de la lécithine. Pour Adam Maxwell, fondateur de la société, le chocolat est davantage une méthode de transformation (fermentation, torréfaction) qu’un ingrédient unique. L’objectif est donc de reproduire la même expérience sensorielle, tout en éliminant la dépendance au cacao.
Si la version semi-sucrée de leur chocolat reste perfectible en dégustation pure (notes herbacées, légère amertume), elle fonctionne bien comme ingrédient, notamment pour les enrobages de barres, biscuits ou garnitures de viennoiseries. Ce positionnement B2B est stratégique : Voyage Foods vise à fournir des industriels plutôt qu’à concurrencer les géants comme Mars ou Nestlé sur le marché du chocolat fini.
Un partenariat clé a été signé en 2024 avec Cargill, géant mondial de l’agroalimentaire, qui devient distributeur exclusif de ce chocolat de substitution. Cargill ne vise pas une baisse des coûts immédiate, mais un élargissement de son offre face à la demande croissante pour des produits plus durables et exempts d’allergènes. D’ailleurs, l’ensemble des produits de Voyage est dépourvu des neuf allergènes majeurs.
Selon une analyse indépendante, ce chocolat présente une empreinte carbone réduite de 61 %, une utilisation des sols 90 % moindre et nécessite 95 % moins d’eau que le chocolat traditionnel. Alors que le prix du cacao atteint près de 10 000 $ la tonne, cette solution représente à la fois une réponse aux tensions du marché et une opportunité pour les marques d’afficher des engagements environnementaux concrets.
C’est tout pour aujourd’hui.
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A la semaine prochaine!
O. Frey