đŸđđ Eat's business đđ·đ§ 2025-15
Bonjour Ă toutes et Ă tous, Eat's Business est une newsletter dans laquelle vous trouverez une revue de presse de quelques articles sur le monde de lâalimentaire qui mâont semblĂ© intĂ©ressants dans la semaine prĂ©cĂ©dente.
Pour ceux qui veulent la formule ristretto, les 3 articles que je vous conseille de lire en priorité cette semaine sont :
Les Ăchos, Fauchon remet la pĂątisserie au coeur de son ADN, 29/04/2025
Les Ăchos, Les promesses de la pistache française tout juste relancĂ©e, 29/04/2025
New York Times, Who Was Marie-Antoine CarĂȘme, the Father of French Gastronomy?, 30/04/2025
Bonne lecture et bonne semaine Ă toutes et Ă tous!
Pour celles et ceux dâentre vous qui ont plus de temps pour la formule lungo :
Libération, Nez fracturé, dénigrements, insultes⊠Le chef Jean Imbert accusé de violences par quatre ex-compagnes, 23/04/2025
Le mĂ©diatique chef Jean Imbert fait l'objet d'accusations graves de la part de quatre anciennes compagnes. LâenquĂȘte, publiĂ©e dans Elle le 23 avril 2025, met en lumiĂšre un "schĂ©ma rĂ©pĂ©tĂ©, durable et concordant" de comportements violents et toxiques, mĂȘlant violences psychologiques, dĂ©nigrements, jalousie maladive et dans un cas, violences physiques. Lâaffaire a pris une ampleur considĂ©rable dans le monde culinaire et mĂ©diatique.
Parmi les tĂ©moignages recueillis, celui de "ZoĂ©", une ex-partenaire anonyme, Ă©voque une emprise mentale progressive : contrĂŽle sur ses frĂ©quentations, commentaires humiliants sur son apparence, et surveillance constante. Un autre tĂ©moignage, signĂ© "ĂlĂ©onore", fait Ă©tat de violences physiques, dont un coup de tĂȘte assĂ©nĂ© par le chef, lui ayant fracturĂ© le nez. Jean Imbert admet ce geste tout en affirmant quâil aurait lui-mĂȘme Ă©tĂ© victime de violences dans cette relation.
L'actrice Lila Salet, Ă©galement parmi les plaignantes, affirme avoir portĂ© plainte aprĂšs que le chef a dĂ©foncĂ© la porte de son domicile. Elle dĂ©nonce des gifles violentes et un climat de terreur psychologique. Dâautres femmes, comme Kelly Santos, racontent avoir subi insultes sexistes et humiliations, entraĂźnant des consĂ©quences directes sur leur estime de soi et leur quotidien.
Face Ă ces accusations, Jean Imbert nie les faits, invoquant des "dysfonctionnements rĂ©ciproques" dans ses relations. Il a transmis Ă la presse des messages dâex-compagnes visant Ă illustrer une dynamique de couple conflictuelle et Ă sa dĂ©charge, produit des attestations de soutien dâautres femmes avec qui il a Ă©tĂ© en couple.
RĂ©vĂ©lĂ© par Top Chef en 2012, Jean Imbert sâest construit une image de chef Ă la fois populaire et "bling-bling", proche des cĂ©lĂ©britĂ©s, de BeyoncĂ© Ă Madonna. MalgrĂ© les critiques sur son manque de lĂ©gitimitĂ© gastronomique lors de sa nomination au Plaza, il a dĂ©crochĂ© une Ă©toile Michelin pour La Palme d'Or Ă Cannes. Cette affaire pourrait entacher durablement sa rĂ©putation et divise le milieu gastronomique entre soutien et rejet.
Libération, Soumission chimique dans la restauration : deux femmes témoignent avoir été droguées à leur insu chez Piccolo et Vecchio, 29/04/2025
Lâunivers branchĂ© de la restauration parisienne est secouĂ© par des accusations de soumission chimique survenues dans deux Ă©tablissements prisĂ©s de lâEst parisien : le bar Piccolo et le restaurant Vecchio. Deux professionnelles du secteur, Kim Chabaud et AdĂ©lie Vernhes, ont brisĂ© le silence en tĂ©moignant de leur expĂ©rience, affirmant avoir Ă©tĂ© droguĂ©es Ă leur insu lors de soirĂ©es privĂ©es, dans un cadre Ă la fois festif et professionnel.
Kim Chabaud, communicante de 32 ans, dĂ©nonce un Ă©vĂ©nement survenu en fĂ©vrier 2025. Lors dâun Ă©change amical avec Hubert Niveleau, cofondateur des deux lieux, elle affirme lâavoir surpris en train dâajouter une poudre blanche dans son verre. Peu aprĂšs, des symptĂŽmes typiques dâune intoxication au GHB apparaissent : bouffĂ©es de chaleur, dĂ©sorientation, mĂąchoire serrĂ©e. TransportĂ©e aux urgences, les mĂ©decins Ă©voquent la possible ingestion de GHB. Chabaud, soutenue par des tĂ©moins, a portĂ© plainte pour "administration de substance nuisible avec prĂ©mĂ©ditation". Elle souligne que son cas dĂ©montre que ce genre de danger peut survenir mĂȘme dans un cadre rĂ©putĂ© sĂ»r.
Peu aprĂšs la diffusion de ce tĂ©moignage sur Instagram, une autre femme, AdĂ©lie Vernhes, se reconnaĂźt dans le rĂ©cit. Elle Ă©voque des symptĂŽmes similaires vĂ©cus en janvier 2024, alors quâelle Ă©tait en poste dans une agence de relations presse liĂ©e Ă Vecchio. Bien quâelle nâait pas vu qui aurait pu la droguer, elle raconte sâĂȘtre sentie trahie par la structure dans laquelle elle travaillait et alerte sur le silence pesant autour de ces pratiques. Son tĂ©moignage suggĂšre que ce ne sont pas des faits isolĂ©s, mais que d'autres victimes pourraient exister.
Face Ă ces accusations, Hubert Niveleau nie fermement les faits et parle de diffamation. Le groupe Perchoir, gestionnaire des lieux, a suspendu sa collaboration avec lui et ouvert une enquĂȘte interne. En parallĂšle, Time Out Paris a retirĂ© Vecchio de sa sĂ©lection pour ses Food & Drink Awards.
Les Ăchos, Fauchon remet la pĂątisserie au coeur de son ADN, 29/04/2025
Un an aprĂšs son rachat par le groupe breton Galapagos, la maison Fauchon opĂšre un retour stratĂ©gique Ă ses origines pĂątissiĂšres en prenant une participation majoritaire dans la maison du cĂ©lĂšbre pĂątissier Arnaud Larher. Cette opĂ©ration marque une nouvelle Ă©tape dans la relance de l'iconique marque parisienne, qui entend renouer avec sa vocation premiĂšre : lâexcellence en pĂątisserie française.
Longtemps centrĂ©e sur les macarons, chocolats, thĂ©s et produits dâĂ©picerie fine, lâoffre de Fauchon sâĂ©tait Ă©loignĂ©e des crĂ©ations pĂątissiĂšres classiques telles que les Ă©clairs, au grand dam dâune clientĂšle fidĂšle. GrĂące Ă lâacquisition dâArnaud Larher, Meilleur Ouvrier de France, Fauchon ambitionne de remettre ces produits phares au cĆur de ses boutiques parisiennes. Le laboratoire de Larher â qui a dâailleurs dĂ©jĂ travaillĂ© chez Fauchon dans les annĂ©es 1990 â servira de base commune pour dĂ©velopper une gamme renouvelĂ©e, nourrie de crĂ©ativitĂ© et de tradition.
Pour JĂ©rĂŽme Tacquard, prĂ©sident de Fauchon, cette collaboration redonne un rĂŽle central Ă la pĂątisserie dans lâidentitĂ© de la maison. Il compare cette alliance Ă la combinaison dâune partition riche en recettes avec un chef dâorchestre inspirĂ©, capable de la sublimer. La dĂ©marche met fin Ă un paradoxe : Ă lâinternational, notamment au Japon, les boutiques Fauchon proposaient encore des pĂątisseries, contrairement aux points de vente français.
Cette acquisition sâinscrit dans une dynamique plus large de transformation. Fauchon a dĂ©jĂ ouvert un atelier de production de macarons Ă Yerres, en Essonne, pour rĂ©pondre Ă la demande croissante. CĂŽtĂ© dĂ©veloppement, lâenseigne accĂ©lĂšre son expansion Ă lâinternational avec de nouveaux magasins prĂ©vus Ă DubaĂŻ, Doha, New York et Nice. LâhĂŽtellerie de luxe, dĂ©sormais confiĂ©e Ă des partenaires sous licence, fait Ă©galement partie de la stratĂ©gie de croissance, avec deux ouvertures prĂ©vues en Arabie Saoudite en 2026.
MalgrĂ© une annĂ©e 2024 qualifiĂ©e de transition, les ventes annuelles de Fauchon restent stables Ă 100 millions dâeuros. Le groupe entend dĂ©sormais doubler de taille dâici cinq ans en capitalisant sur ses investissements, son image de marque haut de gamme et son ancrage historique dans la pĂątisserie française.
Les Ăchos, Petits pains, viennoiserie : le groupe Le Duff pousse les feux en Australie et aux Etats-Unis, 23/04/2025
Le groupe agroalimentaire breton Le Duff, propriĂ©taire notamment de Bridor, accĂ©lĂšre sa stratĂ©gie dâexpansion Ă lâĂ©chelle mondiale en investissant massivement dans la boulangerie industrielle premium. Le 23 avril 2025, il a annoncĂ© deux opĂ©rations majeures : le rachat de Laurent Bakery, leader australien de la viennoiserie, et la transformation de son site Frial de Falaise (Calvados) en une nouvelle usine Bridor. Un plan dâinvestissement de 100 millions dâeuros accompagne cette initiative.
FondĂ©e par le chef français Laurent Boillon, Laurent Bakery produit 40 000 tonnes annuelles de pain et viennoiseries depuis ses usines de Melbourne, avec une forte inspiration française. Lâentreprise emploie 500 salariĂ©s, dispose de 18 points de vente en propre et rĂ©alise un chiffre dâaffaires de 150 millions dâeuros. Cette acquisition renforce la prĂ©sence de Le Duff dans la zone Asie-Pacifique, oĂč lâindustriel avait dĂ©jĂ doublĂ© la capacitĂ© de son site de PĂ©kin.
En parallĂšle, la croissance du marchĂ© nord-amĂ©ricain, estimĂ©e Ă +3 % par an, pousse Le Duff Ă doubler la capacitĂ© de son site de Vineland, prĂšs de Philadelphie, et Ă construire de nouvelles unitĂ©s au Texas et dans lâUtah. Cette derniĂšre, avec un investissement de 200 millions dâeuros, sera dĂ©diĂ©e Ă des produits de haute qualitĂ© : pains de longue fermentation, ciabatta, viennoiseries fourrĂ©es sucrĂ©es ou salĂ©es. Ce sera la quatriĂšme implantation du groupe aux Ătats-Unis.
Le plan global dâinvestissement du groupe Le Duff prĂ©voit 500 millions dâeuros sur la pĂ©riode 2024-2027, rĂ©partis Ă 40 % pour lâAmĂ©rique du Nord, 40 % pour lâEurope, et 20 % pour lâAsie-Pacifique. Cette stratĂ©gie illustre la volontĂ© de renforcer son outil de production tout en consolidant sa position de leader international dans le secteur de la boulangerie.
Toujours dirigĂ© par son fondateur Louis Le Duff, le groupe est prĂ©sent dans plus de 100 pays et prĂ©voit de rĂ©aliser 3,5 milliards dâeuros de chiffre dâaffaires en 2025, dont 2,5 milliards grĂące Ă sa filiale Bridor. Ce dĂ©veloppement ambitieux tĂ©moigne dâun positionnement haut de gamme, fondĂ© sur lâinnovation, la qualitĂ© française et une logistique industrielle performante.
LâUsine Nouvelle, L'IA de la start-up lyonnaise M&Wine rivalise avec des sommeliers dans une dĂ©gustation Ă lâaveugle, 29/04/2025
La start-up lyonnaise M&Wine bouscule les codes de la dĂ©gustation Ćnologique grĂące Ă une intelligence artificielle capable dâidentifier lâorigine et les caractĂ©ristiques dâun vin avec une prĂ©cision inĂ©dite. Lors dâun concours organisĂ© en mars 2025, son IA a surpassĂ© des sommeliers professionnels dans une Ă©preuve Ă lâaveugle, dĂ©montrant un potentiel technologique prometteur pour lâauthentification des vins.
FondĂ©e sur la mĂ©thode du Mineral Wine Profile (MWP), la technologie dĂ©veloppĂ©e par M&Wine sâappuie sur lâanalyse de la composition minĂ©rale du vin. Cette signature chimique unique, dĂ©terminĂ©e par la concentration en Ă©lĂ©ments mĂ©talliques naturels (zinc, cuivre, ferâŠ), est moins sujette Ă variation que les arĂŽmes ou goĂ»ts, influencĂ©s par lâenvironnement, lâĂ©levage ou le vieillissement. Deux millilitres de vin suffisent pour effectuer lâanalyse, rĂ©alisĂ©e par spectromĂ©trie de masse.
Lors du test, lâIA a identifiĂ© avec 100 % de rĂ©ussite le pays dâorigine des Ă©chantillons, 83 % des rĂ©gions et des cĂ©pages. Ă titre de comparaison, les sommeliers nâont obtenu que 50 % de bonnes rĂ©ponses pour les pays et les cĂ©pages, et seulement 20 % pour les rĂ©gions. Cette performance, bien que remarquable, sâappuie nĂ©anmoins sur une base de donnĂ©es prĂ©existante contenant les profils analysĂ©s : lâIA ne peut identifier un vin inconnu sans rĂ©fĂ©rence prĂ©alable.
M&Wine ambitionne de faire du MWP un standard dâauthentification dans un secteur viticole confrontĂ© Ă une augmentation des fraudes. Loin de vouloir remplacer les experts humains, la start-up positionne son outil comme un complĂ©ment fiable et transparent, permettant de vĂ©rifier lâorigine gĂ©ographique dâun vin ou dâassister les Ćnologues dans les assemblages.
Avec plus de 35 000 profils minĂ©raux dĂ©jĂ enregistrĂ©s, M&Wine prĂ©voit dâĂ©largir encore sa base de donnĂ©es. Elle envisage aussi dâorienter ses applications vers la personnalisation des recommandations pour les consommateurs, en associant prĂ©fĂ©rences gustatives et signatures minĂ©rales. Si la technologie suscite dĂ©jĂ lâintĂ©rĂȘt de nombreux acteurs du monde viticole, son adoption gĂ©nĂ©ralisĂ©e reste conditionnĂ©e Ă sa capacitĂ© Ă sortir du laboratoire pour se dĂ©mocratiser auprĂšs des professionnels et des consommateurs. Mais elle illustre un tournant dans lâĆnologie moderne, oĂč lâIA devient un nouvel alliĂ© de la traçabilitĂ© et de la transparence.
Les Ăchos, La guerre du tiramisu n'aura pas lieu, 19/04/2025
Le tiramisu fait lâobjet dâun dĂ©bat passionnĂ© en Italie sur ses origines exactes, opposant deux rĂ©gions voisines : la VĂ©nĂ©tie et le Frioul-VĂ©nĂ©tie-Julienne. Loin dâĂȘtre une simple querelle gastronomique, ce conflit autour de la paternitĂ© du tiramisu touche Ă lâidentitĂ© culturelle et Ă lâhĂ©ritage rĂ©gional, rĂ©vĂ©lant lâattachement viscĂ©ral des Italiens Ă leurs traditions culinaires.
Ă lâorigine de cette rivalitĂ©, un dĂ©cret de 2017 inscrivant le tiramisu du Frioul sur la liste des produits alimentaires traditionnels (PAT), provoquant lâire du gouverneur de VĂ©nĂ©tie, Luca Zaia. Ce dernier, revendiquant lâinvention du dessert Ă TrĂ©vise dans les annĂ©es 1960 au restaurant Le Beccherie, a tentĂ© de faire enregistrer le tiramisu comme spĂ©cialitĂ© traditionnelle garantie (STG) au niveau europĂ©en, Ă lâimage de la pizza napolitaine.
Lâhistoire du tiramisu reste floue. La version moderne est attribuĂ©e Ă Roberto "Loli" Linguanotto, qui lâaurait créée en associant mascarpone, jaunes dâĆufs, sucre, biscuits cuillĂšres, cafĂ© et cacao, sans alcool. Mais dâautres voix sâĂ©lĂšvent : Ă Tolmezzo, le fils de Norma Pielli affirme que sa mĂšre a inventĂ© le dessert dans les annĂ©es 1950, tandis quâĂ Trieste, on cite le cuisinier Mario Coloso comme auteur dâune version en 1938. En 1981, le critique Giuseppe Maffioli publie une recette dans la revue Vin Veneto, la popularisant dans toute lâItalie.
Au-delĂ du dĂ©bat historique, le tiramisu est devenu un phĂ©nomĂšne mondial. Il se dĂ©cline aujourdâhui en une multitude de versions crĂ©atives : au limoncello, au caramel, voire au jambon et melon. Une coupe du monde du tiramisu est organisĂ©e depuis 2017 Ă TrĂ©vise, attirant des centaines de candidats. Cette diversitĂ© nâefface pas la version canonique, mais dĂ©montre lâuniversalitĂ© du dessert.
Selon lâhistorien de lâalimentation Alberto Grandi, le tiramisu est un produit du boom Ă©conomique des annĂ©es 1960, rendu possible par la gĂ©nĂ©ralisation du rĂ©frigĂ©rateur et la production industrielle du mascarpone. Ce dessert, devenu symbole du made in Italy, est aujourdâhui davantage une marque planĂ©taire quâun sujet de dispute rĂ©gionale. Comme le rĂ©sume un des organisateurs de la Coupe du Monde du Tiramisu : « la seule vraie recette, câest celle qui vous plaĂźt ».
Le Monde, Gastronomie : lâasperge, Ă la pointe du goĂ»t, 24/04/2025
Lâasperge, lĂ©gume printanier noble et exigeant, revient chaque annĂ©e dans les assiettes entre fĂ©vrier et juin, portĂ©e par un regain dâintĂ©rĂȘt gastronomique. CultivĂ©e majoritairement dans le Val de Loire, le Sud-Ouest, lâAlsace ou le littoral mĂ©diterranĂ©en, elle reste cependant un produit coĂ»teux, vendu jusquâĂ 20 euros le kilo, ce qui en limite lâaccĂšs Ă une clientĂšle plutĂŽt ĂągĂ©e et aisĂ©e.
Christophe Paillaugue, prĂ©sident de lâassociation Asperges de France, souligne cette image "embourgeoisĂ©e" du lĂ©gume, souvent servi en majestĂ©, seul, et accompagnĂ© dâune sauce hollandaise. Pour sĂ©duire une nouvelle gĂ©nĂ©ration de consommateurs, la filiĂšre mise sur des approches crĂ©atives et des transformations culinaires. Chefs et influenceurs rĂ©inventent lâasperge, la proposant panĂ©e façon japonaise, crue dans des poke bowls ou encore dĂ©clinĂ©e en chips sucrĂ©es dans des desserts.
Au chĂąteau de Rochecotte, la cheffe Emmanuelle Pasquier dĂ©tourne les codes classiques en associant lâasperge Ă des notes florales ou des influences asiatiques. Ă Paris, MichaĂ«l Gamet, du bistrot MĂąche, ose la servir en entrĂ©e, en panna cotta, et mĂȘme en dessert sur une mousse au lait dâamande.
Ce renouveau gastronomique sâaccompagne dâun travail rigoureux en amont, notamment dans la quĂȘte de labellisation. Guillaume Thomas, producteur Ă Saint-Mathurin-sur-Loire, mĂšne une dĂ©marche pour obtenir une Indication GĂ©ographique ProtĂ©gĂ©e (IGP) pour lâasperge du Val de Loire dâici 2027. LâIGP, comme le Label Rouge, permettrait de valoriser la qualitĂ© et lâorigine des asperges françaises face Ă la concurrence des asperges Ă©trangĂšres, notamment hollandaises.
La culture de lâasperge reste difficile et dĂ©pendante dâune main-dâĆuvre saisonniĂšre fidĂšle et rapide. En raison de sa fragilitĂ©, elle doit ĂȘtre rĂ©coltĂ©e Ă la main, triĂ©e, refroidie rapidement et conditionnĂ©e dans les quatre heures. La mĂ©canisation reste limitĂ©e pour ne pas altĂ©rer la qualitĂ© du produit.
Face au vieillissement de sa clientĂšle, la filiĂšre tente Ă©galement de rajeunir son image en misant sur la version verte, plus fine, croquante, moins amĂšre et plus facile Ă prĂ©parer. PortĂ©e par les rĂ©seaux sociaux et les tendances locavores, lâasperge verte rencontre un nouveau public, Ă mĂȘme dâassurer la relĂšve et de prolonger la place de ce lĂ©gume dâexception dans la gastronomie française.
Le Monde, Les Grands Chais de France, un empire aussi puissant que discret, 21/04/2025
Peu connu du grand public mais incontournable dans le secteur viticole, le groupe Les Grands Chais de France (GCF) est le premier producteur de vins et spiritueux en Europe et le principal exportateur français. FondĂ© en 1979 Ă Petersbach en Alsace par Joseph Helfrich, ce groupe familial au chiffre dâaffaires supĂ©rieur Ă un milliard dâeuros contrĂŽle toute la chaĂźne du vin : de la vigne Ă la mise en bouteille, en passant par le marketing et la distribution.
La stratĂ©gie initiale de GCF repose sur le nĂ©goce : acheter des vins ou des jus en vrac, souvent dans le Languedoc, les assembler, les embouteiller, leur apposer une marque forte (comme J.P. Chenet, cĂ©lĂšbre pour sa bouteille au col penchĂ©), et les commercialiser Ă grande Ă©chelle, notamment dans les supermarchĂ©s. Aujourdâhui, GCF Ă©coule 500 millions de bouteilles par an dans 173 pays, et rĂ©alise 80 % de son chiffre Ă lâinternational.
Discret mais redoutablement efficace, le groupe ne se limite pas Ă la grande distribution. Il possĂšde 75 domaines viticoles en France, Espagne et Chili, reprĂ©sentant plus de 3 500 hectares de vignes, et sâest rĂ©cemment engagĂ© dans une montĂ©e en gamme via des acquisitions prestigieuses en Bourgogne, Bordeaux, Loire ou encore Provence. Parmi les marques intĂ©grĂ©es : Moillard, Calvet, ChĂąteau Belles-Eaux ou ChĂąteau Bastor-Lamontagne.
GCF dĂ©veloppe aussi un important rĂ©seau industriel, avec des sites dâembouteillage de grande envergure comme celui de Landiras (Gironde), le plus vaste dâEurope. Lâentreprise est capable de conditionner des millions de bouteilles par jour et attire des talents quâelle fidĂ©lise, preuve de son attractivitĂ© dans un secteur concurrentiel.
MalgrĂ© son succĂšs, le groupe nâĂ©chappe pas aux tensions. Son rachat de la maison BĂ©jot Ă Meursault, contestĂ© par un concurrent, a conduit Ă une enquĂȘte judiciaire, dont Joseph Helfrich est sorti blanchi aprĂšs cinq annĂ©es de procĂ©dure.
AlliĂ© Ă lâAllemand Gunther Bimmerle, son partenaire historique, Joseph Helfrich a aussi investi massivement en Allemagne, Hongrie et Europe de lâEst. Ensemble, ils forment un duo au sommet du classement des grandes fortunes françaises. Leur modĂšle unique d'intĂ©gration verticale et dâagilitĂ© commerciale place GCF comme un acteur central du vin mondial, aussi puissant que mĂ©connu.
Les Ăchos, Les promesses de la pistache française tout juste relancĂ©e, 29/04/2025
Dans un contexte mondial marquĂ© par une demande en forte croissance, la relance de la culture de la pistache en France ouvre de nouvelles perspectives agricoles. AprĂšs des dĂ©cennies dâabsence, la filiĂšre renaĂźt progressivement, avec une premiĂšre rĂ©colte significative rĂ©alisĂ©e en 2024, portĂ©e par une centaine de producteurs sur environ 500 hectares, principalement en Provence, Occitanie et Corse.
Cette dynamique sâinscrit dans une tendance globale : selon la FAO, la production mondiale de pistaches a crĂ» en moyenne de 8 % par an au cours de la derniĂšre dĂ©cennie. Le succĂšs commercial de produits comme le "chocolat DubaĂŻ", fourrĂ© Ă la crĂšme de pistache, a contribuĂ© Ă cette envolĂ©e. ParallĂšlement, les Ătats-Unis, leaders mondiaux de la production, pourraient bientĂŽt voir leurs exportations vers lâEurope taxĂ©es, en raison de tensions commerciales. Cette perspective renforce lâintĂ©rĂȘt stratĂ©gique dâune production nationale, mĂȘme encore embryonnaire.
Le redĂ©marrage de la filiĂšre française sâest initiĂ© en 2018 avec la crĂ©ation de lâassociation Pistache en Provence, suivie en 2021 par la structuration en syndicat professionnel : France Pistache. Ă sa tĂȘte, AndrĂ© Pinatel, dĂ©jĂ artisan du retour de lâamande française, entend faire de la pistache une culture dâavenir. Patiente mais prometteuse, cette plante ne donne ses premiers fruits quâaprĂšs six ans, ce qui rend chaque rĂ©colte symbolique. En 2024, environ 700 kg de pistaches brutes ont Ă©tĂ© rĂ©coltĂ©s â un volume encore modeste, mais porteur dâespoir.
Les professionnels insistent sur le potentiel de diversification que reprĂ©sente cette culture pour les arboriculteurs ou vignerons du Sud, en particulier dans un contexte de changement climatique. Le pistachier, peu gourmand en eau, a Ă©tĂ© identifiĂ© comme espĂšce adaptĂ©e dans le cadre du Varenne agricole de lâeau. Certaines collectivitĂ©s soutiennent les conversions avec des aides financiĂšres, tandis que les chambres dâagriculture forment des techniciens pour accompagner la transition.
Ă ce stade, la France se positionne sur un marchĂ© haut de gamme, Ă rebours du modĂšle espagnol basĂ© sur la culture intensive (80 000 hectares en Espagne). Cette orientation sĂ©lective attire dĂ©jĂ lâattention de chefs renommĂ©s comme Pierre HermĂ©, et des entrepreneurs engagĂ©s comme Olivier Baussan, fondateur de LâOccitane, qui dĂ©veloppe une enseigne dĂ©diĂ©e Ă la pistache en Provence.
Le lancement de la marque âPistaches de Franceâ vise Ă crĂ©er une identitĂ© forte pour valoriser cette production locale. Ă moyen terme, la filiĂšre ambitionne lâobtention dâune Indication GĂ©ographique ProtĂ©gĂ©e (IGP), gage de qualitĂ© et dâorigine contrĂŽlĂ©e. Si la route reste longue, lâengouement croissant autour de ce fruit sec pourrait bien ancrer durablement la pistache dans le paysage agricole français.
Le Monde, Le matcha, trop populaire, risque la pénurie, 30/04/2025
Le matcha, poudre de thĂ© vert japonaise prisĂ©e pour ses vertus antioxydantes et son goĂ»t vĂ©gĂ©tal lĂ©gĂšrement amer, est victime de son immense succĂšs mondial. Depuis fin 2024, une vague dâenthousiasme planĂ©taire portĂ©e par les rĂ©seaux sociaux â avec plus de 8,6 millions de publications sous le hashtag #matcha sur Instagram â a provoquĂ© une flambĂ©e de la demande, au point de mettre lâensemble de la filiĂšre sous pression, menaçant lâapprovisionnement mondial.
Ă Paris, lâengouement est particuliĂšrement visible rue Sainte-Anne, oĂč touristes et locaux font la queue pour un latte, une pĂątisserie ou une glace au matcha. Des Ă©tablissements comme Creamy Daily ou Shodai Matcha tĂ©moignent dâun bouleversement logistique. LĂ oĂč les commandes se faisaient mensuellement, les dĂ©lais de livraison sâĂ©tendent dĂ©sormais sur deux Ă trois mois, contraignant les professionnels Ă anticiper fortement leurs besoins ou Ă limiter leur offre.
Au Japon, des producteurs historiques comme Ippodo ou Marukyu Koyamaen peinent Ă suivre le rythme. En dĂ©cembre 2024, Ippodo a instaurĂ© une limitation Ă un produit par commande, faute de stocks suffisants. Le phĂ©nomĂšne ne touche pas seulement la France : la chaĂźne de production est sous tension Ă lâĂ©chelle mondiale, selon plusieurs marques en ligne telles que Noka Matcha ou Matcha & Co, qui enregistrent des hausses de ventes allant jusquâĂ +50 % en un an.
La situation est dâautant plus critique que la production de tencha (la feuille de thĂ© brute utilisĂ©e pour le matcha) demande un travail manuel long, minutieux et hautement qualifiĂ©. Or, entre 2020 et 2023, le Japon a perdu prĂšs de 200 000 agriculteurs, majoritairement ĂągĂ©s de plus de 65 ans. Le manque de relĂšve compromet la capacitĂ© de production, malgrĂ© une croissance dĂ©jĂ soutenue : la production de tencha a triplĂ© entre 2012 et 2023, passant de 1 430 Ă 4 176 tonnes.
Face Ă cet emballement, les producteurs tentent dâaugmenter les capacitĂ©s de broyage et dâallonger les horaires de production, mais la pĂ©nurie de main-dâĆuvre reste un obstacle majeur. La tension pourrait aussi limiter lâaccĂšs au produit pour les nouveaux clients professionnels.
Ce phĂ©nomĂšne rĂ©vĂšle un paradoxe : le matcha, symbole de tradition et de lenteur, se trouve confrontĂ© Ă lâaccĂ©lĂ©ration effrĂ©nĂ©e du monde digital et de la consommation mondialisĂ©e, au risque de devenir⊠victime de sa propre hype.
Inc, 9 Food Tech Companies to Watch, 21/04/2025
Dans un contexte oĂč les levĂ©es de fonds pour la Food Tech ont fortement chutĂ© â seulement 2,8 milliards de dollars au dernier trimestre 2024 â, certaines entreprises Ă©mergent malgrĂ© tout comme des acteurs clĂ©s de lâinnovation alimentaire. Lâarticle met en lumiĂšre neuf start-ups amĂ©ricaines qui transforment en profondeur les pratiques du secteur, en misant sur la nutrition fonctionnelle, la durabilitĂ©, lâintelligence artificielle et lâoptimisation logistique.
Parmi les sociĂ©tĂ©s notables figure Aloha, basĂ©e dans le Connecticut, qui dĂ©veloppe des barres et boissons protĂ©inĂ©es Ă base de plantes. GrĂące Ă une stratĂ©gie de sourcing hawaiien et une croissance de 80 % de ses revenus en un an, elle a dĂ©passĂ© les 100 millions de dollars de chiffre dâaffaires.
Bloom, spĂ©cialiste des complĂ©ments nutritionnels Ă base de âgreens powderâ, sâest diversifiĂ©e avec succĂšs dans les boissons Ă©nergĂ©tiques et sodas sains. Forte dâun partenariat stratĂ©gique avec Keurig Dr Pepper, la marque sâapprĂȘte Ă concurrencer Olipop et Poppi.
C16 Biosciences, financĂ©e en partie par la Fondation Gates, produit une alternative de laboratoire Ă lâhuile de palme, dâabord destinĂ©e aux cosmĂ©tiques et bientĂŽt aux aliments. Leur produit phare, Palmless, repose sur un processus de fermentation durable.
FreshFry, Ă Louisville, propose des pods filtrants conçus Ă partir de dĂ©chets alimentaires pour prolonger la durĂ©e de vie des huiles de friture. Elle sĂ©duit les chaĂźnes comme Churchâs et IHOP grĂące Ă une promesse dâĂ©conomies et de durabilitĂ©.
Dans la logistique, Grip, cofondĂ©e par un ancien cadre de ButcherBox, permet aux marques D2C dâexpĂ©dier des produits frais partout aux Ătats-Unis en moins de 24 heures.
GrĂŒns mise sur les gummies nutritionnelles comme alternative aux poudres. Avec 4 millions dâunitĂ©s expĂ©diĂ©es chaque jour et une valorisation de 500 millions de dollars, elle cible notamment les consommateurs sous traitement amaigrissant.
HumanN, experte des complĂ©ments Ă base de betterave, continue sa percĂ©e auprĂšs dâathlĂštes et de consommateurs soucieux de leur tension artĂ©rielle.
Regrow Ag, Ă la croisĂ©e de lâagro et de lâIA, aide les agriculteurs Ă optimiser leurs cultures grĂące Ă des outils satellitaires. Lâentreprise travaille dĂ©jĂ avec NestlĂ© et PepsiCo.
Enfin, Voyage, basĂ©e en Californie, dĂ©veloppe des substituts âbeanlessâ pour le cafĂ© et le chocolat. Remplaçant les matiĂšres premiĂšres traditionnelles par des alternatives plus durables (pois chiches, avoine, etc.), elle est soutenue par un prĂȘt du USDA et un partenariat avec Cargill.
Ces start-ups dessinent les contours dâun nouvel Ă©cosystĂšme alimentaire, Ă la fois technologique, responsable et adaptĂ© aux exigences nutritionnelles contemporaines.
The Washington Post, Is brown rice actually healthier than white rice?, 28/04/2025
La supĂ©rioritĂ© nutritionnelle du riz complet par rapport au riz blanc fait lâobjet dâun consensus historique parmi les nutritionnistes. Le riz complet contient prĂšs de six fois plus de fibres, davantage de minĂ©raux (magnĂ©sium, potassium, fer) et de vitamines B. Des Ă©tudes montrent que la consommation de cĂ©rĂ©ales complĂštes, comme le riz brun, est associĂ©e Ă une rĂ©duction du risque de maladies cardiovasculaires, de diabĂšte de type 2, d'obĂ©sitĂ© et de certains cancers.
Cependant, ces derniĂšres annĂ©es, une controverse sâest installĂ©e autour de la prĂ©sence dâarsenic dans le riz brun, relancĂ©e par des influenceurs santĂ© sur les rĂ©seaux sociaux. Lâarsenic, un mĂ©tal lourd, est liĂ© Ă des pathologies graves comme le cancer ou les troubles neurologiques. Le riz, et particuliĂšrement le riz brun, tend Ă en accumuler davantage car lâarsenic se concentre dans le son, cette couche externe conservĂ©e dans le riz complet.
Des Ă©tudes rĂ©centes tempĂšrent toutefois ces inquiĂ©tudes. Les niveaux dâarsenic prĂ©sents dans le riz consommĂ© aux Ătats-Unis sont en gĂ©nĂ©ral faibles et bien en deçà des seuils de danger pour la majoritĂ© de la population. Il faudrait une consommation trĂšs excessive et rĂ©guliĂšre pour que cela devienne problĂ©matique. Des groupes vulnĂ©rables, notamment les jeunes enfants et les nourrissons, restent cependant plus exposĂ©s et doivent limiter leur consommation.
Il est possible de rĂ©duire la teneur en arsenic du riz grĂące Ă des pratiques simples : par exemple, le faire tremper avant cuisson et utiliser une grande quantitĂ© dâeau pour la cuisson (technique du ârinçage Ă chaudâ) permet de diminuer jusquâĂ 60 % la teneur en arsenic.
Les experts interrogĂ©s soulignent que les bienfaits du riz complet surpassent largement les risques liĂ©s Ă lâarsenic, du moment que lâalimentation reste variĂ©e. Ils recommandent par ailleurs de diversifier les sources de cĂ©rĂ©ales (quinoa, millet, avoine, etc.) pour rĂ©duire toute exposition excessive Ă une seule catĂ©gorie dâaliment.
Food & Wine, Here's the Surprising Secret History of America's Most Popular Snack Cracker, 24/04/2025
DerriĂšre lâun des produits les plus emblĂ©matiques des rayons amĂ©ricains â les crackers Ritz â se cache lâhistoire personnelle et mĂ©connue dâun artiste de lâombre, Sydney S. Stern, qui transforma une tragĂ©die familiale en une carriĂšre prolifique dans lâart commercial au sein de Nabisco. Ă travers les souvenirs familiaux de Daisy Alioto lâarticle retrace le parcours de cet homme qui a littĂ©ralement redĂ©fini lâesthĂ©tique du snacking aux Ătats-Unis.
Immigrant dâorigine hongroise, Stern sâest affirmĂ© comme illustrateur autodidacte dans les annĂ©es 1920. Lorsque sa femme meurt en 1928, il se retrouve seul avec trois jeunes enfants. Il accepte alors un poste stable chez Nabisco, ce qui marque le dĂ©but dâun partenariat durable et dĂ©cisif. En 1935, en pleine Grande DĂ©pression, Nabisco lui confie une mission cruciale : crĂ©er un emballage capable de concurrencer les crackers Sunshine. Stern trouve lâinspiration dans lâĂ©tiquette circulaire de son chapeau et conçoit le dĂ©sormais cĂ©lĂšbre logo bleu et jaune âRitzâ, incarnation dâun luxe accessible qui sĂ©duit instantanĂ©ment le public.
Stern ne sâest pas arrĂȘtĂ© aux crackers Ritz. Il a aussi marquĂ© lâhistoire de la marque avec le design de la boĂźte Barnumâs Animal Crackers, en y ajoutant un ours polaire blanc pour casser la monotonie chromatique, ainsi quâune ficelle sur certaines versions pour que la boĂźte puisse ĂȘtre utilisĂ©e comme un ornement â innovation simple mais emblĂ©matique. Il a Ă©galement participĂ© Ă lâĂ©volution de lâemballage des cĂ©rĂ©ales Shredded Wheat, rendant peu Ă peu le produit plus visible que lâusine figurant en arriĂšre-plan, une subtilitĂ© graphique qui a contribuĂ© Ă forger la mĂ©moire visuelle des consommateurs.
RestĂ© 31 ans chez Nabisco, Stern a pris sa retraite en Floride, oĂč il sâest investi dans la scĂšne artistique locale. Ă 95 ans, une exposition lui est consacrĂ©e Ă la Beaux Arts Gallery de Pinellas Park, et il est intronisĂ© dans le Ritz Hall of Fame â une reconnaissance tardive, rendue possible par la persĂ©vĂ©rance de sa famille.
Cet hommage posthume rappelle que le packaging, longtemps ignorĂ© comme forme dâart, a Ă©tĂ© rĂ©habilitĂ© par le pop art. Sydney Stern, bien avant Warhol, a contribuĂ© Ă faire de lâemballage un objet culturel. Et si les produits quâil a embellis continuent Ă trĂŽner dans nos placards, câest aussi parce quâils ont su marier accessibilitĂ©, nostalgie et une subtile sophistication graphique.
Punch Drink, Anatomy of a Modern âItâ Bar, 25/04/2025
Lâarticle explore les ressorts du succĂšs des bars dits âIt Barsâ, ces Ă©tablissements ultra-tendance qui captivent Ă la fois les critiques, les professionnels et les consommateurs urbains. Bien au-delĂ de leur carte de cocktails, ces lieux incarnent une esthĂ©tique, une ambiance et une stratĂ©gie commerciale Ă part entiĂšre, marquant un tournant dans la culture de la consommation nocturne.
Loin du modĂšle classique du speakeasy ou du bar Ă cocktails savamment codĂ©, le âIt Barâ moderne joue la carte de lâaccessibilitĂ© cool, de la dĂ©sinvolture bien Ă©tudiĂ©e et de lâhybridation des formats. Ce sont des bars souvent modestes en taille, mais extrĂȘmement soignĂ©s dans leur mise en scĂšne : lumiĂšre tamisĂ©e, mobilier vintage mais ergonomique, bande-son soigneusement choisie, personnel jeune, affable et stylĂ©. Lâambiance semble improvisĂ©e, mais chaque dĂ©tail relĂšve dâun calibrage quasi scĂ©nographique.
Les boissons elles-mĂȘmes participent Ă cet Ă©quilibre : des cocktails techniques, mais sans esbroufe, cĂŽtoient des biĂšres locales, des vins naturels ou des highballs au soda artisanal. La carte change frĂ©quemment, illustrant une agilitĂ© et une crĂ©ativitĂ© permanente. Lâaccent est mis sur la saisonnalitĂ©, lâapprovisionnement local et des ingrĂ©dients maison â sirops, infusions ou liqueurs customisĂ©es.
Ce qui distingue surtout ces bars est leur capacitĂ© Ă crĂ©er une communautĂ©. Ils deviennent des lieux dâancrage social, de retrouvailles culturelles, oĂč la clientĂšle se fidĂ©lise autant pour lâatmosphĂšre que pour les boissons. Lâarticle insiste sur la force des âit barsâ Ă fonctionner comme des micro-marques, dont lâidentitĂ© se diffuse via Instagram, TikTok ou les recommandations de bouche-Ă -oreille dâune clientĂšle jeune et connectĂ©e.
Un autre pilier de leur succÚs réside dans leur ancrage local couplé à une esthétique globale. Ces établissements réussissent à incarner une ville ou un quartier tout en adoptant des codes universels du lifestyle contemporain, ce qui les rend réplicables ailleurs. Certains deviennent des incubateurs de talents ou le point de départ de groupes hÎteliers plus ambitieux.
New York Times, Who Was Marie-Antoine CarĂȘme, the Father of French Gastronomy?, 30/04/2025
Marie-Antoine CarĂȘme, souvent dĂ©signĂ© comme le "pĂšre de la gastronomie française", a profondĂ©ment marquĂ© lâhistoire culinaire au tournant du XIXe siĂšcle. Lâarticle revient sur la vie et lâhĂ©ritage de ce cuisinier visionnaire, qui a Ă©levĂ© la cuisine au rang dâart et a posĂ© les bases de la haute gastronomie telle quâon la connaĂźt aujourdâhui.
NĂ© Ă Paris en 1784 dans une famille modeste, CarĂȘme commence Ă travailler trĂšs jeune dans les cuisines pour fuir la pauvretĂ©. Il est remarquĂ© par le pĂątissier Sylvain Bailly, qui lui donne sa premiĂšre chance. DouĂ©, CarĂȘme excelle dans lâart du sucre et de la pĂątisserie architecturale, rĂ©alisant des piĂšces montĂ©es monumentales inspirĂ©es de monuments antiques. Il attire rapidement lâattention des Ă©lites.
CarĂȘme devient le chef attitrĂ© de grandes maisons aristocratiques, notamment celles de Talleyrand et du Tsar Alexandre Ier. Il est lâun des premiers Ă codifier la cuisine française, Ă lui donner un langage structurĂ© et un raffinement systĂ©matique. Il formalise notamment la classification des sauces mĂšres (espagnole, bĂ©chamel, veloutĂ©âŠ), encore enseignĂ©es aujourdâhui en Ă©coles de cuisine.
Lâun de ses apports les plus durables est dâavoir conceptualisĂ© le rĂŽle du chef comme crĂ©ateur, Ă une Ă©poque oĂč la cuisine restait cantonnĂ©e aux coulisses. CarĂȘme voit la cuisine comme un art et le chef comme un artiste. Il rĂ©dige plusieurs ouvrages majeurs, dont LâArt de la cuisine française au XIXe siĂšcle, vĂ©ritables traitĂ©s culinaires mĂȘlant recettes, techniques, rĂ©flexions esthĂ©tiques et structures de menus.
Il est aussi lâinventeur du "service Ă la russe", oĂč les plats sont servis successivement, remplaçant le "service Ă la française" (tous les plats sur la table en mĂȘme temps). Cette approche, plus logique et plus lisible, influence durablement le dĂ©roulĂ© des repas en Occident.
Mort Ă 48 ans, CarĂȘme laisse un hĂ©ritage immense. Ses Ă©crits et techniques inspireront Escoffier, Bocuse et dâautres figures majeures. Aujourdâhui encore, il est cĂ©lĂ©brĂ© comme le premier grand chef moderne, celui qui a fait passer la cuisine du statut de nĂ©cessitĂ© domestique Ă celui de discipline artistique et professionnelle reconnue Ă lâĂ©chelle internationale.
New York Times, A Sign That Consumers Are Anxious: Theyâre Cutting Back on Snacks, 24/04/2025
Lâarticle analyse un indicateur rĂ©vĂ©lateur des tensions Ă©conomiques actuelles aux Ătats-Unis : les consommateurs rĂ©duisent leurs achats de snacks, un segment traditionnellement rĂ©silient mĂȘme en pĂ©riode de crise. Cette tendance inattendue tĂ©moigne dâun changement profond dans les habitudes de consommation, guidĂ© par lâinflation, lâincertitude Ă©conomique et un retour Ă une forme de frugalitĂ©.
Des gĂ©ants comme PepsiCo et Mondelez, propriĂ©taires de marques comme Doritos, Cheetos ou Oreo, constatent une baisse significative des ventes en volume. Les mĂ©nages amĂ©ricains, toutes catĂ©gories sociales confondues, achĂštent moins de produits impulsifs et privilĂ©gient les achats essentiels. MĂȘme les snacks considĂ©rĂ©s comme abordables sont devenus des postes de dĂ©pense secondaires dans des budgets de plus en plus contraints.
Cette baisse nâest pas uniquement due Ă la hausse des prix â bien que celle-ci ait Ă©tĂ© marquĂ©e ces deux derniĂšres annĂ©es. Elle reflĂšte Ă©galement une fatigue face Ă la consommation excessive et un recentrage sur des pratiques plus sobres. Dans certaines familles, le snack est dĂ©sormais rĂ©servĂ© aux enfants, et de plus en plus de consommateurs reviennent Ă des alternatives faites maison ou Ă des produits de base moins transformĂ©s.
Lâarticle souligne que cette Ă©volution touche aussi bien les produits salĂ©s que sucrĂ©s, ainsi que les formats pratiques comme les barres, les portions individuelles ou les biscuits Ă emporter. Les ventes baissent mĂȘme dans les enseignes de discount ou lors des promotions. Des donnĂ©es dâIRI et de Nielsen confirment cette contraction du marchĂ©.
Ce changement de comportement inquiĂšte les industriels, car le snack est historiquement un vecteur de marges Ă©levĂ©es et de fidĂ©litĂ© Ă la marque. Certains groupes testent donc des stratĂ©gies pour reconquĂ©rir les consommateurs : formats familiaux plus Ă©conomiques, innovations nutritionnelles (protĂ©ines, fibres, moins de sucre), et messages marketing plus ancrĂ©s dans la âvaleurâ.
Forbes, Climate Change Serendipity: A Bordeaux Grand Cru Winery Makes Authentic Japanese Soy Sauce, 29/04/2025
VoilĂ un exemple inattendu dâadaptation climatique et de diversification agroalimentaire : le Chateau Coutet, Ă Saint-Ămilion, sâest lancĂ© dans la production⊠de sauce soja japonaise artisanale. Lâarticle explore cette initiative surprenante qui conjugue tradition vinicole, savoir-faire fermentaire et innovation face aux effets du rĂ©chauffement climatique.
Le domaine a connu au fil des derniĂšres annĂ©es une succession de vendanges perturbĂ©es par des alĂ©as climatiques : gel tardif, sĂ©cheresses, canicules. Cette instabilitĂ© pousse les viticulteurs Ă rĂ©flĂ©chir Ă des solutions complĂ©mentaires pour prĂ©server la viabilitĂ© Ă©conomique de leurs exploitations. InspirĂ© par les similitudes entre les processus de vinification et de fermentation de la sauce soja (shoyu), le domaine entame une collaboration avec un maĂźtre brasseur japonais, expert en fermentations traditionnelles Ă base de koji (Aspergillus oryzae). Le projet vise Ă produire une sauce soja haut de gamme, en petites quantitĂ©s, en utilisant du blĂ© et du soja issus de lâagriculture bio locale, et une eau de source filtrĂ©e sur le domaine mĂȘme.
Les premiĂšres barriques de shoyu sont affinĂ©es dans les mĂȘmes chais que les vins, utilisant des techniques japonaises ancestrales. Le rĂ©sultat est une sauce Ă la robe dense, au parfum umami complexe, et une profondeur aromatique que les chefs gastronomiques saluent dĂ©jĂ . Plusieurs restaurants Ă©toilĂ©s en France et Ă lâĂ©tranger ont manifestĂ© leur intĂ©rĂȘt.
Lâinitiative illustre une tendance plus large dans les rĂ©gions viticoles confrontĂ©es au changement climatique : la recherche de rĂ©silience Ă©conomique via la diversification, sans pour autant renier leur identitĂ©. Ici, la production reste artisanale, respectueuse des terroirs et du temps long â des valeurs communes au vin et Ă la fermentation japonaise.
En parallĂšle, ce projet reflĂšte aussi lâĂ©volution des goĂ»ts des consommateurs haut de gamme, friands de produits hybrides, authentiques et exclusifs. La sauce soja, souvent industrialisĂ©e et banalisĂ©e, retrouve ici son statut de produit noble. Le domaine entend en faire une production rĂ©guliĂšre, complĂ©mentaire Ă son activitĂ© viticole, et potentiellement exportable.
The Spoon, From Starday to Shiru to Givaudan, AI Is Now Tablestakes Across the Food Value Chain, 28/04/2025
Lâintelligence artificielle (IA) est dĂ©sormais incontournable dans toute la chaĂźne de valeur agroalimentaire, du dĂ©veloppement produit Ă la logistique, en passant par la formulation, le marketing et la durabilitĂ©. Lâarticle explore comment des acteurs trĂšs divers â de jeunes start-ups comme Starday ou Shiru, aux gĂ©ants comme Givaudan â intĂšgrent lâIA comme un standard de lâinnovation alimentaire contemporaine.
Starday, start-up fondĂ©e par lâancien directeur marketing de Google, applique une logique radicalement data-driven Ă la crĂ©ation de produits alimentaires : les tendances consommateurs sont analysĂ©es via les moteurs de recherche, les rĂ©seaux sociaux et les feedbacks en ligne pour formuler des produits âprĂȘts Ă vendreâ. Câest ainsi quâils ont lancĂ© des chips allĂ©gĂ©es en sodium ou une pĂąte Ă tartiner protĂ©inĂ©e, conçues avec une vitesse et une prĂ©cision quasi algorithmique.
Shiru, de son cĂŽtĂ©, utilise le machine learning pour identifier des protĂ©ines alternatives dans des bases de donnĂ©es biologiques. Objectif : remplacer les additifs issus dâanimaux ou dâingrĂ©dients controversĂ©s par des composĂ©s plus durables. GrĂące Ă lâIA, lâentreprise peut modĂ©liser les propriĂ©tĂ©s fonctionnelles dâun ingrĂ©dient avant mĂȘme de lâextraire physiquement.
Quant au gĂ©ant suisse Givaudan, fournisseur mondial dâarĂŽmes et dâingrĂ©dients, il a mis en place un âculinary experience hubâ entiĂšrement pilotĂ© par IA, oĂč les chefs et scientifiques testent en temps rĂ©el des prototypes optimisĂ©s en fonction des prĂ©fĂ©rences rĂ©gionales, des contraintes rĂ©glementaires ou des objectifs de rĂ©duction dâempreinte carbone.
Lâarticle souligne que lâIA ne se limite plus Ă lâinnovation produit : elle sâimpose Ă©galement dans la gestion des chaĂźnes logistiques, lâanticipation des pĂ©nuries, la rĂ©duction du gaspillage et mĂȘme la prĂ©diction de comportements alimentaires futurs. La personnalisation Ă grande Ă©chelle devient possible, tout comme la crĂ©ation de formulations nutritionnelles adaptĂ©es Ă des profils spĂ©cifiques (sportifs, seniors, vĂ©gĂ©taliens, etc.).
Toutefois, cette sophistication algorithmique ne se fait pas sans limites. Les auteurs mettent en garde contre une dĂ©pendance excessive aux donnĂ©es, qui pourrait dĂ©shumaniser la crĂ©ativitĂ© culinaire. La transparence et lâĂ©thique dans la collecte et lâutilisation des donnĂ©es demeurent des enjeux centraux. LâIA, conclut lâarticle, nâest plus une option mais une infrastructure essentielle pour toute entreprise agroalimentaire aspirant Ă rester compĂ©titive. Câest un changement de paradigme qui redĂ©finit ce que signifie âinnoverâ dans le secteur alimentaire.
Wall Street Journal, How Chiliâs Won When America Raged About Fast-Food Prices, 24/04/2025
Alors que les grandes chaĂźnes de fast-food aux Ătats-Unis font face Ă une vague de critiques sur la hausse fulgurante de leurs prix, Chiliâs, enseigne de casual dining, a rĂ©ussi Ă tirer son Ă©pingle du jeu. Lâarticle retrace comment la chaĂźne, souvent perçue comme plus haut de gamme que les fast-foods, a paradoxalement su capter une clientĂšle en quĂȘte de bons rapports qualitĂ©-prix.
En 2024, des plateformes comme TikTok se sont enflammĂ©es autour de la flambĂ©e des prix dans des enseignes comme McDonaldâs ou Wendyâs. Un menu basique dĂ©passant les 18 dollars a choquĂ© de nombreux consommateurs, alimentant une conversation nationale sur le coĂ»t croissant de manger "sur le pouce". Dans ce climat tendu, Chiliâs a jouĂ© la carte de la transparence et de la simplicitĂ© en mettant en avant un menu Ă 10,99 dollars : cheeseburger, frites et boisson inclus.
Contrairement Ă dâautres chaĂźnes qui ont privilĂ©giĂ© les promotions numĂ©riques via leurs applications, Chiliâs a misĂ© sur une communication claire en salle, via des affiches et des menus physiques, atteignant une clientĂšle moins connectĂ©e, plus traditionnelle, et soucieuse de son budget. Cette approche a permis Ă la marque de regagner des parts de marchĂ©, en particulier parmi les consommateurs de la classe moyenne.
Lâarticle souligne Ă©galement que cette stratĂ©gie de âmenu valeurâ nâest pas une simple tactique marketing, mais une dĂ©cision structurĂ©e au niveau de la direction. Le PDG de Chiliâs, Kevin Hochman, ancien de KFC et Pizza Hut, a appliquĂ© une logique âKFC-styleâ au casual dining : rĂ©duction de la carte, gestion rigoureuse des coĂ»ts et communication directe.
GrĂące Ă cette stratĂ©gie, Chiliâs a enregistrĂ© une hausse des ventes de 3 % au quatriĂšme trimestre 2024, Ă rebours de la tendance gĂ©nĂ©rale dans le secteur. Lâenseigne a aussi su conserver ses marges, en optimisant ses achats et en standardisant ses recettes, sans altĂ©rer la qualitĂ© perçue par les clients.
Câest tout pour aujourdâhui.
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A la semaine prochaine!
O. Frey





















