Bonjour Ă toutes et Ă tous, Eat's Business est une newsletter dans laquelle vous trouverez une revue de presse de quelques articles sur le monde de lâalimentaire qui mâont semblĂ© intĂ©ressants dans la semaine prĂ©cĂ©dente.
Pour ceux qui veulent la formule ristretto, les 3 articles que je vous conseille de lire en priorité cette semaine sont :
Les Ăchos, Vin : jusqu'oĂč ira la baisse de la consommation mondiale ?, 16/04/2025
Le Figaro, Couleur rose bonbon, hybride aux fruits, ersatz sans cacao... Quel sera le goût du chocolat de demain ?, 19/04/2025
New York Times, Meat Is Back, on Plates and in Politics, 18/04/2025
Eatâs Business fait une petite pause le week-end prochain. On se retrouve dans quinze jours.
Pour celles et ceux dâentre vous qui ont plus de temps pour la formule lungo :
Le Monde, « Il faut aller plus loin pour limiter lâaccĂšs et lâexposition aux aliments gras, sucrĂ©s, salĂ©s et ultratransformĂ©s », 14/04/2025
Une tribune dans laquelle des spĂ©cialistes de la nutrition alertent sur lâurgence dâagir face aux ravages causĂ©s par les aliments gras, sucrĂ©s, salĂ©s et ultratransformĂ©s. Ces produits, souvent bon marchĂ© et omniprĂ©sents dans lâenvironnement alimentaire, sont fortement liĂ©s Ă lâexplosion des maladies chroniques comme lâobĂ©sitĂ©, les maladies cardiovasculaires, les cancers, ou encore les troubles inflammatoires. Selon les auteurs, la situation est alarmante tant sur le plan sanitaire que sur le plan Ă©conomique : la France dĂ©pense chaque annĂ©e plus de 20 milliards dâeuros pour lutter contre lâobĂ©sitĂ©, sans compter les coĂ»ts liĂ©s au diabĂšte de type 2 ou Ă dâautres pathologies associĂ©es.
Les auteurs dĂ©noncent aussi les mĂ©thodes des industriels de la junk food, comparĂ©es Ă celles du lobby du tabac : manipulation du discours scientifique, marketing mensonger, instrumentalisation de valeurs comme la libertĂ© ou la tradition culinaire. Ces entreprises entretiennent un systĂšme alimentaire qui profite peu aux producteurs, mais dĂ©truit de la valeur sociale et sanitaire. Lâargument de lâaugmentation de lâespĂ©rance de vie est Ă©galement critiquĂ© comme trompeur, car elle ne concerne pas toutes les catĂ©gories de population.
Les propositions avancĂ©es sont claires et sâinspirent des succĂšs passĂ©s dans la lutte contre dâautres flĂ©aux sanitaires. Elles reposent sur une transformation structurelle de lâoffre alimentaire par des politiques fiscales (taxation de la junk food, subventions sur les produits sains), des restrictions publicitaires, une rĂ©gulation du marketing et du placement en magasins. Le Nutri-Score est prĂ©sentĂ© comme un outil puissant, mais sous-utilisĂ©, qui devrait devenir obligatoire et sâĂ©tendre Ă lâensemble des produits, y compris en vrac et en restauration collective.
Les experts insistent sur lâimportance dâun environnement alimentaire favorable Ă la santĂ©, notamment par une meilleure accessibilitĂ© aux fruits, lĂ©gumes, lĂ©gumineuses, poissons et fruits Ă coque, et une rĂ©duction de la consommation de viande, dâalcool et dâaliments transformĂ©s. Pour eux, il ne sâagit pas dâinventer de nouvelles idĂ©es, mais dâavoir le courage politique dâappliquer des solutions dĂ©jĂ Ă©prouvĂ©es. Ce changement est jugĂ© non seulement nĂ©cessaire, mais aussi largement souhaitĂ© par la population.
Libération, A Paris, les bistrotiers veillent au grain face aux coffee-shops, 12/04/2025
Lâarticle explore lâĂ©volution du paysage cafetier parisien, Ă travers le prisme dâun affrontement culturel entre les bistrots traditionnels et les coffee-shops nouvelle gĂ©nĂ©ration. Le quartier de Belleville illustre cette transformation : alors que les coffee-shops prolifĂšrent avec leur esthĂ©tique Ă©purĂ©e, leurs lattĂ©s au lait dâavoine et leurs cartes anglicisĂ©es, des Ă©tablissements comme La Cagnotte maintiennent un esprit populaire, une ambiance chaleureuse et des prix accessibles. Leur cafĂ© noir Ă 1,10 euro, leur clientĂšle intergĂ©nĂ©rationnelle et leur convivialitĂ© spontanĂ©e contrastent fortement avec les codes parfois jugĂ©s aseptisĂ©s des coffee-shops.
Lâarticle donne la parole aux partisans des deux univers. Dâun cĂŽtĂ©, des habituĂ©s de bistrots dĂ©noncent des lieux âsnobsâ, perçus comme rĂ©servĂ©s Ă une Ă©lite jeune et branchĂ©e, dĂ©connectĂ©e du vivre-ensemble. De lâautre, des clients de coffee-shops comme Aurore Choanier revendiquent un environnement propice au tĂ©lĂ©travail, aux rencontres et Ă une consommation plus qualitative. Le propriĂ©taire du coffee-shop Miliki, Eric Ndombe, insiste sur la traçabilitĂ© du produit, la torrĂ©faction artisanale et lâaccueil familial de son Ă©tablissement, reflet dâune nouvelle gĂ©nĂ©ration dâentrepreneurs investis.
Lâarticle met Ă©galement en lumiĂšre les enjeux Ă©conomiques et sociaux derriĂšre ce clivage. Les cafĂ©s traditionnels souffrent dâun manque de formation barista, dâun cafĂ© souvent de moindre qualitĂ©, et dâune concurrence qui rĂ©pond Ă une demande mal anticipĂ©e. Pour des figures comme Alain Fontaine, prĂ©sident dâun syndicat de bistrotiers, la menace est sĂ©rieuse : les coffee-shops pourraient prĂ©cipiter le dĂ©clin dâun modĂšle patrimonial. Mais certains appellent Ă lâadaptation plutĂŽt quâĂ lâopposition frontale : intĂ©grer des dĂ©clinaisons modernes du cafĂ© sans renier lâĂąme du bistrot.
Les experts interrogĂ©s pointent un phĂ©nomĂšne mondial, mais particuliĂšrement tendu en France en raison du rapport culturel complexe au cafĂ© et Ă la mondialisation. Lâexemple de Berlin ou de Prague montre quâun mĂ©tissage des modĂšles est possible. En France, la transition reste freinĂ©e par les coĂ»ts (machines, formation) et une certaine rĂ©sistance au changement. En toile de fond, ce dĂ©bat rĂ©vĂšle une fracture gĂ©nĂ©rationnelle et sociĂ©tale plus large autour du goĂ»t, des pratiques de consommation, et des valeurs de convivialitĂ©.
Les Ăchos, Vin : jusqu'oĂč ira la baisse de la consommation mondiale ?, 16/04/2025
Lâarticle dresse un constat alarmant sur la consommation mondiale de vin, qui en 2024 a chutĂ© Ă son plus bas niveau depuis 1961. Selon lâOrganisation internationale de la vigne et du vin (OIV), la consommation globale est tombĂ©e Ă 214,2 millions dâhectolitres, soit une baisse de 3,3 % par rapport Ă 2023. Cette tendance, amorcĂ©e depuis 2018, reflĂšte des mutations profondes du comportement des consommateurs, accentuĂ©es par la conjoncture Ă©conomique mondiale.
Parmi les facteurs identifiĂ©s, on retrouve une inflation gĂ©nĂ©ralisĂ©e qui a entraĂźnĂ© une hausse de 30 % du prix moyen du vin par rapport Ă la pĂ©riode 2019-2020. Les consommateurs, notamment dans les pays historiquement amateurs comme la France, rĂ©duisent leurs achats. La consommation française a ainsi reculĂ© de 3,6 % en 2024. En Europe, qui reprĂ©sente prĂšs de la moitiĂ© des ventes mondiales, seule la pĂ©ninsule IbĂ©rique (Espagne, Portugal) rĂ©siste lĂ©gĂšrement Ă la baisse. Les Ătats-Unis, premier marchĂ© mondial, enregistrent une chute de 5,8 %, tandis que la Chine, aprĂšs un rebond post-Covid, replonge Ă©galement.
La tendance est Ă©galement gĂ©nĂ©rationnelle. Le vin nâa plus le mĂȘme attrait auprĂšs des jeunes consommateurs, qui prĂ©fĂšrent rĂ©server sa consommation Ă des occasions festives. On boit moins, mais mieux, selon les professionnels du secteur, qui notent une montĂ©e en gamme. Toutefois, cette valorisation ne compense pas la perte de volumes, ni les inquiĂ©tudes face Ă de potentielles hausses de droits de douane, notamment en cas de retour de mesures protectionnistes aux Ătats-Unis.
CĂŽtĂ© production, 2024 a Ă©tĂ© marquĂ©e par une rĂ©colte historiquement faible : 225,8 millions dâhectolitres, soit une baisse de 4,8 %. Il sâagit du plus faible niveau depuis plus de soixante ans. LâEurope, en tĂȘte avec 61 % de la production mondiale, a connu des conditions climatiques extrĂȘmes, entre pluies abondantes et sĂ©cheresses. La France, avec une production en recul de 23 %, descend Ă son plus bas niveau depuis 1957. Seule lâItalie conserve sa premiĂšre place mondiale avec 44 millions dâhectolitres.
MalgrĂ© la baisse des volumes, les exportations mondiales ont atteint 35,9 milliards dâeuros, grĂące Ă un prix au litre maintenu Ă un niveau record (3,60 âŹ). Cette dynamique en valeur ne suffit toutefois pas Ă rassurer une filiĂšre confrontĂ©e Ă des dĂ©fis structurels : Ă©volution des goĂ»ts, vieillissement du public, alĂ©as climatiques et tensions commerciales. Le secteur viticole doit se rĂ©inventer pour retrouver un Ă©quilibre entre tradition, qualitĂ© et nouvelles attentes des consommateurs.
LâInformĂ©, AccusĂ© dâavoir vendu du faux miel, le fabricant de Lune de Miel jette lâĂ©ponge, 14/04/2025
Lâarticle revient sur une affaire judiciaire majeure dans le secteur du miel en France, impliquant Famille Michaud Apiculteurs, le fabricant de la marque emblĂ©matique Lune de Miel. AccusĂ©e dâavoir importĂ© et vendu du faux miel chinois, lâentreprise a mis fin Ă un long bras de fer judiciaire avec la douane française en acceptant un redressement de plus de 47 000 euros. Cette dĂ©cision marque la fin dâun contentieux entamĂ© en 2014, lorsque les services douaniers avaient saisi 26 Ă©chantillons suspects, dont 24 sâĂ©taient rĂ©vĂ©lĂ©s adultĂ©rĂ©s â câest-Ă -dire modifiĂ©s par lâajout de sirops bon marchĂ© Ă base de riz, blĂ© ou betterave.
Famille Michaud a longtemps contestĂ© les analyses basĂ©es sur la rĂ©sonance magnĂ©tique nuclĂ©aire (RMN), arguant que cette mĂ©thode nâĂ©tait ni accrĂ©ditĂ©e ni fiable Ă lâĂ©poque. Pourtant, lâentreprise utilisait dĂ©jĂ cette technologie pour des produits destinĂ©s aux supermarchĂ©s Leclerc. AprĂšs plusieurs rebondissements judiciaires â condamnation en premiĂšre instance, victoire en appel, puis cassation â, lâentreprise a finalement renoncĂ© Ă poursuivre la procĂ©dure. Officiellement, elle souhaite se « concentrer sur lâavenir », tout en continuant Ă clamer la conformitĂ© de ses produits.
Ce scandale intervient dans un contexte de dĂ©fiance croissante vis-Ă -vis des miels importĂ©s. Les apiculteurs français dĂ©noncent une concurrence dĂ©loyale alimentĂ©e par des produits vendus Ă des prix cassĂ©s, souvent suspects. Henri ClĂ©ment, porte-parole de lâUNAF (Union nationale de lâapiculture française), souligne que ces importations tirent les prix vers le bas et alimentent le doute chez les consommateurs. Le jugement apporte une preuve Ă©difiante : les lots frauduleux avaient Ă©tĂ© achetĂ©s Ă 1,73 dollar/kg, contre 3,65 dollars pour ceux jugĂ©s conformes, alors que le miel français standard se nĂ©gocie aujourdâhui entre 4,50 et 5,50 euros/kg.
MalgrĂ© les dĂ©clarations rassurantes de lâentreprise, cette affaire ternit durablement son image auprĂšs des apiculteurs et du grand public. Elle relance aussi la question de la fiabilitĂ© des contrĂŽles et de lâharmonisation des mĂ©thodes dâanalyse en Europe. Les fraudes sur le miel sont en effet rĂ©currentes : une enquĂȘte de la Commission europĂ©enne en 2023 rĂ©vĂ©lait que 74 % des lots importĂ©s de Chine Ă©taient potentiellement frauduleux. Ce cas illustre la vulnĂ©rabilitĂ© de la filiĂšre face aux dĂ©rives commerciales, et souligne lâimportance de garantir la transparence et la traçabilitĂ© dans lâapprovisionnement.
Process Alimentaire, LâAssociation des Entreprises des Glaces insiste pour dĂ©saisonnaliser la consommation de glaces, 15/04/2025
LâAssociation des Entreprises des Glaces (AEG), qui regroupe sept poids lourds du secteur comme Unilever, Thiriet, ou Froneri, dresse un bilan mitigĂ© pour lâannĂ©e 2024, tout en affichant des ambitions claires pour 2025 : briser la saisonnalitĂ© de la consommation de glaces. MalgrĂ© une mĂ©tĂ©o dĂ©favorable durant lâĂ©tĂ© â avec un mois de juin et juillet responsables Ă eux seuls de 71 % des pertes de ventes â le marchĂ© a su faire preuve de rĂ©silience. En volume, les ventes sont quasi stables (+0,3 %), et atteignent 1,48 milliard dâeuros de chiffre dâaffaires (-4,7 % par rapport Ă 2023).
En dĂ©pit de ces conditions difficiles, la glace reste un produit « plaisir » consommĂ© par prĂšs de 85 % des foyers français, avec 60 000 nouveaux acheteurs conquis en 2024. Le e-commerce tire particuliĂšrement son Ă©pingle du jeu, avec une croissance de +8,3 % du chiffre dâaffaires et 9 % de part de marchĂ©. Les circuits traditionnels â supermarchĂ©s, hypermarchĂ©s â demeurent toutefois dominants, reprĂ©sentant 68 % des ventes.
CĂŽtĂ© produits, les bĂątonnets, cĂŽnes et bacs restent les formats prĂ©fĂ©rĂ©s, mais le format pot connaĂźt une dynamique intĂ©ressante, avec un recrutement de 900 000 nouveaux consommateurs. Cette Ă©volution sâexplique notamment par une montĂ©e en gamme de lâoffre (premiumisation), et lâattrait pour des portions plus individuelles, idĂ©ales en consommation hors saison.
Lâinnovation est au cĆur de la stratĂ©gie des industriels pour soutenir cette croissance hors pĂ©riode estivale. En 2024, 7,1 % du chiffre dâaffaires du secteur provenait de lâinnovation, une progression marquĂ©e par rapport Ă 2023 (2,5 %). Pour 2025, pas moins de 67 nouveautĂ©s sont annoncĂ©es. Lâobjectif est clair : rendre la glace attractive toute lâannĂ©e. Les bons rĂ©sultats des mois de mars et novembre (+10,8 % et +12,6 % en volume) montrent que la demande existe.
LâAEG plaide ainsi pour une meilleure visibilitĂ© des glaces en magasin pendant les mois dâoctobre Ă mars. Elle appelle les distributeurs Ă soutenir cette stratĂ©gie en maintenant les linĂ©aires garnis hors saison, en pariant sur des produits adaptĂ©s : formats individuels, recettes rĂ©confortantes, glaces premium. Avec un bon dĂ©marrage en janvier-fĂ©vrier 2025 (+9 % par rapport Ă lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente), les industriels sont convaincus que la glace peut devenir un plaisir annuel, et non plus uniquement un produit dâĂ©tĂ©.
Le Monde, Les « bars » à concepts envahissent le marché de la restauration, 14/04/2025
Lâarticle sâintĂ©resse Ă lâessor des « bars Ă concepts », ces Ă©tablissements de restauration ultra spĂ©cialisĂ©s qui misent sur un produit unique dĂ©clinĂ© Ă lâextrĂȘme, souvent dans un cadre branchĂ© et marketing-savvy. Le cas emblĂ©matique est celui dâAmone, ouvert Ă Paris en 2022 par Guillaume Verlet, qui propose uniquement du cordon-bleu revisitĂ© sous forme de finger food. En deux ans, le chiffre dâaffaires est grimpĂ© de 280 000 Ă 415 000 euros et deux franchises sont sur le point dâouvrir.
DerriĂšre cette tendance se cache un modĂšle Ă©conomique agile. Les coĂ»ts dâentrĂ©e sont limitĂ©s comparĂ©s Ă un restaurant traditionnel : peu de recettes Ă gĂ©rer, moins de fournisseurs, formation simplifiĂ©e pour le personnel. De plus, le temps gagnĂ© en cuisine peut ĂȘtre rĂ©investi dans le marketing, devenu un levier central du succĂšs. Margaux Aycard, fondatrice du Bar Ă Brioches, lâa bien compris : elle a fait appel Ă une attachĂ©e de presse pour orchestrer sa prĂ©sence sur les rĂ©seaux sociaux. Un passage dans une vidĂ©o virale du mĂ©dia âLe Guide ultimeâ lui a apportĂ© une visibilitĂ© massive.
Toutefois, cette frĂ©nĂ©sie nâest pas sans risque. Le phĂ©nomĂšne est par nature instable : Ă la mode aujourdâhui, oubliĂ© demain. Le cas de Flakes, bar Ă cĂ©rĂ©ales ouvert en 2016 Ă Paris, est citĂ© comme contre-exemple : initialement boostĂ© par les rĂ©seaux sociaux, il ferme ses portes moins dâun an aprĂšs. Le danger rĂ©side dans lâessoufflement rapide de la curiositĂ© des consommateurs, surtout quand lâoffre manque de profondeur ou paraĂźt surfacturĂ©e (comme des coquillettes Ă 10,90 âŹ).
Des experts du secteur, comme Vincent Sitz ou Nathalie Louisgrand, appellent donc Ă la prudence : la durabilitĂ© de ces concepts dĂ©pend de leur capacitĂ© Ă dĂ©passer lâeffet de nouveautĂ©. Le dĂ©fi est de bĂątir une marque forte, capable de fidĂ©liser au-delĂ de lâeffet de mode. Certains concepts rĂ©ussissent leur virage, comme Coquillettes, reconverti en dark kitchen, adaptĂ©e aux habitudes actuelles de consommation via livraison.
LSA, Success story : comment Le Saint est devenu un acteur incontournable des produits frais, 16/04/2025
Lâarticle retrace lâascension du groupe Le Saint, entreprise familiale bretonne devenue en plus de soixante ans un acteur national majeur dans la distribution de produits frais. FondĂ©e Ă Brest dans les annĂ©es 1950 par Louis et Yvonne Le Saint, la sociĂ©tĂ© dĂ©bute comme simple revendeur de fruits et lĂ©gumes avant de saisir lâopportunitĂ© de la grande distribution naissante. En 1968, elle devient fournisseur du premier hypermarchĂ© Leclerc de Brest, un tournant qui marque le dĂ©but de son expansion.
Sous lâimpulsion des fils Denis et GĂ©rard Le Saint, lâentreprise change dâĂ©chelle Ă partir des annĂ©es 1990. En 1998, ils prennent les rĂȘnes et entament une stratĂ©gie de croissance externe ambitieuse. Dix-sept acquisitions ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es Ă ce jour, permettant au groupe de sortir de son ancrage rĂ©gional breton pour sâimposer sur tout le territoire national. La derniĂšre en date, lâentreprise Estivin Ă Tours (75 millions dâeuros de chiffre dâaffaires), illustre cette stratĂ©gie dâexpansion ciblĂ©e et continue.
Aujourdâhui, le groupe emploie 2 800 salariĂ©s rĂ©partis dans 40 entitĂ©s appelĂ©es âcousinsâ, et a atteint un chiffre dâaffaires de 877 millions dâeuros en 2024, dont 582 millions issus des fruits et lĂ©gumes. Le reste provient de la marĂ©e (170 millions) et dâautres produits frais (122 millions), secteurs que Le Saint a intĂ©grĂ©s progressivement, notamment via le lancement de Top OcĂ©an pour la marĂ©e et divers rachats dâentreprises spĂ©cialisĂ©es dans la viande, les produits laitiers ou encore les fleurs.
FidĂšle Ă ses racines territoriales, lâentreprise dĂ©fend le âjeu localâ : soutenir les producteurs de proximitĂ© via des contrats longue durĂ©e. Elle a ainsi mis en place dĂšs 2011 la dĂ©marche âJouons local !â pour structurer ses engagements. Ce modĂšle est renforcĂ© par une forte implication dans le tissu social local : sponsoring sportif (Stade brestois, Brest Bretagne Handball), soutien aux personnes en situation de handicap via le Fonds Le Saint.
Le groupe illustre une croissance pensée sur le long terme, alliant savoir-faire logistique, ancrage régional fort, diversification raisonnée et engagement sociétal. Il affiche des ambitions de développement durable tout en restant fidÚle à ses valeurs familiales. Une success story française qui incarne à la fois modernité, ancrage local et cohérence stratégique dans un secteur hautement concurrentiel.
Les Echos, Le pesto, l'or vert de Barilla, 16/04/2025
Lâarticle retrace lâincroyable ascension du pesto, dĂ©sormais produit-phare de Barilla, devenu en quelques annĂ©es un pilier de croissance pour le gĂ©ant agroalimentaire italien. Longtemps perçue comme une sauce traditionnelle italienne associĂ©e aux pĂątes, cette prĂ©paration Ă base de basilic a largement dĂ©passĂ© les frontiĂšres de sa Ligurie natale. En France, les ventes ont dĂ©passĂ© celles enregistrĂ©es en Italie en 2024, atteignant plus de 8 millions de tonnes. Le pesto est dĂ©sormais la sauce pour pĂątes la plus vendue dans lâHexagone.
Barilla, avec 48 % de parts de marchĂ©, tire pleinement profit de cette tendance. Lâentreprise enregistre une croissance de 30 % sur ce segment en 2024, dans un contexte oĂč le marchĂ© alimentaire global est plutĂŽt en repli. Le pesto sĂ©duit un public jeune, urbain, friand de cuisine pratique, visuelle et « instagrammable ». Quâil sâagisse dâun assaisonnement de pĂątes, dâun condiment pour barbecue ou dâun ingrĂ©dient pour tartes ou sandwichs, le pesto se rĂ©invente et sâintĂšgre Ă une multitude dâusages culinaires.
La stratĂ©gie de Barilla repose sur une forte capacitĂ© dâinnovation. Lâentreprise propose aujourdâhui 18 recettes diffĂ©rentes de pesto, dont la derniĂšre en date, au pesto mozzarella di bufala campana AOP, vise un public gourmand en quĂȘte dâauthenticitĂ© et de diffĂ©renciation. Lâimplantation du site de production Ă Rubbiano, prĂšs de Parme, illustre cette ambition industrielle : inaugurĂ©e en 2012, lâusine a dĂ©jĂ doublĂ© ses capacitĂ©s en 2018 et produit aujourdâhui 30 000 tonnes de pesto par an.
Le secret de ce succĂšs rĂ©side aussi dans la gestion rigoureuse de la filiĂšre basilic. Les rĂ©coltes sont rĂ©alisĂ©es entre mai et septembre dans un rayon de 50 km autour de lâusine, garantissant fraĂźcheur et traçabilitĂ©. Barilla mise Ă©galement sur un marketing offensif, des dĂ©gustations et une prĂ©sence forte en grande distribution. Le pesto devient un marqueur de modernitĂ© alimentaire, sâinvitant Ă la table des foyers europĂ©ens, amĂ©ricains et asiatiques. LâAllemagne, la France, la Suisse et bientĂŽt le Japon comptent parmi les marchĂ©s prioritaires.
Barilla est aujourdâhui le seul acteur de dimension internationale Ă maĂźtriser lâensemble de la chaĂźne du pesto, et fait de ce produit un levier stratĂ©gique pour diversifier son portefeuille au-delĂ des pĂątes. En dix ans, le pĂŽle sauces du groupe a quadruplĂ© ses ventes et reprĂ©sente dĂ©sormais 10 % de son chiffre dâaffaires global, estimĂ© Ă prĂšs de 5 milliards dâeuros. Le pesto nâest plus seulement une sauce : câest un phĂ©nomĂšne gastronomique mondial.
Le Figaro, Couleur rose bonbon, hybride aux fruits, ersatz sans cacao... Quel sera le goût du chocolat de demain ?, 19/04/2025
Face Ă la flambĂ©e spectaculaire des prix du cacao (+170 % en 2024) et aux dĂ©fis structurels de la filiĂšre, le monde du chocolat est en pleine mutation. Lâarticle du Figaro explore cette rĂ©volution Ă travers trois dynamiques majeures : la montĂ©e du chocolat de spĂ©cialitĂ©, lâinnovation matiĂšre et gustative, et lâapparition dâersatz sans cacao.
DĂ©sormais, les chocolatiers sâĂ©loignent des assemblages standardisĂ©s au profit de crus uniques issus de terroirs identifiĂ©s, Ă lâimage du vin. La tendance « bean-to-bar » (de la fĂšve Ă la tablette) sâĂ©tend, portĂ©e par des artisans comme Nicolas Berger ou des maisons comme Plaq et HasnaĂą. MĂȘme les gĂ©ants comme Valrhona ou Cacao Barry sâadaptent : Valrhona accompagne les chefs avec son service Compoz pour crĂ©er des recettes exclusives Ă base de cacaos dâorigines variĂ©es et dâingrĂ©dients comme le sarrasin, le piment fumĂ© ou le lait fermentĂ©. Lâobjectif : singulariser lâoffre et affirmer un goĂ»t plus complexe, moins sucrĂ©, plus expressif.
Cette montĂ©e en gamme sâaccompagne de profondes inquiĂ©tudes : entre lâĂ©puisement des sols en CĂŽte dâIvoire et au Ghana, les maladies (comme lâĆdĂšme des pousses) et le changement climatique, la disponibilitĂ© du cacao devient instable. Cela pousse lâindustrie Ă explorer des alternatives. La start-up allemande Planet A Foods commercialise un substitut au chocolat sans cacao, le ChoViva, Ă base de graines de tournesol, aux arĂŽmes recréés par fermentation. La chocolaterie alsacienne Abtey propose dĂ©jĂ ses premiers produits avec ce matĂ©riau innovant, promettant jusquâĂ 80 % dâĂ©missions de COâ en moins.
La cabosse du cacaoyer elle-mĂȘme devient une source de valorisation. Le mucilage, substance blanche entourant les fĂšves, est exploitĂ© sous forme de concentrĂ© ou de poudre pour sucrer naturellement. Dâautres usages Ă©mergent, comme la rĂ©intĂ©gration de lâenveloppe des fĂšves dans les ganaches ou la crĂ©ation de meringues vĂ©gĂ©tales Ă partir de mucilage lyophilisĂ©, dans une logique de « zĂ©ro dĂ©chet ».
Enfin, certains artisans comme AurĂ©lien Rivoire inventent une chocolaterie nouvelle : rĂ©duction drastique du sucre (remplacĂ© par du xylitol), sauces en lieu et place des ganaches, pralinĂ©s Ă base de marc de sakĂ© ou ananas confit pour limiter le taux de chocolat tout en enrichissant lâexpĂ©rience. Plus quâun produit, le chocolat devient une matiĂšre gastronomique Ă repenser intĂ©gralement, dans une logique durable, crĂ©ative et raisonnĂ©e.
Food & Wine, Scientists Just Figured Out How Food Aversions Actually Form, 15/04/2025
Lâarticle explore les mĂ©canismes neurologiques qui rendent une expĂ©rience dâintoxication alimentaire si vivace et marquante dans notre mĂ©moire. Bien plus quâun simple inconfort passager, ce type de traumatisme alimentaire sâancre profondĂ©ment dans le cerveau, modifiant durablement notre rapport Ă certains aliments.
Le processus repose en grande partie sur ce que les chercheurs appellent le « conditionnement aversif au goĂ»t »(conditioned taste aversion). Contrairement Ă dâautres types dâapprentissage, il suffit dâune seule mauvaise expĂ©rience pour quâun aliment soit associĂ© Ă un fort sentiment de dĂ©goĂ»t â parfois pour la vie. Cette rĂ©action est une adaptation Ă©volutive trĂšs efficace : elle permet Ă lâorganisme dâĂ©viter de reconsommer des substances potentiellement toxiques. Le cerveau relie lâaliment Ă la sensation de malaise (nausĂ©es, vomissements), mĂȘme si lâintoxication est survenue plusieurs heures aprĂšs lâingestion, ce qui rend cette forme de mĂ©moire unique.
Les neurosciences montrent que des zones spĂ©cifiques du cerveau sont mobilisĂ©es dans ce processus, notamment lâamygdale (liĂ©e Ă la peur et aux Ă©motions) et lâhippocampe (impliquĂ© dans la mĂ©moire contextuelle). Une fois le lien Ă©tabli, ces rĂ©gions sâactivent automatiquement Ă chaque fois que lâon est confrontĂ© Ă lâaliment incriminĂ© â parfois mĂȘme Ă lâodeur ou Ă une simple image. DâoĂč les rĂ©actions physiques incontrĂŽlables, comme des hauts-le-cĆur ou un rejet immĂ©diat.
Mais cette mĂ©moire « dĂ©fensive » peut aussi poser problĂšme : il arrive que des aliments parfaitement sains soient Ă©vitĂ©s Ă tort, simplement parce quâils ont Ă©tĂ© associĂ©s, consciemment ou non, Ă un Ă©pisode de malaise. Les chercheurs notent que certaines intoxications sont attribuĂ©es Ă des aliments innocents, lâorganisme dĂ©signant un âcoupableâ par association temporelle plutĂŽt que par logique.
Lâarticle Ă©voque Ă©galement la difficultĂ© à « dĂ©sapprendre » cette aversion. Des thĂ©rapies dâexposition progressive peuvent parfois fonctionner, mais le mĂ©canisme est si profond quâil rĂ©siste souvent Ă la rationalisation. En revanche, il existe un phĂ©nomĂšne inverse, appelĂ© mĂ©moire hĂ©donique, qui pousse Ă rechercher activement des aliments associĂ©s Ă des sensations agrĂ©ables ou des souvenirs positifs.
New York Times, Where Will We Eat When the Middle-Class Restaurant Is Gone?, 04/04/2025
Lâarticle dresse un constat nostalgique et inquiet sur la disparition progressive des chaĂźnes de restauration assises accessibles Ă la classe moyenne amĂ©ricaine. Jadis symbole de convivialitĂ© et de stabilitĂ© familiale â Ă lâimage du rituel hebdomadaire dâun pĂšre et de ses enfants chez Pizza Hut â ces lieux, incarnĂ©s par des enseignes comme TGI Fridays, Red Lobster ou Applebeeâs, ferment les uns aprĂšs les autres, frappĂ©s par des faillites, une baisse de frĂ©quentation, et des changements profonds dâhabitudes alimentaires.
Le phĂ©nomĂšne sâinscrit dans un contexte plus large de dĂ©clin de la classe moyenne. Lâessor Ă©conomique qui avait permis Ă ces restaurants de prospĂ©rer dans les annĂ©es 1980 et 1990 a laissĂ© place Ă une concentration des richesses, Ă la prĂ©carisation des foyers, et Ă une transformation radicale des pratiques de consommation : livraisons Ă domicile, drive, restauration rapide ou encore fast-casual, comme Chipotle ou Shake Shack, qui sĂ©duisent les jeunes gĂ©nĂ©rations en quĂȘte dâauthenticitĂ©, de qualitĂ© et dâalignement avec leurs valeurs (produits durables, transparence, Ă©thique).
Les chaĂźnes traditionnelles sont perçues comme dĂ©passĂ©es, inauthentiques et dĂ©connectĂ©es des nouvelles aspirations culturelles. Pourtant, selon certaines Ă©tudes, elles restent lâun des derniers lieux de sociabilitĂ© interclasse aux Ătats-Unis. Des chercheurs ont montrĂ©, via des donnĂ©es de gĂ©olocalisation et dâinteractions sociales, que les restaurants comme Chiliâs ou Olive Garden Ă©taient parmi les rares endroits frĂ©quentĂ©s Ă la fois par des individus issus de diffĂ©rentes classes sociales. LĂ oĂč les bibliothĂšques, restaurants indĂ©pendants ou fast-foods tendent Ă servir des clientĂšles homogĂšnes, ces chaĂźnes jouaient un rĂŽle dâinfrastructure sociale neutre.
La montĂ©e en puissance des livraisons et des repas pris seuls â souvent dans une voiture â accentue lâisolement. Selon une enquĂȘte, ce que les AmĂ©ricains trouvent de plus « luxueux » dans un repas, ce nâest ni le caviar ni le steak de bĆuf, mais simplement⊠de dĂźner assis dans un restaurant.
La disparition de ces lieux renforce une forme dâatomisation de la sociĂ©tĂ©. Si les fast-casual offrent une meilleure qualitĂ© de produit, ils ne recrĂ©ent pas les conditions dâun repas partagĂ©, dâune rencontre spontanĂ©e. Le dĂ©clin de ces restaurants nâest donc pas quâune affaire Ă©conomique, il touche aussi Ă la qualitĂ© du lien social. Pour les auteurs, ce glissement culturel devrait alerter autant les urbanistes que les sociologues et les politiques.
New York Times, A Scientist Is Paid to Study Maple Syrup. Heâs Also Paid to Promote It., 15/04/2025
Lâarticle enquĂȘte sur les liens ambigus entre recherche scientifique et stratĂ©gie marketing dans lâindustrie du sirop dâĂ©rable. Au cĆur du dossier : le chercheur Navindra Seeram, biochimiste renommĂ©, auteur de nombreuses Ă©tudes vantant les vertus du sirop dâĂ©rable, mais aussi consultant rĂ©gulier pour le compte de lâindustrie acĂ©ricole, notamment le puissant syndicat des producteurs de sirop du QuĂ©bec.
Depuis plus dâune dĂ©cennie, Seeram a publiĂ© plus de trente articles scientifiques mettant en avant les bienfaits potentiels du sirop dâĂ©rable â antioxydant, anti-inflammatoire, voire prĂ©ventif contre certaines maladies chroniques (diabĂšte, Alzheimer, cancers). Ces rĂ©sultats sont cependant nuancĂ©s : les Ă©tudes sâappuient sur des extraits concentrĂ©s en polyphĂ©nols, testĂ©s en laboratoire, mais non Ă©quivalents Ă la consommation rĂ©elle de sirop par le public. MalgrĂ© cela, Seeram a souvent extrapolĂ© ses dĂ©couvertes dans les mĂ©dias ou lors de confĂ©rences de presse, affirmant que « ce sucre est bon pour la santĂ© », au bĂ©nĂ©fice des campagnes promotionnelles du secteur.
Son double rĂŽle â scientifique et porte-parole de lâindustrie â soulĂšve des critiques. Des chercheurs de Stanford et dâautres institutions dĂ©noncent une communication qui enjolive les rĂ©sultats au point de devenir trompeuse. Si Seeram nâa jamais affirmĂ© explicitement que le sirop guĂ©rissait des maladies, son langage flou et les messages diffusĂ©s sur les rĂ©seaux sociaux, comme « anti-cancer » ou « super aliment », alimentent une confusion sur la rĂ©alitĂ© des bĂ©nĂ©fices.
Le financement de ses recherches â plus de 2,8 millions de dollars fournis par le gouvernement canadien et les producteurs dâĂ©rable â interroge Ă©galement sur lâindĂ©pendance de ses travaux. Des mails internes rĂ©vĂšlent sa volontĂ© assumĂ©e de soutenir activement les intĂ©rĂȘts de lâindustrie quĂ©bĂ©coise. En parallĂšle, il a perçu au moins 37 000 dollars en 2023 pour des « activitĂ©s de relations publiques », sans transparence suffisante sur la sĂ©paration entre science et communication.
Lâarticle met ainsi en lumiĂšre les dĂ©rives dâun systĂšme de recherche de plus en plus dĂ©pendant de financements privĂ©s, oĂč les lignes entre rigueur scientifique et marketing sâestompent. Le cas du sirop dâĂ©rable devient emblĂ©matique dâun phĂ©nomĂšne plus large : la difficultĂ© de maintenir une information nutritionnelle rigoureuse dans un contexte oĂč les intĂ©rĂȘts Ă©conomiques pĂšsent de plus en plus lourd sur la production et la diffusion des savoirs.
Wall Street Journal, How Josh Became a Wine Megabrandâand Which Brand Might Be Next, 10/04/2025
Lâarticle revient sur lâascension fulgurante de Josh Cellars, aujourdâhui lâune des marques de vin les plus connues et les plus vendues aux Ătats-Unis, avec plus de 7,5 millions de caisses produites par an. Créée en 2005 par Joseph Carr, un ancien cadre du monde du vin, la marque a Ă©tĂ© baptisĂ©e du surnom de son pĂšre, un modeste ouvrier amateur de biĂšre plutĂŽt que de grands crus. Ce nom accessible et affectif, combinĂ© Ă un positionnement « vin pour tous » et Ă une histoire personnelle forte, a permis Ă Josh de sâancrer durablement dans la culture populaire.
LancĂ© avec 15 000 $ de stock et un 401(k) (NDLR : un plan de retraite par capitalisation proposĂ© par les employeurs aux Ătats-Unis), Joseph Carr a Ă©coulĂ© les premiĂšres bouteilles de Josh Cabernet Sauvignon tout seul en sillonnant la cĂŽte Est dans son vieux 4x4 et en signant chaque bouteille. En 2011, la famille Deutsch, vĂ©tĂ©ran du marketing du vin (notamment avec Georges Duboeuf et Yellow Tail), repĂšre le potentiel de la marque et prend une participation. LâannĂ©e suivante, elle rachĂšte lâintĂ©gralitĂ© des parts tout en conservant Carr comme visage public du projet. GrĂące Ă une stratĂ©gie marketing Ă grande Ă©chelle et Ă une refonte de la vinification, la production dĂ©passe le million de caisses en 2016.
Josh sâest depuis Ă©tendu Ă 23 cuvĂ©es, incluant Sauvignon Blanc, Prosecco ou encore Seaswept, un blanc estival promu par des influenceurs au style de vie cĂŽtier. Le marketing, dĂ©sormais dotĂ© dâun budget Ă huit chiffres, alterne entre authenticitĂ© rustique (Joe en chemise Ă carreaux) et sophistication assumĂ©e (Joe en costume Brioni).
Le succĂšs de Josh repose sur une Ă©quation difficilement reproductible : nom simple, rĂ©cit Ă©motionnel, rapport qualitĂ©-prix solide, et timing parfait. Pour les Deutsch, aucune autre marque nâa encore rĂ©ussi Ă rĂ©pliquer cette formule. Mais les professionnels du secteur y voient un modĂšle de croissance rare, capable de sâimposer dans plusieurs rayons (rouge, blanc, effervescent) et de parler Ă plusieurs gĂ©nĂ©rations.
Pour espĂ©rer crĂ©er « le prochain Josh », il faudra rĂ©unir un fondateur charismatique, une histoire personnelle sincĂšre, une gamme cohĂ©rente et grand public, et une grande puissance de frappe marketing. En somme, un Ă©quilibre entre proximitĂ© et aspirationnel â avec, peut-ĂȘtre, un peu de magie en supplĂ©ment.
New York Times, Meat Is Back, on Plates and in Politics, 18/04/2025
AprĂšs une pĂ©riode de dĂ©clin face Ă lâessor du vĂ©gĂ©tarisme et des produits Ă base de plantes, la viande opĂšre un spectaculaire retour dans les assiettes amĂ©ricaines et dans lâimaginaire collectif. Lâarticle retrace cette rĂ©surgence, Ă la fois alimentaire, culturelle et politique. En 2024, les ventes de viande ont atteint un record historique de 104,6 milliards de dollars, et la consommation individuelle a bondi de 7 % par rapport Ă la pĂ©riode prĂ©-Covid. Seuls 22 % des AmĂ©ricains affirment vouloir rĂ©duire leur consommation, le niveau le plus bas en cinq ans.
Ce retour sâinscrit dans un contexte politique polarisĂ©. Ă droite, des figures conservatrices promeuvent la viande comme symbole de rĂ©sistance Ă une alimentation perçue comme Ă©litiste et âwokeâ. Le mouvement âMake America Healthy Againâ Ă©rige le suif de bĆuf en alternative aux huiles vĂ©gĂ©tales, cĂ©lĂ©brĂ© par Robert F. Kennedy Jr. et des figures mĂ©diatiques comme Joe Rogan. Ă gauche, dâautres prĂŽnent une viande locale, traçable, produite de maniĂšre durable. Le rĂ©sultat : une union improbable autour de la viande, traversant les clivages idĂ©ologiques.
Le regain dâintĂ©rĂȘt pour les protĂ©ines animales sâexplique aussi par des motivations nutritionnelles. Avec la montĂ©e des mĂ©dicaments amaigrissants comme lâOzempic, les AmĂ©ricains cherchent Ă prĂ©server leur masse musculaire, et la viande est perçue comme une solution pratique et naturelle. Les jeunes gĂ©nĂ©rations ne sont pas en reste : les Millennials dĂ©couvrent le canard en version barbecue ou carnitas, la GĂ©nĂ©ration Z plĂ©biscite le poulet, notamment dans des formats pratiques et Ă©thiques. Le rĂ©gime carnivore, qui exclut lĂ©gumes et cĂ©rĂ©ales, sĂ©duit une frange radicale, incarnĂ©e par des influenceurs ou des couples comme les Watson, qui ont mĂȘme conçu un gĂąteau de mariage en viande hachĂ©e et suif fouettĂ©.
De leur cĂŽtĂ©, les restaurants sâadaptent. Sweetgreen, temple de la salade, ajoute du steak Ă sa carte. Texas Roadhouse devance Olive Garden, et Fogo de ChĂŁo multiplie les ouvertures, attirant une clientĂšle flexitarienne en quĂȘte dâexpĂ©riences protĂ©inĂ©es. MĂȘme les chefs rĂ©putĂ©s pour leur cuisine vĂ©gĂ©tale, comme Victoria Blamey ou Daniel Humm, rĂ©intĂšgrent subtilement la viande Ă leurs menus. Ce retour de la viande illustre une remise en question plus large du systĂšme alimentaire amĂ©ricain. Pour Nicolette Hahn Niman, autrice de Defending Beef, ce nâest pas un simple effet de mode, mais une rĂ©ponse Ă des dĂ©cennies de discours culpabilisants et de transformation industrielle. La viande redevient une revendication identitaire, nutritionnelle et parfois politique.
Wall Street Journal, Americans Are Obsessed With Protein and Itâs Driving Nutrition Experts Nuts, 18/04/2025
Lâarticle analyse la vĂ©ritable frĂ©nĂ©sie des consommateurs amĂ©ricains autour des produits enrichis en protĂ©ines, qui dĂ©borde largement le cadre des rĂ©gimes sportifs pour toucher le grand public. Des Ćufs au petit-dĂ©jeuner aux smoothies protĂ©inĂ©s, des glaces aux chips Ă base de blanc dâĆuf et de bouillon dâos, le marchĂ© explose : en 2024, 97 nouveaux produits ont Ă©tĂ© lancĂ©s avec le mot âproteinâ dans leur nom, soit plus du double de lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente.
Cette « protĂ©inomanie » se retrouve dans des produits parfois improbables : bonbons enrichis, sodas protĂ©inĂ©s, eaux aux fruits avec 20 g de protĂ©ines, voire du colostrum bovin (le premier lait dâune vache aprĂšs vĂȘlage) utilisĂ© dans une nouvelle poudre star lancĂ©e par Ballerina Farm, une ferme devenue virale sur les rĂ©seaux sociaux. RĂ©sultat ? La protĂ©ine est dĂ©sormais un argument de vente plus porteur que le goĂ»t ou la naturalitĂ©.
Cette obsession est renforcĂ©e par la popularitĂ© de mĂ©dicaments comme lâOzempic, utilisĂ©s pour la perte de poids, qui incitent Ă augmenter les apports protĂ©iques afin de prĂ©server la masse musculaire. TikTok, Instagram et les algorithmes font le reste : recettes hyperprotĂ©inĂ©es, rĂ©gimes carnivores, mĂ©langes douteux comme le « protein Diet Coke », tout devient viral, jusquâĂ la sĂ©rie The White Lotus, oĂč un personnage devient accro aux shakes protĂ©inĂ©s.
Mais cette vague irrite de nombreux professionnels de santĂ©. Constance Contursi, coach sportif, dĂ©nonce des « junk foods » vendus comme sains simplement parce quâils contiennent des protĂ©ines ajoutĂ©es. Des experts comme Bettina Mittendorfer, professeure de nutrition Ă lâUniversitĂ© du Missouri, rappellent que la population amĂ©ricaine consomme dĂ©jĂ suffisamment de protĂ©ines â souvent plus que les recommandations â et que lâexcĂšs peut augmenter les risques cardiovasculaires.
Elle dĂ©plore le marketing Ă outrance : « Ce dont les AmĂ©ricains manquent vraiment, câest de fibres », dit-elle, ajoutant que vendre du son dâavoine est beaucoup moins sexy que des barres au goĂ»t de marshmallow ou des chips « chicken & waffles ». En rĂ©sumĂ©, le culte de la protĂ©ine est devenu un marchĂ© Ă part entiĂšre, souvent au dĂ©triment de lâĂ©quilibre nutritionnel rĂ©el. DerriĂšre cette tendance, le mirage dâun aliment âmiracleâ masque une industrie habile Ă dĂ©tourner les codes de la santĂ© pour sĂ©duire les consommateurs, quitte Ă brouiller les repĂšres essentiels en matiĂšre dâalimentation.
The Guardian, TikTok trend for âDubai chocolateâ causes international shortage of pistachios, 19/04/2025
Lâarticle revient sur un phĂ©nomĂšne viral inattendu : la montĂ©e en popularitĂ© fulgurante dâune barre chocolatĂ©e haut de gamme surnommĂ©e âDubai chocolateâ, qui a dĂ©clenchĂ© une pĂ©nurie internationale de pistaches. Ce produit, initialement commercialisĂ© exclusivement aux Ămirats arabes unis par la maison Fix, associe chocolat au lait, pĂąte croustillante et une crĂšme onctueuse Ă la pistache.
Tout commence fin 2023 sur TikTok, oĂč une vidĂ©o louant le goĂ»t exceptionnel de la barre devient virale : plus de 120 millions de vues cumulĂ©es. En quelques mois, la tendance explose et provoque un effet boule de neige inattendu. Lâindustrie du chocolat sâemballe : des marques de luxe comme LĂ€derach, Lindt ou Prestat lancent Ă leur tour des crĂ©ations Ă la pistache pour surfer sur la vague. Mais lâoffre peine Ă suivre une demande dĂ©sormais mondiale.
Ce raz-de-marĂ©e a des consĂ©quences directes sur lâapprovisionnement en pistaches, principalement cultivĂ©es aux Ătats-Unis et en Iran. DĂ©jĂ affectĂ©e par une mauvaise rĂ©colte aux Ătats-Unis en 2024, la filiĂšre subit une flambĂ©e des prix : le kilo de pistaches dĂ©cortiquĂ©es est passĂ© de 7,65 Ă 10,30 dollars, selon le courtier Giles Hacking. La rĂ©colte amĂ©ricaine, bien que de qualitĂ©, a Ă©tĂ© orientĂ©e vers les pistaches entiĂšres (avec coquilles), rĂ©duisant les disponibilitĂ©s de grains dĂ©cortiquĂ©s, essentiels Ă la fabrication des crĂšmes.
LâIran, de son cĂŽtĂ©, a intensifiĂ© ses exportations vers les Ămirats (+40 % sur six mois), accentuant les tensions sur le marchĂ©. RĂ©sultat : les fabricants de chocolat sont Ă court de matiĂšre premiĂšre, et certaines boutiques vont jusquâĂ rationner les barres en raison des ruptures dâapprovisionnement.
Ce phĂ©nomĂšne montre la puissance de TikTok dans la transformation des prĂ©fĂ©rences de consommation Ă lâĂ©chelle mondiale. Un produit local, exclusif et ultra-ciblĂ© peut devenir en quelques semaines une icĂŽne mondiale de la gourmandise, entraĂźnant des consĂ©quences Ă©conomiques majeures sur des filiĂšres agricoles entiĂšres. DerriĂšre cette anecdote sucrĂ©e, une rĂ©alitĂ© sâimpose : les rĂ©seaux sociaux ne modĂšlent plus seulement les tendances culinaires, ils modifient aussi la logistique mondiale⊠et le prix des fruits secs.
Câest tout pour aujourdâhui.
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A dans 2 semaines!
O. Frey
Brilliant read. Thanks for all the time and effort you out into this digest