đŸđđ Eat's business đđ·đ§ 2025-13
Bonjour Ă toutes et Ă tous, Eat's Business est une newsletter dans laquelle vous trouverez une revue de presse de quelques articles sur le monde de lâalimentaire qui mâont semblĂ© intĂ©ressants dans la semaine prĂ©cĂ©dente.
Pour ceux qui veulent la formule ristretto, les 3 articles que je vous conseille de lire en priorité cette semaine sont :
Libération, Resto Reza, Reserve Go⊠Restaurateurs et clients alertent sur des sites de réservation en ligne douteux, 09/04/2025
Les Ăchos, Il est frais votre poisson maturĂ© ?, 05/04/2025
New York Times, Is the Restaurant Good? Or Does It Just Look Good?, 09/04/2025
Bonne lecture et bonne semaine Ă toutes et Ă tous!
Pour celles et ceux dâentre vous qui ont plus de temps pour la formule lungo :
StĂ©phane Brunerie, fondateur de Stripfood et expert reconnu de lâalimentaire et lâalimentation, nous a quittĂ© il y a quelques jours. Jâai une pensĂ©e pour lui et pour ses proches avant de dĂ©buter la revue de presse de cette semaine. Il manquera par son dynamisme, sa bonne humeur et la pertinence de ses analyses.
Libération, Resto Reza, Reserve Go⊠Restaurateurs et clients alertent sur des sites de réservation en ligne douteux, 09/04/2025
Depuis plusieurs mois, restaurateurs et consommateurs en France dĂ©noncent les pratiques douteuses de plateformes de rĂ©servation en ligne comme Resto Reza, Reserve Go ou Book Ici. PrĂ©sentĂ©es comme des conciergeries numĂ©riques, ces plateformes prĂ©lĂšvent des abonnements mensuels, souvent Ă lâinsu des utilisateurs qui pensent simplement rĂ©server une table dans un restaurant. Ă travers des publicitĂ©s sponsorisĂ©es bien rĂ©fĂ©rencĂ©es sur Google, ces sites attirent des clients qui entrent leurs coordonnĂ©es bancaires pour un âfauxâ dĂ©pĂŽt de garantie, dĂ©bouchant en rĂ©alitĂ© sur un abonnement mensuel de 50 euros.
Les restaurateurs sont les premiĂšres victimes collatĂ©rales de ces pratiques, recevant rĂ©guliĂšrement des clients persuadĂ©s dâavoir une rĂ©servation⊠qui nâexiste pas. LâincomprĂ©hension entraĂźne parfois des tensions, voire des pertes de clientĂšle. Ces services, qui prĂ©tendent gĂ©rer divers types de rĂ©servations (restaurants, taxis, coiffeurs, etc.), ne sont en rĂ©alitĂ© liĂ©s Ă aucun des Ă©tablissements rĂ©pertoriĂ©s sur leur plateforme. Plusieurs responsables de restaurants rapportent que leurs Ă©tablissements y figurent sans aucun accord prĂ©alable.
Des actions en justice ont Ă©tĂ© engagĂ©es. Lâavocate Marie-HĂ©lĂšne Fabiani a obtenu le dĂ©rĂ©fĂ©rencement de restaurants haut de gamme et a alertĂ© la DGCCRF, qui recense dĂ©jĂ prĂšs de 200 signalements via Signal Conso. Cependant, la lĂ©gislation actuelle protĂšge mal les consommateurs qui ne lisent pas les conditions dâabonnement. Certains experts juridiques estiment que les sites restent dans la lĂ©galitĂ© tant quâils prĂ©cisent lâexistence de lâabonnement, mĂȘme si cette information est peu visible.
La DGCCRF recommande aux victimes de faire opposition auprĂšs de leur banque et de conserver les preuves pour signalement. Les restaurateurs, quant Ă eux, sont invitĂ©s Ă sensibiliser leur clientĂšle Ă lâimportance de rĂ©server en direct.
Les Ăchos, Solinest, le petit français qui veut damer le pion Ă Coca et Pepsi sur les boissons prĂ©biotiques, 09/04/2025
Lâentreprise alsacienne Solinest, connue pour sa distribution de marques alimentaires comme Pringles ou Ricola, se lance dans une offensive ambitieuse sur le segment des boissons prĂ©biotiques. Avec Yass, sa nouvelle boisson aux fibres issues de la racine de chicorĂ©e et du vinaigre de cidre, Solinest veut prendre de vitesse Coca-Cola et PepsiCo sur le marchĂ© europĂ©en, alors que celui-ci explose dĂ©jĂ aux Ătats-Unis.
DĂ©jĂ leader en France sur le marchĂ© du kombucha, Solinest capitalise sur cette expertise pour sâimposer sur une niche encore peu dĂ©veloppĂ©e en Europe. Yass se positionne comme une alternative naturelle et saine aux sodas classiques : sans Ă©dulcorants ni additifs, et avec un taux de sucre rĂ©duit de 60 % par rapport aux sodas classiques. Les recettes aux goĂ»ts populaires (cola-cerise, citron vert, fruits rougesâŠ) visent principalement les jeunes consommateurs, particuliĂšrement sensibles aux produits bons pour la santĂ© intestinale.
Aux Ătats-Unis, des marques comme Olipop ou Poppi ont dĂ©jĂ rencontrĂ© un succĂšs fulgurant, attirant des milliards de dollars dâinvestissements et suscitant lâintĂ©rĂȘt des gĂ©ants du soda. PepsiCo a rĂ©cemment rachetĂ© Poppi pour 1,95 milliard de dollars. Coca-Cola sâessaie Ă©galement au prĂ©biotique avec la gamme Simply Pop. Aucune de ces marques nâest encore prĂ©sente en Europe, ce qui ouvre un boulevard Ă Solinest pour y prendre une position dominante.
DistribuĂ©e en avant-premiĂšre chez Carrefour, Yass sera progressivement Ă©tendue au reste de la grande distribution et Ă la restauration hors domicile dĂšs le second semestre 2025. FabriquĂ©e en Allemagne et en Belgique, la boisson vise plusieurs dizaines de millions dâeuros de chiffre dâaffaires, avec un potentiel Ă©valuĂ© Ă 200 millions dâeuros pour lâensemble du marchĂ© europĂ©en.
Cette diversification sâinscrit dans une stratĂ©gie plus large de Solinest, qui cherche Ă dĂ©velopper ses marques proprespour anticiper les nouvelles attentes des consommateurs : santĂ©, naturalitĂ©, efficacitĂ© digestive. Forte dâun chiffre dâaffaires de 380 millions dâeuros, lâentreprise espĂšre ainsi bousculer les codes du marchĂ© des soft drinks, jusque-lĂ dominĂ© par les mastodontes amĂ©ricains.
Les Ăchos, Spiritueux : Diageo vient dĂ©fier Pernod Ricard sur ses terres, 08/04/2025
Le gĂ©ant britannique des spiritueux, Diageo, entend renforcer sa position sur le marchĂ© français, historiquement dominĂ© par Pernod Ricard. Actuellement dĂ©tenteur de 8,2 % de parts de marchĂ©, Diageo ambitionne dâatteindre les 12 % dâici Ă 2030. Pour cela, le groupe a mis en place une stratĂ©gie offensive, en internalisant depuis janvier 2025 la gestion de ses 43 marques (dont Johnnie Walker, Cardhu, TaliskerâŠ) via une nouvelle filiale française de 90 salariĂ©s.
Lâaccent est mis sur le whisky, boisson pour laquelle la France est le deuxiĂšme marchĂ© mondial en volume, mais dont le potentiel reste jugĂ© « sous-exploitĂ© » par Diageo. Le groupe mise aussi sur la tequila (Don Julio, Casamigos), les rhums, les liqueurs, ainsi que le sans-alcool, un segment en pleine expansion auprĂšs des jeunes gĂ©nĂ©rations. Une nouvelle rĂ©fĂ©rence, Captain Morgan 0.0 %, a rĂ©cemment Ă©tĂ© lancĂ©e, suivant le succĂšs du Tanqueray 0.0 %.
Cette rĂ©organisation vise Ă corriger les faiblesses constatĂ©es dans lâancienne stratĂ©gie de distribution, notamment via MoĂ«t Hennessy, qui nĂ©gligeait certains circuits comme les cavistes et la restauration hors domicile. Pour y remĂ©dier, Diageo sâappuie dĂ©sormais sur des partenaires logistiques spĂ©cialisĂ©s (Maisons du Whisky, Dugas, France Boissons) afin de mieux couvrir les hĂŽtels, bars, cavistes et GMS.
La stratĂ©gie repose aussi sur le phĂ©nomĂšne de premiumisation : les consommateurs achĂštent moins en quantitĂ©, mais choisissent des produits plus chers, Ă condition quâils soient bien expliquĂ©s et mis en valeur. Diageo entend donc mieux accompagner ses produits sur le terrain avec une Ă©quipe dĂ©diĂ©e de 42 personnes chargĂ©e de promouvoir ses marques.
Pour Patrick Gantier, directeur Europe du Sud, la France constitue un marchĂ© stratĂ©gique et singulier, notamment grĂące Ă la culture de lâapĂ©ritif, toujours vivace. Diageo entend sây imposer en misant sur lâinnovation, la qualitĂ©, une prĂ©sence accrue dans les points de vente spĂ©cialisĂ©s, et une lecture fine des nouvelles tendances de consommation, sans nĂ©gliger les enjeux logistiques et marketing.
Les Ăchos, Elever des vaches plus petites, plus vite : le pari iconoclaste de Charal, 08/04/2025
Dans un secteur bovin français traditionnellement attachĂ© Ă ses races pures, Charal, filiale du groupe Bigard, bouscule les codes en encourageant lâĂ©levage de bovins croisĂ©s issus de vaches laitiĂšres et de taureaux de races Angus ou Hereford. Lâobjectif : produire des animaux plus petits, plus rapides Ă Ă©lever, mieux valorisables en boucherie, tout en rĂ©pondant Ă une demande croissante pour des portions rĂ©duites et des pratiques agricoles plus durables.
Ce projet sâinscrit dans une dĂ©marche lancĂ©e dĂšs les annĂ©es 2000, face Ă un paradoxe : alors que les consommateurs demandent des portions plus modestes, les bovins issus des races Ă viande sont devenus toujours plus imposants, compliquant les conditions de travail des Ă©leveurs. Avec lâappui de lâINRAE, Charal propose aux Ă©leveurs de croiser leurs vaches laitiĂšres avec des races Ă viande adaptĂ©es Ă lâherbe, rĂ©duisant les coĂ»ts dâĂ©levage, les besoins en aliments concentrĂ©s, et le temps nĂ©cessaire avant abattage.
Ce systĂšme repose sur un contrat appelĂ© lâHerboâPacte, qui garantit Ă lâĂ©leveur un prix dâachat supĂ©rieur (environ +25 %) et une sĂ©curitĂ© dĂšs lâinsĂ©mination de la vache, soit trois ans avant la vente. En 2024, 651 Ă©leveurs avaient rejoint le programme, pour un total de 4 031 bovins concernĂ©s. Bien que ce chiffre reste modeste par rapport aux quelque 30 000 Ă©leveurs partenaires de Charal, il reprĂ©sente une dynamique prometteuse.
Au-delĂ des intĂ©rĂȘts Ă©conomiques, ce modĂšle vise Ă©galement une valeur environnementale. Les prairies françaises, couvrant environ 45 % de la surface agricole, jouent un rĂŽle crucial dans le stockage de carbone et la biodiversitĂ©. Sans ruminants pour les entretenir, leur avenir est compromis. Les races Angus ou Hereford, valorisant bien lâherbe, permettent de prĂ©server ce patrimoine tout en sâaffranchissant des systĂšmes intensifs.
LâexpĂ©rience menĂ©e par lâunitĂ© expĂ©rimentale du Haras du Pin avec lâINRAE dĂ©montre la viabilitĂ© technique et agronomique du croisement entre vaches PrimâHolstein, Normandes ou Jersiaises avec des taureaux Angus. Charal espĂšre dĂ©sormais Ă©largir son rĂ©seau dâĂ©leveurs pour structurer une filiĂšre alternative Ă la viande bovine conventionnelle, plus en phase avec les enjeux contemporains de consommation, dâĂ©thique animale et dâĂ©cologie.
Les Ăchos, Fromages de chĂšvre : la stratĂ©gie du leader français Soignon pour garder son avance, 04/04/2025
La France, premier producteur mondial de fromages de chĂšvre, est confrontĂ©e Ă une crise silencieuse mais prĂ©occupante : la baisse continue de la production de lait caprin, qui menace lâapprovisionnement des fromageries industrielles et artisanales. En 2024, la collecte a reculĂ© de 3,2 %, atteignant 500 millions de litres, et lâannĂ©e 2025 dĂ©marre encore plus mal avec une chute de 6 % en janvier. Les causes sont multiples, combinant des facteurs Ă©conomiques, sociaux, climatiques et structurels.
Le principal problĂšme rĂ©side dans la rĂ©duction du cheptel caprin, qui a perdu environ 100 000 tĂȘtes depuis 2020, pour ne plus compter que 1,25 million de chĂšvres et chevrettes. Cette dĂ©croissance sâexplique par une vague massive de dĂ©parts Ă la retraite des Ă©leveurs, peu remplacĂ©s en raison de lâaugmentation des coĂ»ts dâinstallation (+35 % en trois ans), notamment pour les bĂątiments agricoles. Aujourdâhui, il faut compter environ 2 500 euros dâinvestissement par chĂšvre, contre moins de 2 000 avant la pandĂ©mie.
La filiÚre est divisée entre deux modÚles : la production fermiÚre, qui représente 50 % des exploitations mais seulement 25 % du volume de lait, et les élevages livrant aux industriels, qui pÚsent 75 % de la collecte. Or, ce sont ces derniers, plus gros, qui disparaissent le plus rapidement, fragilisant des marques comme Soignon, Chavroux ou Rians. Le manque de visibilité, le surmenage des nouveaux éleveurs, souvent néo-ruraux, et les difficultés à rentabiliser les circuits courts freinent les vocations durables.
Par ailleurs, les alĂ©as climatiques (mauvaises rĂ©coltes de fourrage, manque de luminositĂ©) et sanitaires (comme la FCO3, une fiĂšvre virale touchant le Benelux) aggravent encore la situation. RĂ©sultat : les entreprises doivent se tourner vers lâimportation de lait, en hausse de 38 % dĂ©but 2025, malgrĂ© la pĂ©nurie Ă©galement ressentie en Espagne, leur principal fournisseur.
Ă moyen terme, si la tendance se poursuit, la filiĂšre pourrait devoir faire des arbitrages douloureux en termes dâapprovisionnement : seuls les clients capables de payer plus cher (grandes surfaces, marques premium, restauration) seront servis en prioritĂ©. Bien que les stocks de caillĂ© permettent de tenir jusquâĂ la fin de lâannĂ©e 2025, les tensions pourraient exploser en 2026, mettant en pĂ©ril la diversitĂ© et la disponibilitĂ© des fromages de chĂšvre dans les rayons français.
Le Monde, Gastronomie : la dure vie du durian (en Occident), 08/04/2025
En Asie du Sud-Est, le durian est vĂ©nĂ©rĂ© comme le « roi des fruits ». Sa chair sucrĂ©e et complexe, Ă©voquant Ă la fois lâamande et lâoignon doux, sĂ©duit les palais locaux. Pourtant, en Occident, ce fruit Ă lâodeur jugĂ©e nausĂ©abonde dĂ©clenche gĂȘne, moqueries, voire rejet. Son introduction sur les marchĂ©s français, notamment dans des pĂątisseries parisiennes, soulĂšve des interrogations sur la perception du goĂ»t et sur les frontiĂšres culturelles du plaisir gastronomique.
A Paris, plusieurs artisans, comme Christine Fu, cheffe pĂątissiĂšre dâorigine chinoise, revisitent ce fruit atypique dans des desserts raffinĂ©s : verrines Ă la vanille, choux Ă la crĂšme ou encore panna cottas. Sa pĂątisserie du 13á” arrondissement dĂ©fie les clichĂ©s, en intĂ©grant des ingrĂ©dients peu familiers comme le pandan ou le kimchi, et en proposant une version accessible du durian, grĂące Ă des textures crĂ©meuses et sucrĂ©es qui attĂ©nuent sa puissance aromatique.
Le dĂ©goĂ»t suscitĂ© par le durian est souvent culturel. Son parfum, comparĂ© Ă celui dâun fromage trop fait, dâune poubelle en plein soleil ou de chaussettes sales, est dĂ» Ă une forte teneur en Ă©thanethiol, molĂ©cule soufrĂ©e identifiĂ©e en 2016 par des chercheurs. Cette odeur est si envahissante que le fruit est interdit dans de nombreux lieux publics asiatiques (hĂŽtels, taxis, musĂ©es). Sur les rĂ©seaux sociaux, un « durian challenge » sâest mĂȘme rĂ©pandu, incitant les curieux Ă surmonter leur dĂ©goĂ»t.
MalgrĂ© tout, des consommateurs occidentaux commencent Ă franchir le pas, attirĂ©s par lâexotisme, la curiositĂ© sensorielle ou lâinfluence des cuisines asiatiques. Des boutiques comme La PĂątisserie de Choisy, tenue par la famille Mac, perpĂ©tuent une tradition venue du Cambodge, en adaptant le durian aux goĂ»ts des clients, notamment via des formats individuels et des associations avec des produits laitiers.
Le prix Ă©levĂ© du fruit en France â jusquâĂ 100 euros piĂšce â et les contraintes logistiques (transport, conservation, odeur) freinent encore sa dĂ©mocratisation. Mais lâintĂ©rĂȘt grandissant pour les expĂ©riences gustatives fortes, tout comme le succĂšs de produits fermentĂ©s ou ultra-pimentĂ©s, suggĂšre que le durian pourrait bien gagner du terrain dans la gastronomie occidentale. En fin de compte, ce fruit controversĂ© oblige Ă reconsidĂ©rer nos normes du bon goĂ»t, souvent façonnĂ©es par des habitudes locales plus que par des critĂšres universels.
Les Ăchos, Il est frais votre poisson maturĂ© ?, 05/04/2025
Une petite rĂ©volution agite les cuisines des restaurants gastronomiques : le poisson maturĂ©. Longtemps symbole absolu de fraĂźcheur, le poisson est dĂ©sormais parfois affinĂ© pendant plusieurs jours voire semaines, pour dĂ©velopper des saveurs nouvelles, Ă lâinstar de la viande ou du fromage. Cette tendance culinaire, inspirĂ©e des pratiques japonaises ancestrales, remet en cause les dogmes de la gastronomie occidentale.
Le chef Mauro Colagreco, triplement Ă©toilĂ© au Mirazur, fut lâun des pionniers en Europe. Dans son restaurant âCetoâ, aujourdâhui fermĂ©, il a affinĂ© des poissons jusquâĂ 45 jours, obtenant une texture fondante et une concentration de goĂ»t remarquable. Selon lui, le poisson trop frais est chargĂ© dâeau, tandis que lâaffinage restitue lâhumiditĂ© naturelle et permet dâatteindre un Ă©quilibre gustatif inĂ©dit.
Dâautres chefs rĂ©putĂ©s adoptent cette approche : David Le Quellec chez Vive ou Katsutoshi Tomizawa au restaurant LâAbysse (groupe Yannick AllĂ©no) transforment soles, sĂ©rioles ou thons en produits dâexception aux textures travaillĂ©es, entre fermentation douce, fumage et affinage sec. Les techniques sont prĂ©cises : Ă©vacuation de lâhumiditĂ©, contrĂŽle de la tempĂ©rature et de lâhygromĂ©trie, parfois avec du sel de lâHimalaya pour stabiliser lâenvironnement.
Dans le mĂȘme esprit, le couple Marie-Victoire et Arthur Viot a lancĂ© une poissonnerie Ă Paris fondĂ©e sur lâaffinage sans glace, rĂ©duisant les odeurs, la pĂ©nibilitĂ© du mĂ©tier et sublimant la texture du poisson. Le succĂšs est au rendez-vous : 800 000 euros de chiffre dâaffaires en 2024, une activitĂ© de conseil en vitrines de maturation et bientĂŽt lâouverture dâun restaurant.
Mais cette innovation divise. Des chefs comme Christopher Coutanceau ou Jacques Maximin rappellent que tous les poissons ne se prĂȘtent pas Ă lâaffinage. Si certains gagnent en complexitĂ© (maquereau, bar), dâautres, comme le turbot ou les fruits de mer, perdent leur saveur originelle iodĂ©e. Pour ces professionnels, il ne faut pas cĂ©der Ă la mode au dĂ©triment du goĂ»t naturel.
Au fond, le poisson maturĂ© incarne une Ă©volution de la gastronomie, oĂč lâon redĂ©couvre le potentiel de la lenteur et des processus naturels, en Ă©cho Ă un monde en quĂȘte de sens et de durabilitĂ©. Mais comme pour toute innovation culinaire, il reste Ă dĂ©finir sâil sâagit dâune rĂ©volution durable ou dâune simple tendance passagĂšre.
Courrier International, Lâavocat, thermomĂštre de lâĂ©tat du monde, 07/04/2025
Devenu lâun des fruits les plus prisĂ©s au monde, lâavocat incarne Ă lui seul de nombreuses dynamiques sociales, Ă©conomiques et Ă©cologiques du XXIe siĂšcle. Ă travers un article de El PaĂs Semanal, le Courrier International expose comment ce fruit symbolise Ă la fois les nouveaux comportements alimentaires, les enjeux climatiques, les rapports de force commerciaux et mĂȘme les problĂšmes de criminalitĂ©.
La variĂ©tĂ© Hass, qui domine 95 % du marchĂ© mondial, est appelĂ©e Ă devenir, dâici 2030, le fruit le plus commercialisĂ© au monde avec plus de 3,2 millions de tonnes/an. ApprĂ©ciĂ© pour sa richesse nutritionnelle, sa texture onctueuse et sa facilitĂ© dâutilisation, lâavocat sĂ©duit aussi bien les chefs que les influenceurs. Il incarne parfaitement les aspirations des classes moyennes urbaines occidentales vers une alimentation Ă la fois saine, vĂ©gĂ©tale et tendance.
Cependant, son succĂšs planĂ©taire cache une rĂ©alitĂ© plus sombre. La culture de lâavocat est trĂšs gourmande en eau : il faut environ 1 000 litres dâeau pour produire un kilo de fruit. Dans des rĂ©gions dĂ©jĂ confrontĂ©es Ă des stress hydriques (comme le Mexique ou le Chili), cette surexploitation aggrave les problĂšmes environnementaux et provoque des conflits dâusage. De plus, la dĂ©forestation galopante dans certaines zones est souvent liĂ©e Ă lâextension des cultures dâavocat.
Lâimpact social nâest pas en reste. Au Mexique, oĂč 90 % des avocats consommĂ©s aux Ătats-Unis sont produits, cette filiĂšre est infiltrĂ©e par le crime organisĂ©, qui y voit une source de profits et un vecteur de blanchiment dâargent. Les âavocats de sangâ, comme on les appelle, soulĂšvent des questions Ă©thiques semblables Ă celles du diamant ou du cacao. Ce fruit est ainsi au cĆur de tensions gĂ©opolitiques et criminelles, notamment dans le contexte des Ă©changes entre le Mexique et les Ătats-Unis.
Enfin, lâarticle souligne que la perception positive de lâavocat dans les pays dĂ©veloppĂ©s occulte souvent ses consĂ©quences globales. Il invite Ă une lecture critique : derriĂšre un aliment jugĂ© sain et esthĂ©tique, se cache un symbole ambivalent, reflet des contradictions de notre Ă©poque â entre bien-ĂȘtre personnel et ravages environnementaux, entre dĂ©sir de nature et hyperconsommation mondialisĂ©e.
The Guardian, âSkyrocketingâ demand for matcha raises fears of shortage in Japan, 05/04/2025
Le matcha, cette poudre vert vif de thĂ© vert japonais, connaĂźt un succĂšs planĂ©taire fulgurant, dopĂ© par les rĂ©seaux sociaux et une demande croissante en Europe, aux Ătats-Unis et en Australie. Si ce phĂ©nomĂšne profite aux producteurs japonais, il suscite Ă©galement de fortes inquiĂ©tudes quant Ă la durabilitĂ© de lâapprovisionnement, notamment Ă Uji, prĂšs de Kyoto, berceau historique de cette tradition.
Autrefois rĂ©servĂ© Ă la cĂ©rĂ©monie du thĂ© (sadĆ) et aux palais initiĂ©s, le matcha est dĂ©sormais partout : dans les lattĂ©s, desserts, bonbons, cosmĂ©tiques et mĂȘme dans des plats comme les ramens ou les gyĆzas infusĂ©s Ă la poudre verte. Cette montĂ©e en popularitĂ© a fait exploser la frĂ©quentation de lieux culturels comme Chazuna, un parc-musĂ©e dĂ©diĂ© au thĂ© Ă Uji, oĂč 90 % des visiteurs sont dĂ©sormais des touristes Ă©trangers.
La frĂ©nĂ©sie autour du matcha est Ă©galement alimentĂ©e par son image bien-ĂȘtre : riche en antioxydants, modĂ©rĂ©ment cafĂ©inĂ©, perçu comme une alternative plus douce au cafĂ©. Des influenceurs vantent ses vertus santĂ© sur TikTok, oĂč les contenus liĂ©s au matcha pullulent. En parallĂšle, des marques internationales surfent sur cette vague verte, provoquant une pression sans prĂ©cĂ©dent sur la production locale.
Selon le ministĂšre japonais de lâAgriculture, la production de matcha a triplĂ© depuis 2010, atteignant 4 176 tonnes en 2023. Pourtant, les stocks sâamenuisent. Ă lâautomne 2024, des restrictions dâachat ont Ă©tĂ© mises en place par les producteurs dâUji face Ă la pĂ©nurie. Et la rĂ©colte de 2025, attendue avec impatience, ne devrait offrir quâun rĂ©pit temporaire.
Pour rĂ©pondre Ă la demande, le gouvernement japonais envisage de subventionner les producteurs pour les inciter Ă dĂ©laisser le sencha (thĂ© vert classique en feuilles) au profit du tencha, la variĂ©tĂ© utilisĂ©e pour produire du matcha. Cette rĂ©orientation agricole soulĂšve des dĂ©bats : faut-il sacrifier une tradition au profit dâune opportunitĂ© commerciale ? LâĂ©quilibre entre culture patrimoniale et adaptation Ă©conomique devient un enjeu central.
En dĂ©finitive, la trajectoire du matcha illustre une nouvelle fois les paradoxes de la mondialisation culinaire : un produit issu dâun art de vivre contemplatif se retrouve absorbĂ© par une demande effrĂ©nĂ©e, oĂč lâesthĂ©tique Instagram et les tendances alimentaires dictent dĂ©sormais les rythmes de la production.
Financial Times, Want the coolest food in Japan? Head to the konbini, 07/04/2025
Au Japon, les konbini â ou convenience stores â sont bien plus que de simples supĂ©rettes : ils incarnent une vĂ©ritable culture de consommation, Ă la croisĂ©e de la praticitĂ©, de lâinnovation et du raffinement culinaire. Depuis lâimportation des premiĂšres enseignes amĂ©ricaines (7-Eleven, Lawson, FamilyMart) dans les annĂ©es 1970, le Japon a transformĂ© ces petits commerces en vĂ©ritables trĂ©sors gastronomiques accessibles 24h/24.
Les konbini remplissent une multitude de fonctions sociales : on y paie ses factures, envoie du courrier, fait des photocopies⊠mais surtout, on y mange trĂšs bien. Le cĆur du systĂšme, câest lâalimentation : une offre variĂ©e, fraĂźche, abordable, pensĂ©e autant pour les citadins pressĂ©s que pour les personnes ĂągĂ©es des zones rurales. On y trouve des onigiri, des bentĆ, des plats chauds comme le karaage (poulet frit sur place), du ramen, des poissons grillĂ©s, des desserts soignĂ©s, et une offre de plats rĂ©gionaux comme le miso ramen Ă Hokkaido ou le tonkotsu Ă Kyushu.
Lâarticle souligne Ă quel point ces lieux inspirent mĂȘme des chefs professionnels. Brendan Liew, auteur du livre Konbini : Cult Recipes, Stories and Adventures from Japanâs Iconic Convenience Stores, explique que chaque passage dans un konbini est une sorte de chasse au trĂ©sor culinaire, tant la variĂ©tĂ© et la qualitĂ© des produits sont impressionnantes. Pour lui, ces magasins reflĂštent une forme dâingĂ©niositĂ© japonaise : rendre le banal exceptionnel, et offrir du bon Ă tous, tout le temps.
La force des konbini rĂ©side aussi dans leur adaptabilitĂ© rĂ©gionale : chaque enseigne ajuste son offre selon les goĂ»ts locaux, illustrant une finesse de comprĂ©hension du consommateur que peu dâacteurs mondiaux Ă©galent. Leur modĂšle Ă©conomique repose sur une logistique trĂšs rĂ©active, des partenariats avec des artisans locaux, et un design de produit soignĂ© jusque dans les emballages.
En somme, les konbini ne sont pas juste des magasins : ils sont devenus une vitrine du quotidien japonais, une leçon dâintĂ©gration du design, de la fonctionnalitĂ© et du plaisir de manger dans lâespace urbain. Et, paradoxalement, ce sont ces lieux de consommation de masse qui redonnent ses lettres de noblesse Ă la street food japonaise.
New York Times, Is the Restaurant Good? Or Does It Just Look Good?, 09/04/2025
Ă lâĂšre dâInstagram et des rĂ©seaux sociaux, une nouvelle forme dâĂ©valuation gastronomique Ă©merge : les restaurants sont-ils rĂ©ellement bons⊠ou simplement photogĂ©niques ? Cet article explore le dĂ©calage croissant entre lâapparence dâun plat ou dâun lieu et la qualitĂ© rĂ©elle de lâexpĂ©rience culinaire, un phĂ©nomĂšne devenu omniprĂ©sent dans les grandes villes.
Les plateformes visuelles comme Instagram ou TikTok dictent dĂ©sormais les tendances en matiĂšre de restauration. Un Ă©tablissement peut connaĂźtre un succĂšs fulgurant grĂące Ă un Ă©clairage flatteur, une dĂ©coration soignĂ©e ou un plat esthĂ©tiquement sĂ©duisant, sans que le goĂ»t ou la cohĂ©rence de lâoffre ne suivent. Pour beaucoup de jeunes consommateurs, le « moment photo » prĂ©cĂšde la dĂ©gustation, voire la remplace en importance. La recherche dâun plat « instagrammable » devient un critĂšre dĂ©terminant dans le choix dâun restaurant.
Les restaurateurs eux-mĂȘmes lâont compris. Certains nâhĂ©sitent plus Ă concevoir leur dĂ©coration intĂ©rieure, leur vaisselle et mĂȘme leurs recettes autour du rendu visuel sur Ă©cran. LâesthĂ©tique devient un argument commercial, parfois au dĂ©triment du goĂ»t ou de la gĂ©nĂ©rositĂ©. Des plats sont calibrĂ©s pour le clic plutĂŽt que pour la dĂ©gustation, crĂ©ant une dissociation entre image et rĂ©alitĂ©.
Cependant, ce phĂ©nomĂšne soulĂšve des interrogations : est-ce encore de la gastronomie ou simplement une mise en scĂšne ? Plusieurs critiques culinaires interrogĂ©s par le New York Times regrettent la perte de lâexpĂ©rience sensorielle complĂšte, oĂč le goĂ»t, lâodeur, lâaccueil et lâambiance comptaient autant, voire plus, que la simple apparence. Ils dĂ©noncent une standardisation de lâoffre, oĂč des plats similaires (avocado toast, lattes colorĂ©s, burgers XXLâŠ) se retrouvent aux quatre coins du monde, dĂ©clinĂ©s pour lâĂ©cran plus que pour le palais.
Pour autant, le phĂ©nomĂšne nâest pas nĂ©cessairement nĂ©gatif. Il pousse certains chefs Ă soigner leur prĂ©sentation, Ă innover visuellement, et Ă faire preuve de crĂ©ativitĂ© pour attirer lâattention dans un marchĂ© saturĂ©. Lâenjeu devient alors de trouver un Ă©quilibre entre contenu viral et qualitĂ© rĂ©elle. Certains Ă©tablissements, comme le rappellent les auteurs, parviennent Ă briller sur Instagram tout en offrant un niveau culinaire irrĂ©prochable.
En dĂ©finitive, la question posĂ©e reste ouverte : Ă lâheure oĂč lâimage a pris le pouvoir dans lâalimentation, quelle place reste-t-il pour le goĂ»t ?
The Guardian, Cool condiments: âlittle treat cultureâ leading to boom in preserves and sauces, 11/04/2025
Les condiments â confitures, sauces piquantes, mayonnaises aromatisĂ©es ou chutneys â connaissent un boom inĂ©dit, portĂ©s par la montĂ©e de la little treat culture, cette tendance Ă se faire plaisir avec de petits achats abordables mais sophistiquĂ©s. Un pot de confiture Ă 14 ÂŁ lancĂ© par la marque lifestyle de Meghan Markle, Ă©puisĂ© en 30 minutes, symbolise cette nouvelle frĂ©nĂ©sie autour des produits dâaccompagnement.
Cette dynamique rappelle le « lipstick effect » : en pĂ©riode dâincertitude Ă©conomique, les consommateurs limitent leurs dĂ©penses globales, mais sâoffrent des plaisirs accessibles et valorisants. Les condiments, souvent situĂ©s autour de 10 ÂŁ, deviennent des objets de dĂ©sir, tant pour leur goĂ»t que pour leur esthĂ©tisme. Chez Delli, plateforme spĂ©cialisĂ©e dans les marques indĂ©pendantes, les ventes ont doublĂ© en un an. Leurs best-sellers incluent du « croissant butter » Ă 10 ÂŁ ou une huile pimentĂ©e sino-malaisienne Ă 6,99 ÂŁ. MĂȘme les grandes enseignes comme Waitrose, Marks & Spencer ou Ottolenghi surfent sur cette vague, avec des rĂ©fĂ©rences haut de gamme comme la truffle mayo, le miso pesto ou la green harissa.
Le phĂ©nomĂšne est amplifiĂ© par #CondimentTok, une branche culinaire de TikTok oĂč les utilisateurs partagent leurs trouvailles, leurs « hauls » de sauces artisanales ou des idĂ©es pour rĂ©utiliser les jolis pots vides. Certains emballages â comme la sauce piquante de Brooklyn Beckham ou les cornichons de Goat Rodeo Goods â Ă©voquent carrĂ©ment des flacons de parfum de luxe.
Au-delĂ de lâimage, ces produits sont plĂ©biscitĂ©s pour leur capacitĂ© Ă transformer des plats simples. Jake Normal, chef exĂ©cutif chez Ottolenghi, souligne que les condiments permettent de varier les saveurs sans multiplier les ingrĂ©dients ou le temps en cuisine. Claire Dinhut, autrice de The Condiment Book, propose mĂȘme une nouvelle mĂ©trique : le « coĂ»t par bouchĂ©e » plutĂŽt que le coĂ»t par portion.
Des restaurants comme Sambal Shiok, Koya ou Gymkhana proposent dĂ©sormais leurs sauces maison Ă emporter, dĂ©mocratisant ainsi des saveurs habituellement rĂ©servĂ©es aux repas sur place. Cette tendance rĂ©vĂšle aussi une ouverture croissante Ă des condiments dâorigines culturelles variĂ©es, comme les huiles pimentĂ©es asiatiques ou les chutneys indiens. Dinhut appelle dâailleurs Ă Ă©viter les raccourcis marketing : ces produits ne sont pas juste des modes passagĂšres, mais des staples culturels enfin valorisĂ©s Ă leur juste place.
MĂȘme les grandes marques sây mettent : Heinz a lancĂ© une Ă©dition spĂ©ciale de ketchup en partenariat avec la marque de peinture Lick, tandis que Hellmannâs sâest associĂ© Ă une griffe de mode pour un sac Ă main⊠conçu pour transporter un pot de mayo !
En rĂ©sumĂ©, les condiments deviennent des objets de style, de goĂ»t et dâidentitĂ©, Ă mi-chemin entre luxe accessible, curiositĂ© culinaire et phĂ©nomĂšne de sociĂ©tĂ©, incarnant la nouvelle maniĂšre de consommer : petite, mais significative.
Eater, Why Everybody Was Obsessed With Quinoa in the Mid-2010s, 09/04/2025
Dans les annĂ©es 2010, le quinoa est passĂ© dâune cĂ©rĂ©ale andine mĂ©connue Ă une superstar des rayons bio et des restaurants healthy aux Ătats-Unis et en Europe. Ce grain ancestral, cultivĂ© depuis des millĂ©naires par les populations indigĂšnes de lâAltiplano â le haut plateau des Andes entre le PĂ©rou et la Bolivie â est devenu lâemblĂšme dâune alimentation saine, durable, riche en protĂ©ines⊠et potentiellement capable de rĂ©soudre famine mondiale et changement climatique. En 2013, lâONU est mĂȘme allĂ©e jusquâĂ proclamer lâAnnĂ©e internationale du quinoa.
Pourtant, quelques dĂ©cennies plus tĂŽt, le quinoa Ă©tait Ă peine connu en dehors de sa rĂ©gion dâorigine. Il faut attendre les annĂ©es 1980 pour que le produit entre dans les circuits alimentaires nord-amĂ©ricains, grĂące Ă trois hippies du Colorado tombĂ©s amoureux de cette graine en voyageant en Bolivie. Ils fondent la marque Ancient Harvest, encore prĂ©sente dans les rayons aujourdâhui. Mais jusquâaux annĂ©es 2000, le quinoa reste cantonnĂ© aux magasins de produits naturels et coopĂ©ratives alternatives.
Son envol commence vĂ©ritablement avec lâessor de la gastronomie pĂ©ruvienne. Alors que le quinoa Ă©tait auparavant perçu comme un aliment des classes rurales pauvres, des chefs de Lima dĂ©cident dans les annĂ©es 1980 de rĂ©habiliter les produits andins dans une cuisine gastronomique ambitieuse, capable de rivaliser avec la haute cuisine française. Le quinoa apparaĂźt alors sur les cartes de restaurants chics, dans des biĂšres locales, et son image commence Ă changer au niveau mondial.
ParallĂšlement, la tendance du âbowl foodâ, les prĂ©occupations pour la santĂ©, et la recherche dâauthenticitĂ© culinaire dans les pays riches favorisent sa percĂ©e : Buddha bowls, salades protĂ©inĂ©es, barres Ă©nergĂ©tiques, biscuits, plats cuisinĂ©s⊠Le quinoa sâinvite partout. Entre 2013 et 2014, son prix double, et les promesses dâune rĂ©volution agricole sâaccĂ©lĂšrent.
Mais cette explosion soulĂšve aussi des questions Ă©thiques et Ă©conomiques : les communautĂ©s agricoles qui cultivent le quinoa depuis des gĂ©nĂ©rations en bĂ©nĂ©ficient-elles rĂ©ellement ? Lâemballement autour de cette âgraine miracleâ a-t-il contribuĂ© Ă une amĂ©lioration des conditions de vie sur lâAltiplano ? Ou a-t-il créé une nouvelle forme dâinjustice agroalimentaire, en dĂ©connectant le produit de son ancrage local ? LâĂ©pisode de podcast Gastropod, dont lâarticle est issu, interroge prĂ©cisĂ©ment ces tensions entre succĂšs global et enracinement local.
Câest tout pour aujourdâhui.
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A la semaine prochaine!
O. Frey