đŸđđ Eat's business đđ·đ§ 2025-12
Bonjour Ă toutes et Ă tous, Eat's Business est une newsletter dans laquelle vous trouverez une revue de presse de quelques articles sur le monde de lâalimentaire qui mâont semblĂ© intĂ©ressants dans la semaine prĂ©cĂ©dente.
Pour ceux qui veulent la formule ristretto, les 3 articles que je vous conseille de lire en priorité cette semaine sont :
LibĂ©ration, Les ados et la bouffe : arrĂȘtons de nous prendre le chou, 29/03/2025
Les Ăchos, Cette pĂ©nurie de fromages de chĂšvre qui menace en France, 04/04/2025
The Washington Post, Tasting menus and expletives: When fine dining meets hip-hop, 01/04/2025
Bonne lecture et bonne semaine Ă toutes et Ă tous!
Pour celles et ceux dâentre vous qui ont plus de temps pour la formule lungo :
Le Figaro, Comprendre le Guide Michelin en 9 leçons et une question, 05/04/2025
Le Guide Michelin 2025, dĂ©voilĂ© en dĂ©but de semaine, offre un palmarĂšs globalement consensuel, loin des polĂ©miques des annĂ©es prĂ©cĂ©dentes. Avec 68 nouveaux Ă©toilĂ©s, il consacre notamment Hugo Roellinger (Le Coquillage, Saint-MĂ©loir-des-Ondes) et Christopher Coutanceau (La Rochelle), qui retrouve ses trois Ă©toiles aprĂšs une rĂ©trogradation jugĂ©e sĂ©vĂšre en 2023. Toutefois, au-delĂ du contenu gastronomique, lâarticle dresse un portrait critique et acide de la mise en scĂšne et des logiques internes du cĂ©lĂšbre guide rouge.
La cĂ©rĂ©monie est jugĂ©e soporifique et guindĂ©e. Il nây a probablement que les instagrammeurs invitĂ©s par le Guide qui semblaient heureux et ravis dâavoir assistĂ© Ă un pseudo match de foot entre des chefs et dâanciens joueurs pro. Tout cela illustre le manque de modernitĂ© de Michelin, dont le directeur Gwendal Poullennec est moquĂ© pour ses discours sans relief. Le retour en grĂące de Coutanceau est analysĂ© comme une rĂ©paration tardive et maladroite, rĂ©vĂ©latrice du âmarketing de la terreurâ pratiquĂ© par le guide : rĂ©trogradations brutales, promotions surprises, instabilitĂ© gĂ©nĂ©ralisĂ©e. Dans ce contexte, la promotion dâHugo Roellinger incarne, Ă lâinverse, une vision apaisĂ©e et poĂ©tique de la gastronomie, mĂȘlant ancrage local, cuisine marine intuitive et respect de la nature.
Mais plusieurs zones dâombre demeurent. Le guide est critiquĂ© pour sa lenteur Ă rĂ©compenser du titre suprĂȘme certains chefs reconnus (Jean-François PiĂšge, Jean Sulpice, Olivier Nasti) ou encore pour lâopacitĂ© de ses critĂšres, comme dans le cas de lâĂ©toile verte, attribuĂ©e sans cahier des charges Ă des Ă©tablissements parfois peu Ă©coresponsables. Dâautres incohĂ©rences apparaissent dans la gestion des âtransfertsâ : des Ă©toiles sont conservĂ©es malgrĂ© le dĂ©part dâun chef (ex. : Frechon/Faye), rompant avec la tradition stricte du passĂ©.
Le partenariat entre Michelin et lâĂ©mission Top Chef est Ă©galement pointĂ© du doigt : plusieurs candidats ou jurĂ©s sont primĂ©s cette annĂ©e, jetant le doute sur lâindĂ©pendance des sĂ©lections. Si certains mĂ©ritent leur Ă©toile (Fanny Rey, Adrien Cachot, Sarah Mainguy), le soupçon dâopportunisme mĂ©diatique ternit la valeur du palmarĂšs.
Enfin, lâarticle salue la soliditĂ© des promotions deux Ă©toiles, notamment lâAbysse Monte-Carlo dâAllĂ©no, le Gabriel Ă Bordeaux, ou le Rozo Ă Marcq-en-BarĆul. En revanche, la stagnation dâAlain Ducasse Ă Paris interroge sur lâĂ©volution du rapport entre institutions gastronomiques historiques et nouvelles figures mĂ©diatiques.
LibĂ©ration, Les ados et la bouffe : arrĂȘtons de nous prendre le chou, 29/03/2025
Dans un collÚge REP+ à Pantin, un atelier cuisine révÚle la richesse et la complexité du rapport des adolescents à l'alimentation. Organisé par l'association La Tablée des Chefs, ce programme mobilise des chefs bénévoles comme Niki Kopcke pour transmettre des savoir-faire culinaires à des jeunes souvent décrocheurs scolaires. Entre brandade de morue, pickles, pad thaï ou bricks, les collégiens apprennent à manipuler, goûter, évaluer les coûts et développent de nouvelles compétences.
Mais face à cette initiation, les préférences adolescentes penchent toujours vers le fast-food. Les intervenants ne cherchent pas à diaboliser cette attirance, mais plutÎt à proposer des alternatives appétissantes, comme des sandwichs grillés faits maison. L'atelier devient ainsi un espace de discussion sur l'agriculture, le climat, le gaspillage ou les coûts alimentaires.
L'article dépeint aussi l'impact de la cuisine sur l'autonomie et la confiance en soi, en renforçant les apprentissages transversaux (maths, sciences, esthétique, communication). Il met en lumiÚre des ouvrages comme L'Ado la dalle, destinés à accompagner parents et jeunes dans une cuisine réaliste, nutritive et attractive. Selon le psychologue Alexandre Morel, la nourriture chez l'adolescent est un lieu de construction identitaire et d'affirmation de soi, y compris en opposition avec les normes familiales.
Malbouffe, grignotage et horaires irrĂ©guliers dominent toujours les habitudes, mais ces initiatives offrent une passerelle vers une relation plus sereine et crĂ©ative Ă l'alimentation. Le rĂ©cit se conclut sur une note joyeuse avec un concours culinaire interne oĂč les ados prĂ©sentent des assiettes inventives devant un jury bienveillant, montrant que l'Ă©ducation au goĂ»t peut ĂȘtre un levier de revalorisation personnelle.
LâUsine Nouvelle, Droits de douane : les vins et spiritueux Ă©vitent le pire, les autres secteurs alimentaires finalement pas exemptĂ©s, 03/04/2025
L'administration Trump a annoncĂ© une nouvelle vague de droits de douane visant les produits alimentaires europĂ©ens. Si les vins et spiritueux français redoutaient des surtaxes de 200 %, ils se voient finalement imposer un droit de 20 %, ce qui reste important mais moins catastrophique que prĂ©vu. Ce niveau de taxation pourrait affecter lourdement les exportations vers les Ătats-Unis, un marchĂ© crucial pour la filiĂšre française. En 2024, la France y a exportĂ© pour 2,4 milliards d'euros de vins et 1,5 milliard d'euros de spiritueux.
Le manque à gagner est estimé à 800 millions d'euros selon la FEVS. Cependant, les producteurs ayant anticipé en constituant des stocks aux USA, l'effet prix devrait se faire sentir plus tardivement. Au-delà des vins et spiritueux, d'autres produits sont concernés : produits laitiers, pains, biscuits... La France avait exporté en 2024 prÚs de 350 millions d'euros de produits laitiers et plus de 200 millions d'euros de pùtisseries vers les USA.
Certains acteurs comme Savencia se veulent confiants sur la capacité des consommateurs américains haut de gamme à absorber les hausses, notamment pour les fromages premium. D'autres, comme Soignon, mettent en avant la rentabilité supérieure du marché américain comparé au marché national. Les producteurs devront toutefois trouver de nouveaux débouchés ou négocier pour atténuer l'impact de cette décision unilatérale.
Les Ăchos, Cette pĂ©nurie de fromages de chĂšvre qui menace en France, 04/04/2025
La filiĂšre française du fromage de chĂšvre, leader mondial avec des spĂ©cialitĂ©s comme le Chabichou, le Crottin de Chavignol ou le Sainte-Maure, traverse une crise alarmante. En 2024, la collecte de lait de chĂšvre a chutĂ© de 3,2 %, atteignant seulement 500 millions de litres, et les premiers chiffres de 2025 indiquent une aggravation avec une baisse de 6 % dĂšs janvier. Cette tendance met en pĂ©ril lâapprovisionnement des grandes marques comme Chavroux, Soignon ou Rians, qui dĂ©pendent de ce lait pour leurs fabrications industrielles.
Les causes de cette pĂ©nurie sont multiples. Structurellement, la filiĂšre est fragilisĂ©e par un nombre limitĂ© dâexploitations (environ 5 000), confrontĂ©es Ă un vieillissement des Ă©leveurs et Ă des difficultĂ©s de reprise. Les coĂ»ts dâinstallation ont bondi de 35 % en trois ans, rendant la crĂ©ation ou la transmission dâexploitations caprines de plus en plus difficile. Il faut aujourdâhui investir 2 500 euros par chĂšvre, contre 2 000 avant la crise sanitaire, ce qui dissuade de nombreux jeunes porteurs de projets.
Le cheptel caprin a ainsi reculĂ© de 100 000 tĂȘtes depuis 2020 pour tomber Ă 1,25 million dâanimaux. Les conditions climatiques, avec une humiditĂ© excessive et un manque de luminositĂ© en 2024, ont Ă©galement nui Ă la production laitiĂšre. Ă cela sâajoute une transformation structurelle de la filiĂšre : 50 % des Ă©leveurs se tournent dĂ©sormais vers la production fermiĂšre en circuit court, ce qui rĂ©duit les volumes livrĂ©s aux industriels, qui reprĂ©sentent pourtant 75 % de la production nationale.
Les exploitations intermĂ©diaires, celles qui livrent aux grands transformateurs, sont les plus menacĂ©es de disparition. Leur taille moyenne (350 chĂšvres) et leur modĂšle Ă©conomique les rendent particuliĂšrement vulnĂ©rables. MĂȘme les tentatives de reprise par de nouveaux Ă©leveurs, souvent nĂ©o-ruraux, Ă©chouent frĂ©quemment aprĂšs quelques annĂ©es, face Ă la charge de travail intense liĂ©e Ă la double activitĂ© dâĂ©levage et de transformation.
Face Ă la baisse du lait disponible, les entreprises envisagent dâaugmenter les importations. Mais lĂ aussi, les contraintes sâaccumulent : lâEspagne est touchĂ©e par le changement climatique, et le Benelux par la fiĂšvre catarrhale ovine. Ă terme, des arbitrages seront nĂ©cessaires, et seuls les clients prĂȘts Ă payer plus cher seront approvisionnĂ©s. Une pĂ©nurie rĂ©elle pourrait se faire sentir dĂšs 2026 si la situation ne sâamĂ©liore pas.
Le Parisien, Cookies, sandwichs, tartes⊠Avec sa nouvelle offre à emporter, comment Monoprix veut concurrencer Starbucks, 04/04/2025
Monoprix amorce un virage stratĂ©gique ambitieux en lançant une nouvelle offre de restauration Ă emporter haut de gamme baptisĂ©e « la cantine ». Lâobjectif ? Se positionner comme un acteur crĂ©dible du « snacking gourmand » et concurrencer les gĂ©ants comme Starbucks. Dans son magasin emblĂ©matique de Beaugrenelle (Paris XVá”), lâenseigne dĂ©voile un concept mĂȘlant tradition française et modernitĂ©, avec des produits alliant qualitĂ© artisanale et accessibilitĂ©.
Au cĆur de cette nouvelle offre, des produits signature comme un jambon-beurre revisitĂ© â avec du jambon de Paris, du beurre AOP et une baguette croustillante â ou encore des crĂ©ations originales telles que la tarte courgettes-burrata ou le sandwich « Fjord and Furious » Ă la truite des PyrĂ©nĂ©es. CĂŽtĂ© sucrĂ©, la sĂ©lection est signĂ©e par la cheffe pĂątissiĂšre NoĂ«mie Honiat (vue dans Top Chef), avec des cookies gourmands aux noms ludiques (« cookistache », « cookihuĂšte »), un « flankie » (mĂ©lange de flan et de cookie), ou encore un financier pistache-griotte. Le tout accompagnĂ© dâun cafĂ© artisanal prĂ©parĂ© au percolateur, avec option lait vĂ©gĂ©tal gratuite, vendu Ă prix accessible (2,30 ⏠lâexpresso, 3,70 ⏠le cappuccino).
Cette offre, pensĂ©e comme un vĂ©ritable levier de croissance, sera dĂ©ployĂ©e dans une dizaine de magasins dâici fin 2025, avec extension prĂ©vue dans toute la France, via des formats adaptĂ©s Ă chaque surface. Lâenseigne envisage aussi la livraison via Uber Eats et Deliveroo, ainsi que la crĂ©ation de points de restauration en franchise. Ă terme, la restauration Ă emporter devrait reprĂ©senter 50 % de lâactivitĂ© alimentaire de Monoprix, contre 10 Ă 15 % actuellement.
Ce repositionnement intervient alors que la consommation alimentaire est en recul et que Monoprix a enregistrĂ© une lĂ©gĂšre baisse de chiffre dâaffaires en 2024 (4 milliards dâeuros, -0,3 %). Pour faire la diffĂ©rence, lâenseigne conserve une offre duale : Ă cĂŽtĂ© du snacking premium, elle maintient une gamme plus classique et abordable, avec sandwiches, quiches ou plats chauds, totalisant 1 000 rĂ©fĂ©rences disponibles. Lâinnovation est Ă©galement au rendez-vous avec un renouvellement hebdomadaire des produits.
Avec ce pari sur le « gourmet abordable », Monoprix entend sĂ©duire les urbains actifs Ă tous les moments de la journĂ©e. Et comme le rĂ©sume son slogan : « La cantine sera ouverte en mĂȘme temps que votre appĂ©tit ».
Le Monde, Sur Instagram, une alliance ludique entre la cuisine et le cinéma, 31/03/2025
La cheffe franco-amĂ©ricaine Alix Lacloche a lancĂ© un compte Instagram original, @cuisineandcinema, oĂč elle mĂȘle deux passions : la gastronomie et le septiĂšme art. PlutĂŽt que de partager des recettes, elle compose un feed graphique et nostalgique cĂ©lĂ©brant des scĂšnes marquantes oĂč la nourriture occupe une place visuelle forte. Elle y poste des images issues de films principalement anglo-saxons des annĂ©es 1980-1990, comme "Batman Returns", "Beetlejuice" ou encore "Angel Heart".
Loin du food porn classique, son approche valorise le design des accessoires culinaires, la scĂ©nographie des repas et lâesthĂ©tique des plats filmĂ©s. Lacloche sâintĂ©resse ainsi au pouvoir narratif et symbolique de la nourriture au cinĂ©ma, y trouvant une nouvelle forme de crĂ©ation. Le compte, enrichi presque quotidiennement, attire un public sensible aux croisements entre art, culture pop et gastronomie.
PassionnĂ©e de cinĂ©ma depuis lâadolescence, Lacloche revendique un goĂ»t prononcĂ© pour lâunivers visuel exubĂ©rant de certains rĂ©alisateurs comme Barry Levinson, et observe avec amusement la rĂ©currence des scĂšnes oĂč Brad Pitt mange dans ses rĂŽles. Sa dĂ©marche illustre une tendance contemporaine Ă faire dialoguer les disciplines artistiques, et participe Ă redĂ©finir la place de la cuisine dans lâimaginaire collectif.
Modern Retail, How Liquid Death is tackling the soda wars, 28/03/2025
Liquid Death, marque amĂ©ricaine dâeau en canette fondĂ©e en 2017, poursuit sa percĂ©e spectaculaire sur le marchĂ© des boissons en sâattaquant dĂ©sormais au segment ultra-concurrentiel des sodas. Connue pour son identitĂ© visuelle provocante et son slogan « Murder Your Thirst », lâentreprise se dĂ©marque par une stratĂ©gie marketing irrĂ©vĂ©rencieuse, ciblant principalement les millennials et la gĂ©nĂ©ration Z. En 2024, la marque a Ă©largi sa gamme pour inclure des thĂ©s glacĂ©s peu sucrĂ©s, avant de lancer une sĂ©rie de sodas Ă vocation « plus saine », avec des saveurs comme Killer Cola, Severed Lime ou Doctor Death.
Ces produits se distinguent non seulement par leur branding gothique et humoristique, mais aussi par leur composition : 90 % moins de sucre que les sodas traditionnels, absence de colorants artificiels, et Ă©dulcorants naturels comme lâagave et la stĂ©via. Fait notable, les boissons sont transparentes, rompant avec les codes visuels classiques des colas foncĂ©s. Cette diffĂ©renciation permet Ă Liquid Death de sâimposer comme une alternative « cool » et saine face aux gĂ©ants historiques du secteur.
La rĂ©ussite commerciale de lâentreprise est indĂ©niable : elle a enregistrĂ© un chiffre dâaffaires de 333 millions de dollars en 2024, contre 130 millions lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente. Environ 70 % des ventes sont dĂ©sormais gĂ©nĂ©rĂ©es par les gammes autres que lâeau plate, confirmant un repositionnement stratĂ©gique rĂ©ussi. Liquid Death a Ă©galement renforcĂ© sa prĂ©sence dans les grandes chaĂźnes de distribution et investi dans les formats multipacks, rĂ©pondant ainsi Ă la hausse de la consommation Ă domicile.
Au-delĂ du produit, la marque capitalise sur une forte communautĂ© en ligne, des collaborations avec des influenceurs, des campagnes publicitaires irrĂ©vĂ©rencieuses et un merchandising agressif (t-shirts, skateboards, etc.). Ce modĂšle hybride mĂȘle boisson fonctionnelle, culture punk et marketing dâexpĂ©rience, dans une logique proche des marques de lifestyle.
Face Ă une demande croissante pour des boissons moins sucrĂ©es, plus naturelles et chargĂ©es dâidentitĂ©, Liquid Death semble bien armĂ©e pour sâimposer dans une « guerre des sodas » en pleine reconfiguration. Reste Ă voir si ce positionnement iconoclaste saura durer au-delĂ de lâeffet de mode et sĂ©duire un public plus large, sans renier son ADN provocateur.
Financial Times, Japanâs alcohol groups are sober at home but spirited abroad, 02/04/2025
Au Japon, les groupes de boissons alcoolisĂ©es font face Ă un dĂ©clin structurel de la consommation nationale. Depuis plus de deux dĂ©cennies, celle-ci a chutĂ© de 25 %, consĂ©quence du vieillissement de la population, de changements culturels et dâune prise de conscience sanitaire accrue. Les jeunes gĂ©nĂ©rations boivent de moins en moins, et mĂȘme une campagne gouvernementale lancĂ©e en 2022 pour relancer la consommation chez les 20-30 ans a suscitĂ© un tollĂ© et a Ă©chouĂ©.
Face Ă cette crise intĂ©rieure, les grands groupes comme Suntory, Asahi, Kirin ou encore Sapporo ont trouvĂ© un relais de croissance Ă lâĂ©tranger, notamment en Asie du Sud-Est et aux Ătats-Unis. Ces marchĂ©s, portĂ©s par des classes moyennes en expansion et une jeunesse attirĂ©e par les marques premium japonaises, deviennent le nouveau terrain de jeu de ces entreprises. Le Vietnam, la ThaĂŻlande, lâIndonĂ©sie ou encore les Philippines affichent une hausse continue de la consommation dâalcool, en particulier de whisky, de biĂšre et de RTD (ready-to-drink).
Pour répondre à cette demande, les groupes japonais investissent dans la production locale, les partenariats stratégiques et le marketing ciblé. Suntory, par exemple, multiplie les campagnes centrées sur la qualité artisanale de ses whiskys et développe des versions adaptées aux goûts régionaux. Kirin et Sapporo misent aussi sur des boissons hybrides ou à faible teneur en alcool, trÚs appréciées dans les grandes métropoles asiatiques.
Ce recentrage international sâaccompagne dâune diversification vers les boissons non alcoolisĂ©es fonctionnelles, comme les thĂ©s enrichis, les sodas Ă base de plantes ou les eaux aromatisĂ©es, une catĂ©gorie qui progresse Ă©galement au Japon. Les entreprises profitent de leur savoir-faire technologique et de leur image dâinnovation pour sĂ©duire un public soucieux de santĂ©, sans renoncer au plaisir gustatif.
Les rĂ©sultats financiers confirment la pertinence de cette stratĂ©gie. Alors que les volumes au Japon stagnent voire dĂ©clinent, les ventes Ă lâexport augmentent fortement, contribuant Ă stabiliser les revenus. Cette mutation illustre la capacitĂ© dâadaptation des entreprises nippones, confrontĂ©es Ă un marchĂ© domestique saturĂ© mais bien dĂ©cidĂ©es Ă rester compĂ©titives Ă lâĂ©chelle mondiale.
Forbes, Why Azerbaijan Should Be The Face Of The Global Pomegranate Boom, 31/03/2025
La grenade connaĂźt un essor international remarquable, propulsĂ©e par les tendances santĂ©, le marketing digital et lâengouement pour les super-aliments. Antioxydante, colorĂ©e, photogĂ©nique et chargĂ©e de symbolique, elle sĂ©duit aussi bien les consommateurs que les influenceurs, et figure dĂ©sormais parmi les ingrĂ©dients les plus recherchĂ©s dans les jus, les plats sucrĂ©s-salĂ©s ou les soins cosmĂ©tiques. Alors que des pays comme lâInde, lâIran ou lâEspagne dominent la production mondiale, lâAzerbaĂŻdjan se positionne comme un acteur de plus en plus influent dans ce marchĂ© en expansion.
SituĂ© entre lâEurope et lâAsie, lâAzerbaĂŻdjan cultive plus de 60 variĂ©tĂ©s indigĂšnes de grenades, principalement dans la rĂ©gion de Goychay, dont les conditions climatiques et la composition du sol sont particuliĂšrement favorables. Mais au-delĂ de lâagriculture, câest toute une culture qui se structure autour de ce fruit. Chaque annĂ©e, le Festival de la grenade attire des milliers de visiteurs, et le nar â nom local de la grenade â est cĂ©lĂ©brĂ© comme un symbole dâabondance, dâamour et de longĂ©vitĂ©. En 2020, cette tradition a mĂȘme Ă©tĂ© inscrite au patrimoine culturel immatĂ©riel de lâUNESCO.
LâAzerbaĂŻdjan mise donc sur ce fruit pour renforcer son identitĂ© agricole et dĂ©velopper son image Ă lâexport. Avec une hausse de 35 % des exportations de grenades sur le dĂ©but de lâannĂ©e 2025, le pays dĂ©montre sa capacitĂ© Ă rĂ©pondre Ă la demande croissante en produits traçables, artisanaux et porteurs dâhistoire. Le marchĂ© ne se limite pas au fruit frais : les entreprises locales dĂ©veloppent aussi une large gamme de produits dĂ©rivĂ©s â sirops, sauces narsharab, confitures, jus, vins, sorbets â qui permettent de valoriser chaque partie du fruit et dâallonger la chaĂźne de valeur.
Lâenjeu pour lâAzerbaĂŻdjan est maintenant de se structurer davantage autour de normes internationales de qualitĂ©, dâinvestir dans la logistique dâexportation et de crĂ©er des marques fortes capables de sĂ©duire les marchĂ©s europĂ©ens, amĂ©ricains et asiatiques. Le pays dispose dâun positionnement diffĂ©renciant, Ă la croisĂ©e entre authenticitĂ© culturelle et modernitĂ© nutritionnelle. Dans un contexte oĂč les consommateurs recherchent des produits naturels et enracinĂ©s dans des traditions, la grenade azerbaĂŻdjanaise a toutes les cartes en main pour devenir une ambassadrice du terroir dans les rayons du monde entier.
The Washington Post, Tasting menus and expletives: When fine dining meets hip-hop, 01/04/2025
La haute gastronomie amĂ©ricaine connaĂźt un renouvellement inattendu, oĂč les menus dĂ©gustation sophistiquĂ©s rencontrent dĂ©sormais lâunivers du hip-hop, y compris dans sa version la plus crue. Dans certains Ă©tablissements Ă©toilĂ©s, comme le restaurant JĂŽnt Ă Washington, la bande-son du repas inclut des titres non censurĂ©s, oĂč jurons, provocations et rĂ©fĂ©rences sexuelles ou raciales sont assumĂ©s. Ce mĂ©lange improbable entre luxe culinaire et bande-son contestataire soulĂšve des questions sur lâĂ©volution des normes dans la restauration fine.
Lâarticle sâappuie sur le tĂ©moignage dâun couple afro-amĂ©ricain ayant vĂ©cu un moment de malaise lors dâun dĂźner Ă 1 000 dollars ponctuĂ© de titres comprenant le ân-wordâ (pour âniggerâ). Pour eux, cette bande-son brise lâĂ©lĂ©gance attendue dâune telle expĂ©rience et pose un problĂšme dâinclusivitĂ©. De son cĂŽtĂ©, le chef Ryan Ratino, Ă la tĂȘte de JĂŽnt, dĂ©fend son choix. Il considĂšre que la musique quâil aime â ici, du hip-hop old-school et contemporain â fait partie intĂ©grante de lâidentitĂ© de son restaurant. Selon lui, elle insuffle de lâĂ©nergie et dĂ©construit les codes guindĂ©s du fine dining, rendant lâexpĂ©rience plus accessible et vivante.
Ce phĂ©nomĂšne nâest pas isolĂ© : dâautres chefs, souvent jeunes ou issus de minoritĂ©s, revendiquent des playlists qui reflĂštent leur culture, et refusent dâaseptiser lâambiance pour se conformer aux attentes traditionnelles. Ă Los Angeles, par exemple, Justin Pichetrungsi mĂȘle hip-hop, street food raffinĂ©e et rĂ©fĂ©rences thaĂŻes dans une dĂ©marche assumĂ©e dâhybridation culturelle. Pour ces restaurateurs, la musique nâest pas un simple fond sonore, mais un marqueur de style, de pouvoir et dâaffirmation identitaire.
Cependant, cette approche divise. Si certains clients y voient une authenticitĂ© nouvelle et une rupture bienvenue avec les codes Ă©litistes, dâautres la perçoivent comme une intrusion ou une agression sensorielle dans un espace qui, pour eux, doit rester feutrĂ© et Ă©lĂ©gant. La question de lâappropriation culturelle, du respect des sensibilitĂ©s et de lâexpĂ©rience client est ainsi au cĆur du dĂ©bat. Peut-on concilier haute cuisine et libertĂ© dâexpression musicale sans heurter ? OĂč se situe la frontiĂšre entre dĂ©marche artistique et manque de considĂ©ration.
Wall Street Journal, Ultra-Luxe Food Supplier Thrives on Cravings for Snow Crab and Wagyu Beef, 31/03/2025
Alors que lâinflation pĂšse sur les habitudes de consommation alimentaire aux Ătats-Unis, un segment continue de croĂźtre de façon inattendue : celui de lâultra-luxe. Le distributeur Chefsâ Warehouse, spĂ©cialisĂ© dans les produits gastronomiques haut de gamme â tels que le crabe des neiges, le bĆuf Wagyu, les truffes ou encore les huiles dâolive artisanales â affiche une progression de 7,5 % de son chiffre dâaffaires en 2024. Un succĂšs qui repose sur un positionnement clair : fournir des ingrĂ©dients rares, chers et de qualitĂ© exceptionnelle aux chefs Ă©toilĂ©s, aux hĂŽtels de luxe, mais aussi Ă des particuliers fortunĂ©s et Ă des clubs privĂ©s.
Contrairement Ă dâautres distributeurs plus gĂ©nĂ©ralistes touchĂ©s par la baisse du pouvoir dâachat, Chefsâ Warehouse bĂ©nĂ©ficie dâune clientĂšle premium, moins sensible aux fluctuations Ă©conomiques. La quĂȘte dâexpĂ©riences gastronomiques uniques se poursuit, notamment aprĂšs les pĂ©riodes de confinement oĂč la demande pour des repas dâexception Ă domicile a explosĂ©. Aujourdâhui encore, cette tendance perdure, alimentĂ©e par des rĂ©seaux sociaux oĂč le luxe alimentaire devient un marqueur de statut.
Pour consolider sa position, lâentreprise mise sur une stratĂ©gie dâapprovisionnement diversifiĂ©e, avec plus de 4 000 fournisseurs Ă travers le monde. Cette diversitĂ© lui permet dâattĂ©nuer les impacts liĂ©s aux crises climatiques ou gĂ©opolitiques. Par exemple, face Ă la pĂ©nurie dâhuile dâolive espagnole due Ă la sĂ©cheresse, elle a anticipĂ© en important des huiles grecques et californiennes de haute qualitĂ©. Cette agilitĂ© est lâun des piliers de son modĂšle Ă©conomique.
Chefsâ Warehouse prĂ©voit Ă©galement une expansion gĂ©ographique, avec un dĂ©veloppement de ses activitĂ©s au Moyen-Orient et dans le sud des Ătats-Unis. Lâobjectif est de rĂ©pondre Ă la montĂ©e en gamme de certains marchĂ©s oĂč les hĂŽtels de luxe et les restaurants dâexception se multiplient. Le groupe investit aussi dans la logistique, avec de nouveaux centres de distribution capables de gĂ©rer des produits pĂ©rissables de trĂšs haute valeur.
Dans un contexte oĂč lâalimentation est de plus en plus polarisĂ©e entre mass-market et hyper-segmentation, lâultra-luxe gastronomique sâimpose comme un Ăźlot de croissance. Ă une Ă©poque oĂč possĂ©der un sac de luxe devient presque banal, offrir une cĂŽte de Wagyu maturĂ©e ou un tartare de crabe royal devient un nouveau symbole de prestige.
Wall Street Journal, Is Ozempic Really the Reason Americans Are Snacking Less?, 28/03/2025
Les grandes marques agroalimentaires amĂ©ricaines observent depuis quelques mois une baisse significative de la consommation de snacks salĂ©s et sucrĂ©s, une premiĂšre en plus dâune dĂ©cennie. Si lâinflation et la vigilance budgĂ©taire post-Covid expliquent en partie cette Ă©volution, un facteur inattendu attire lâattention : lâessor fulgurant de mĂ©dicaments comme Ozempic ou Wegovy, initialement prescrits contre le diabĂšte mais dĂ©sormais largement utilisĂ©s pour la perte de poids. En agissant sur la sensation de satiĂ©tĂ©, ces traitements modifient profondĂ©ment les comportements alimentaires, notamment en rĂ©duisant lâenvie de grignoter.
Des acteurs majeurs comme PepsiCo, Mondelez ou Campbellâs ont signalĂ© une baisse des ventes de produits phares tels que les chips, crackers et biscuits. Cette tendance inquiĂšte les industriels, dâautant plus que la demande ne se reporte pas forcĂ©ment vers dâautres formats. Au contraire, on assiste Ă une montĂ©e en puissance des produits dits « fonctionnels » : boissons enrichies, barres protĂ©inĂ©es, snacks riches en fibres ou en probiotiques. Selon une Ă©tude de Tastewise, lâintĂ©rĂȘt pour les sodas dits « sains » a bondi de 42 % en un an, traduisant un changement dâĂ©tat dâesprit plus profond.
Ce bouleversement est aussi portĂ© par les jeunes gĂ©nĂ©rations, trĂšs influencĂ©es par les rĂ©seaux sociaux et la culture du bien-ĂȘtre. La santĂ© digestive, le contrĂŽle du poids, la rĂ©duction du sucre ou encore les bĂ©nĂ©fices cognitifs deviennent des arguments commerciaux plus forts que le goĂ»t ou le plaisir immĂ©diat. Des marques comme Poppi (sodas prĂ©biotiques) ou Olipop connaissent une croissance rapide, tandis que les gĂ©ants historiques tentent de sâadapter en rachetant ou dĂ©veloppant des lignes de produits alignĂ©es sur ces nouvelles attentes.
Toutefois, rĂ©duire la transformation du marchĂ© du snacking Ă lâimpact de lâOzempic serait rĂ©ducteur. Il sâagit dâun signal parmi dâautres dans une Ă©volution multifactorielle : progrĂšs scientifiques, normes esthĂ©tiques, conscience Ă©cologique, digitalisation de la nutrition⊠autant de forces qui redessinent les frontiĂšres entre alimentation, santĂ© et style de vie.
Pour les marques traditionnelles, le dĂ©fi est dĂ©sormais double : innover tout en prĂ©servant leur ADN, et recrĂ©er du dĂ©sir autour de produits perçus comme superflus. Dans un monde oĂč lâinstant de grignotage devient suspect, survivre passera par une redĂ©finition en profondeur de ce que signifie « snacker ».
Ipsos, Les Français et la gastronomie
LâĂ©tude met en lumiĂšre plusieurs aspects clĂ©s de la relation entre les Français et leur patrimoine culinaire. Voici les principaux points Ă retenir :
⹠Fierté nationale pour la gastronomie : Une écrasante majorité de Français (92%) exprime une bonne opinion de la gastronomie nationale, témoignant de son importance culturelle.
⹠Régions perçues comme gastronomiques : Le Sud-Ouest (41%), la région lyonnaise (33%) et la Bretagne (26%) sont considérées comme les régions les plus riches sur le plan gastronomique.
âą Plats emblĂ©matiques : Le bĆuf bourguignon (39%), le cassoulet (31%) et la blanquette de veau (22%) sont identifiĂ©s comme les plats reprĂ©sentant le mieux la France Ă lâinternational.
⹠Consommation de plats traditionnels : 71% des Français consomment des plats traditionnels français au moins une fois par semaine, privilégiant la préparation maison (70%) plutÎt que la consommation au restaurant.
⹠Fréquentation des restaurants : En dehors des déjeuners professionnels, 39% des Français déclarent se rendre au restaurant au moins plusieurs fois par mois.
âą Consultation des avis en ligne : Avant de choisir un restaurant, 62% des Français consultent des avis, principalement via Google Maps (53%) et TripAdvisor (45%), tandis que le bouche-Ă -oreille reste une source dâinformation significative (42%).
âą NotoriĂ©tĂ© du Guide Michelin : Le Guide Michelin et ses Ă©toiles jouissent dâune forte reconnaissance, avec 89% des Français dĂ©clarant les connaĂźtre.
âą ExpĂ©rience des restaurants Ă©toilĂ©s : 42% des Français ont dĂ©jĂ dĂźnĂ© dans un restaurant Ă©toilĂ© Michelin, et parmi eux, 82% estiment que lâexpĂ©rience Ă©tait Ă la hauteur de leurs attentes.
âą Chefs cuisiniers prĂ©fĂ©rĂ©s : Cyril Lignac (43%) et Philippe Etchebest (41%) sont les chefs les plus apprĂ©ciĂ©s, suivis dâAlain Ducasse (25%) et dâAnne-Sophie Pic (19%), premiĂšre femme du classement.
Merci Ă Camille de la newsletter French Flair (& Food) pour lâinformation.
Hugo Le MaraĂźcher (marque dâAlterfood) signe son grand retour avec une nouvelle vision des cocktails sans alcool. Pour plus dâinfo ça se passe ici.
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A la semaine prochaine!
O. Frey