🌾🍇🐄 Eat's business 🍕🍷🧀 2024-28
Bonjour à toutes et à tous, Eat's Business est une newsletter dans laquelle vous trouverez une revue de presse de quelques articles sur le monde de l’alimentaire qui m’ont semblé intéressants dans la semaine précédente.
Pour ceux qui veulent la formule ristretto, les 3 articles que je vous conseille de lire en priorité cette semaine sont :
Libération, Sur les réseaux sociaux, un marketing de l’alcool omniprésent qui vise les jeunes, 26/09/2024
Les Échos, La protéine alimentaire qui peut tout changer pour le climat, 03/10/2024
Inc, This Company Is Out to Shift How 98 Million American Adults Eat. Big Food Wants In, 30/09/2024
Bonne lecture et bonne semaine à toutes et à tous!
Pour celles et ceux d’entre vous qui ont plus de temps pour la formule lungo :
Encore un peu d’autopromo cette semaine.
Si vous avez un produit ou une annonce à passer, cet encart peut être pour vous. Ecrivez moi pour discuter des modalités.
Rapport disponible à la vente ici : www.tendancesfood.com
Le Monde, Moez-Alexandre Zouari s’empare de la totalité des surgelés Picard, 30/09/2024
Moez-Alexandre Zouari, figure montante de la distribution française, s'apprête à prendre le contrôle total de l'enseigne de surgelés Picard. Le groupe IGZ (Invest Groupe Zouari) a annoncé cette semaine avoir signé une promesse d'achat pour acquérir les 51% restants du capital détenus par le fonds britannique Lion Capital. Cette transaction, dont le montant reste confidentiel, devrait être finalisée d'ici mars 2025. L'opération valoriserait Picard entre 9 et 10 fois son EBITDA, pour une valeur estimée à plus de 2 milliards d'euros. Avec 1 185 points de vente et un chiffre d'affaires de 1,8 milliard d'euros en 2023, Picard est le leader incontesté du marché français des surgelés.
Pour Zouari, 53 ans, cette acquisition marque l'aboutissement d'une stratégie entamée en 2020 lorsqu'il est entré au capital de Picard. Parti d'un simple Franprix en franchise en 2000, l'homme d'affaires s'est progressivement imposé dans le secteur de la distribution. Il possède déjà les enseignes Maxi Bazar et Stokomani, et détient des parts dans Teract, qui exploite notamment Gamm Vert et Jardiland.
L'histoire de Picard remonte à 1906, avec les Glacières de Fontainebleau. L'entreprise a pris son essor sous la direction de Raymond Picard dans les années 1960, se spécialisant dans la vente de congélateurs et de produits surgelés.
La négociation pour le rachat total de Picard illustre l'audace de Zouari. En 2020, lors d'une brève rencontre avec Lyndon Lea de Lion Capital, il a su convaincre le financier britannique de lui accorder une option d'achat, promettant d'améliorer la performance de l'entreprise plutôt que de simplement réduire les coûts.
Cette acquisition s'inscrit dans un contexte plus large des ambitions de Zouari dans la distribution française. Il avait notamment participé, aux côtés de Xavier Niel et Matthieu Pigasse, à la tentative de rachat du groupe Casino en 2023, une opération qui s'est finalement soldée par un échec face à Daniel Kretinsky. Avec cette prise de contrôle de Picard, Moez-Alexandre Zouari consolide sa position dans le paysage de la distribution française, démontrant sa capacité à mener à bien des opérations d'envergure dans un secteur hautement concurrentiel.
Libération, Sur les réseaux sociaux, un marketing de l’alcool omniprésent qui vise les jeunes, 26/09/2024
Un rapport alarmant d'Addictions France met en lumière l'omniprésence du marketing de l'alcool sur les réseaux sociaux, ciblant particulièrement les jeunes. L'étude a été menée sur deux ans et demi, principalement sur TikTok et Instagram.
Malgré l'encadrement du marketing de l'alcool par la loi Evin depuis 1991, l'autorisation en 2009 de la publicité sur Internet a ouvert la voie à une présence massive sur les réseaux sociaux. Avec 82% des 15-25 ans qui utilisent quotidiennement ces plateformes, les marques d'alcool disposent d'un terrain de jeu idéal pour séduire ce public influençable. L'étude recense 10 963 contenus émis par des marques et influenceurs, dont plus de 5 500 créés par 483 influenceurs. Au total, 802 marques d'alcool ont été identifiées, principalement des bières et spiritueux. Les grands noms de l'industrie, tels que Ricard, Bombay Sapphire ou Moët & Chandon, sont les plus actifs dans ces campagnes marketing. Face à cette situation, les actions juridiques semblent peu efficaces. En février 2023, Meta a été condamné à retirer 37 publications jugées illicites, mais la procédure s'est avérée longue et complexe. De plus, les sanctions restent peu dissuasives : l'amende maximale de 75 000 euros est dérisoire pour des groupes industriels qui investissent des millions dans leurs campagnes publicitaires.
Addictions France souligne que la visibilité des contenus est renforcée par les interactions des utilisateurs, qui crééent une image positive de la consommation d'alcool chez les jeunes. L'association plaide pour une interdiction totale de la publicité pour l'alcool sur les réseaux sociaux, estimant que c'est la seule solution vraiment efficace. Ce rapport soulève des questions cruciales sur la régulation du marketing de l'alcool à l'ère numérique. Il met en évidence le décalage entre une législation conçue pour les médias traditionnels et la réalité des plateformes sociales, où le contrôle des contenus est particulièrement difficile. Face à l'ingéniosité des stratégies marketing et à la rapidité de diffusion des contenus en ligne, les autorités et les associations de santé publique sont confrontées à un défi de taille pour protéger efficacement les jeunes de l'influence de l'industrie de l'alcool.
Libération, Fish and chips, sausage rolls, scotch eggs... Paris, nouveau terrain de jeu de la gastronomie britannique, 28/09/2024
La gastronomie britannique gagne du terrain à Paris, démentant les préjugés longtemps ancrés sur la qualité de la cuisine d'outre-Manche. Cette tendance se manifeste par l'ouverture récente de plusieurs établissements proposant des spécialités typiquement britanniques dans la capitale française. En mars dernier, le chef anglais Calum Franklin a inauguré Public House, un restaurant dédié à la cuisine britannique dans le quartier de l'Opéra. Malgré un accueil mitigé de la presse, l'établissement attire une clientèle nombreuse. Dans le XVIIe arrondissement, Alexandre Chapier, un chef français ayant travaillé à Londres, a lancé The Blossom Arms, un pub authentique proposant notamment un fish and chips de qualité. Ces ouvertures s'inscrivent dans un mouvement plus large, avec l'arrivée d'autres enseignes comme Very French Beans et The Project Sausage, spécialisées respectivement dans les tourtes anglaises et les feuilletés à la saucisse. Elles viennent compléter une offre jusqu'alors limitée à quelques établissements historiques comme le bistrot l'Entente ou le pub écossais The Auld Alliance.
Selon Calum Franklin, ce regain d'intérêt pour la cuisine britannique à Paris s'explique notamment par l'évolution des habitudes de la jeune génération, plus encline à voyager et à découvrir de nouvelles saveurs. Ben Mervis, historien de la gastronomie, souligne quant à lui l'impact de la pandémie de Covid-19, qui aurait favorisé un retour à une cuisine plus simple et réconfortante. Les chefs interrogés reconnaissent que la cuisine britannique a longtemps souffert d'une mauvaise réputation, en partie méritée, due à l'industrialisation et à la perte de traditions culinaires après la Seconde Guerre mondiale. Cependant, ils mettent en avant les liens historiques entre les cuisines française et britannique, ainsi que la richesse de la tradition gastronomique d'outre-Manche.
Les Échos, Lesaffre ouvre de nouvelles usines face à la hausse mondiale de la demande de pain, 02/09/2024
Lesaffre, le leader mondial de la levure, poursuit son expansion internationale en réponse à la demande croissante de pain dans le monde. Avec un chiffre d'affaires en hausse de 11% l'an dernier, à 3 milliards d'euros, Lesaffre fournit déjà des levures pour un pain sur trois dans le monde. Le groupe prévoit d'ouvrir de nouveaux sites de production en Indonésie, en France et au Brésil. De plus, il vient d'acquérir Biorigin, une société brésilienne spécialisée dans les dérivés de levures et les ingrédients aromatiques naturels.
Brice-Audren Riché, directeur général de Lesaffre, souligne l'importance d'une stratégie équilibrée entre croissance organique et externe. Le groupe, qui possède actuellement 80 usines dans 50 pays, vise à produire au plus près de ses marchés pour répondre à la demande locale. La panification reste le cœur de métier de Lesaffre, et représente deux tiers de ses ventes. Cette activité bénéficie de la croissance démographique mondiale et de l'évolution des habitudes alimentaires. Bien que la consommation de pain stagne dans les pays développés, la demande de produits diversifiés et de qualité augmente. En parallèle, Lesaffre développe ses activités dans le domaine de la santé humaine et du bien-être. Le groupe prévoit notamment la construction d'une usine à Denain (Nord) pour produire de la chondroïtine par fermentation, une alternative plus éthique et efficace aux produits d'origine animale.
L'entreprise mise également sur le secteur du plaisir alimentaire, en produisant des dérivés de levures pour rehausser les goûts dans divers produits alimentaires. Cette activité répond à la demande croissante de naturalité et à la volonté de réduire la teneur en sel des aliments. Lesaffre adapte sa stratégie aux spécificités de chaque marché, reconnaissant la diversité des cultures du pain à travers le monde. L'ouverture d'une nouvelle usine en Indonésie, par exemple, vise à répondre à la demande croissante en Asie, où le groupe est présent depuis plus de 30 ans.
Le Figaro, Moët Hennessy se lance dans le vin désalcoolisé premium en investissant dans French Bloom, 01/10/2024
Le marché des boissons sans alcool connaît un essor remarquable en 2024, comme en témoigne l'investissement stratégique de Moët Hennessy dans French Bloom, une marque de vin sans alcool haut de gamme. Cette prise de participation minoritaire de 31,6% par la division vins et spiritueux de LVMH marque un tournant dans l'industrie des boissons de luxe.
Fondée en 2019 par Rodolphe et Maggie Frèrejean-Taittinger, en collaboration avec la top-modèle Constance Jablonski, la marque French Bloom s'est rapidement imposée comme un acteur incontournable du marché des boissons sans alcool de luxe. Elle a écoulé près de 500 000 bouteilles cette année et cible principalement une clientèle âgée de 21 à 45 ans, soucieuse de réduire sa consommation d'alcool sans sacrifier sa vie sociale. Cette tendance, baptisée "flexidrinking", reflète une évolution des comportements de consommation, particulièrement marquée chez les générations Y et Z. Elle se caractérise par une alternance entre boissons alcoolisées et non alcoolisées, selon les moments et l'humeur.
French Bloom se distingue par son positionnement unique, alliant luxe, mode et terroir. La marque propose des produits haut de gamme, avec une cuvée phare vendue à 109 euros, et met en avant ses terres de production à Limoux, dans l'Aude. Sa stratégie de communication soignée, mêlant glamour et nature sauvage, contribue à son succès. Pour Moët Hennessy, cet investissement s'inscrit dans une démarche d'innovation et de diversification. Philippe Schaus, PDG de la maison, souligne l'importance de cette collaboration pour façonner l'avenir de la catégorie des boissons sans alcool de luxe. Cette initiative fait suite à d'autres lancements récents, comme le whisky SirDavis de Beyoncé, démontrant la volonté du groupe de s'adresser à de nouveaux publics.
L'engouement pour les boissons sans alcool se manifeste également à travers des événements comme le "Sober October" et le "Dry January", des périodes d'abstinence de plus en plus suivies. French Bloom ambitionne de devenir la boisson de référence pour ces occasions. Le sans alcool s'impose désormais comme un segment incontournable de l'industrie des boissons, alliant prestige et bien-être.
Les Échos, Un tiers des entreprises de charcuterie dans le rouge, selon la Banque de France, 01/10/2024
Le secteur de la charcuterie française traverse une crise profonde, selon une étude récente de la Banque de France. La situation financière des entreprises s'est considérablement détériorée en 2023, avec un tiers d'entre elles qui sont désormais dans le rouge, contre 25% l'année précédente. La Fédération des entreprises françaises de charcuterie traiteur (FICT) tire la sonnette d'alarme, soulignant que les premiers indicateurs de 2024 ne laissent pas présager d'amélioration. Le secteur peine à répercuter la hausse des coûts de production, notamment ceux du porc, de l'énergie et des salaires.
Les chiffres sont alarmants : le taux de marge nette a chuté de 65% en deux ans, passant de 2,6% du chiffre d'affaires en 2021 à seulement 0,9% en 2023. La trésorerie nette s'est réduite de moitié, ne représentant plus que quinze jours de chiffre d'affaires. L'investissement a également reculé de 33% sur deux ans.
Cette situation fragilise la compétitivité des entreprises françaises face à la concurrence étrangère, alors qu'une référence de charcuterie sur cinq est déjà importée. Les premiers mois de 2024 confirment cette tendance négative, avec une augmentation significative des incapacités de paiement. Face à ces difficultés, la FICT appelle les distributeurs à faire un effort sur les tarifs lors des négociations commerciales. Elle souligne que le rayon charcuterie est la meilleure source de marge nette pour la grande distribution, avec un taux six fois supérieur à la moyenne des autres rayons.
Le secteur demande également l'exclusion des entreprises de charcuterie des négociations des centrales européennes, compte tenu de leur impact sur les filières agricoles françaises. Il insiste sur le maintien de la date butoir du 1er mars pour les négociations tarifaires et le renforcement de la clause de révision des prix.
Cette crise soulève des inquiétudes quant à l'avenir de la filière charcutière française, qui transforme près des trois quarts de la viande de porc produite dans le pays. Les entreprises craignent un nouvel affaiblissement des PME avec le retour des discussions sur la loi EGALIM. L'enjeu est donc de trouver un équilibre entre la préservation de la compétitivité des entreprises françaises de charcuterie, le maintien de prix accessibles pour les consommateurs, et une rémunération équitable pour l'ensemble des acteurs de la filière, du producteur au distributeur.
Les Échos, Le succès fou des chips Brets met son fabricant breton en surchauffe, 01/10/2024
Le fabricant breton de chips Altho, connu pour sa marque Brets, connaît une croissance fulgurante sur le marché français. Malgré l'inflation, l'entreprise a vu son chiffre d'affaires bondir de 37% en 2023, pour atteindre 280 millions d'euros. Cette progression spectaculaire devrait se poursuivre en 2024, avec une prévision de croissance de 11%, portant le chiffre d'affaires à 310 millions d'euros.
Fondée en 1995 à Pontivy, dans le Morbihan, la marque Brets s'est hissée à la deuxième place du marché français, derrière le géant Lays. Avec 19,4% de parts de marché, Brets a su séduire les consommateurs grâce à une stratégie d'innovation audacieuse et des saveurs originales comme le pastis, le bleu d'Auvergne, ou encore la tartiflette. Le succès de Brets repose également sur son engagement en matière de RSE et mise sur des ingrédients naturels et une fabrication locale. Cette approche séduit particulièrement les jeunes adultes, très actifs sur les réseaux sociaux où la marque est fortement présente.
Face à cette demande croissante, Altho doit relever de nouveaux défis. L'entreprise prévoit la construction d'une troisième usine à Pontivy, dont l'ouverture est prévue pour la fin du premier trimestre 2026. Cette nouvelle unité permettra d'augmenter la production de 15 000 tonnes de chips par an, s'ajoutant aux 52 000 tonnes actuellement produites. Pour répondre à ses besoins en matières premières, Altho cherche également à sécuriser ses approvisionnements en pommes de terre. L'entreprise vise à recruter de nouveaux agriculteurs pour cultiver 1 000 hectares supplémentaires d'ici fin 2025. Pour attirer ces producteurs, Brets a adopté le label Agri-Ethique, garantissant une juste rémunération des agriculteurs et favorisant des pratiques culturales plus durables. Actuellement, Altho travaille avec 350 agriculteurs, principalement en Bretagne, où la culture de la pomme de terre est souvent une activité complémentaire pour les éleveurs laitiers. L'entreprise fournit le matériel nécessaire en location, facilitant ainsi la diversification des exploitations. Malgré ces efforts, Altho doit encore acheter 20% de ses pommes de terre à des négociants. L'objectif à terme est d'atteindre 100% d'approvisionnement local pour une filière totalement intégrée, garantissant ainsi la qualité et la traçabilité de ses produits.
Les Échos, La protéine alimentaire qui peut tout changer pour le climat, 03/10/2024
La start-up américaine Nature's Fynd ambitionne de transformer l'industrie alimentaire grâce à une protéine végétale issue d'un micro-organisme découvert dans le parc national de Yellowstone. Baptisée Fy, cette protéine polyvalente a déjà conquis les rayons des supermarchés Whole Foods aux États-Unis. Depuis 2021, elle est déclinée en fromage frais, saucisses végétales et yaourts aux fruits. Mais ce n'est que le début : burgers, crèmes dessert et sauces font partie des nombreuses possibilités envisagées par l'entreprise.
À la tête de Nature's Fynd, on trouve Thomas Jonas, un entrepreneur français installé outre-Atlantique. Il compare volontiers la versatilité de Fy à celle d'une vache, capable de produire à la fois du lait et de la viande. L'usine pilote de l'entreprise, située symboliquement dans l'ancien quartier des abattoirs de Chicago, utilise un procédé de fermentation high-tech pour cultiver la protéine. Les avantages de Fy sont multiples : un profil nutritionnel complet, un goût neutre, et surtout un impact environnemental réduit. Selon l'entreprise, sa production nécessiterait 99% moins d'eau et de terres qu'un système agricole classique, tout en émettant nettement moins de gaz à effet de serre.
L'histoire de Nature's Fynd a débuté en 2009 avec la découverte du micro-organisme par le chercheur Mark Kozubal. Initialement destiné à la production de biocarburants, le projet a pivoté vers l'alimentation, nécessitant des années de R&D avant d'obtenir l'homologation de la FDA en 2021. Soutenue par des investisseurs de renom tels que Bill Gates, Jeff Bezos et Al Gore, la start-up a déjà levé plus de 450 millions d'euros. Elle collabore même avec le chef étoilé Eric Ripert pour développer de nouvelles recettes. Malgré un marché des produits végétaux en recul aux États-Unis, Nature's Fynd mise sur le goût et l'impact environnemental de ses produits pour convaincre les consommateurs. Thomas Jonas rappelle que l'histoire de l'alimentation est jalonnée de nouveautés d'abord perçues comme étranges avant d'être largement adoptées.
Libération, Interdiction du terme de «steak» végétal : la France contredite par la justice européenne, 04/10/2024
La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a rendu ce vendredi une décision majeure concernant l'étiquetage des produits végétaux. Elle statue qu'un État membre de l'UE ne peut pas interdire l'utilisation de termes tels que "steak", "saucisse" ou "bacon" pour désigner des alternatives végétales à la viande. Cette décision représente un revers significatif pour la France, qui avait tenté à deux reprises d'imposer une telle interdiction. En juin 2022 et février 2024, le gouvernement français avait publié des décrets visant à bannir l'utilisation de dénominations animales pour les produits végétaux, répondant ainsi à une demande de longue date de la filière animale.
Selon la CJUE, la réglementation européenne en vigueur "protège suffisamment les consommateurs" et ce, même lorsqu'un ingrédient attendu est entièrement remplacé. L'arrêt précise qu'un État membre ne peut empêcher, par une "interdiction générale et abstraite", l'utilisation de "noms usuels ou descriptifs" pour les aliments à base de protéines végétales. Cette décision fait suite à la suspension en référé des deux décrets français par le Conseil d'État, qui attendait le verdict de la CJUE sur leur conformité avec le règlement européen. Le juge des référés avait notamment souligné que ces textes portaient "une atteinte grave et immédiate aux intérêts des industriels" français du secteur.
La nouvelle est accueillie avec enthousiasme par les acteurs de l'industrie végétarienne et végétalienne. L'Association végétarienne de France (AVF) se félicite de cette décision, la qualifiant de rappel que "les consommateurs sont déjà informés" et qu'il n'y a pas lieu de "contrôler insidieusement leurs choix". Cependant, la bataille n'est peut-être pas terminée. L'arrêt laisse une porte ouverte aux autorités nationales pour poursuivre au cas par cas les exploitants dont les modalités de vente ou de promotion d'un produit induiraient en erreur le consommateur. Pour les lobbys pro-viande, une interdiction générale reste possible mais complexe. Elle nécessiterait de définir légalement des termes comme "steak" ou "saucisse", une tâche ardue compte tenu des différences culturelles et linguistiques au sein de l'UE.
Inc, This Company Is Out to Shift How 98 Million American Adults Eat. Big Food Wants In, 30/09/2024
Noosheen Hashemi, cofondatrice et PDG de January AI, a une ambition claire : aider les 98 millions d’Américains prédiabétiques à mieux gérer leur taux de sucre dans le sang. Pour cela, elle a développé une application, January, permettant de visualiser l’impact des aliments sur la glycémie sans porter de dispositif de surveillance en continu. Lancée au Consumer Electronics Show en début d’année, l’application a déjà été téléchargée 80 000 fois. Disponible en version gratuite et premium (9,99 $ par mois), January utilise l’intelligence artificielle pour prédire les réactions glycémiques des utilisateurs, en se basant sur leurs données physiologiques et démographiques, ainsi que sur une bibliothèque de 32 millions d’aliments.
La tendance actuelle autour des régimes faibles en sucre et la popularité croissante des outils de gestion du glucose positionnent bien cette application sur le marché, selon Jenny Zegler, directrice de la recherche alimentaire chez Mintel. Le potentiel de January a d’ailleurs suscité l’intérêt des géants de l’agroalimentaire, avec des collaborations pilotes lancées en 2023 avec Nestlé et Mars pour explorer la personnalisation nutritionnelle et optimiser la R&D grâce à l’IA.
Noosheen Hashemi, forte de son expérience dans le secteur technologique et inspirée par ses propres questions sur la santé, a fondé January AI en 2017 avec Michael Snyder, expert en multiomique. L’objectif : créer un “twin digital” pour aider les utilisateurs à maintenir leur santé métabolique sans recourir à un moniteur de glucose en continu, généralement coûteux et peu pratique à porter. L’application, après des études impliquant des milliers de personnes, fournit une analyse nutritionnelle complète des aliments consommés ou envisagés, permettant aux utilisateurs de mieux gérer leur alimentation.
Cependant, l’application fait face à des défis. Les niveaux de glucose varient énormément selon les individus, en fonction de facteurs comme l’heure des repas, les hormones ou encore le microbiome intestinal, ce qui complexifie les prévisions. Michael Shanler, analyste chez Gartner, souligne que January devra s’assurer que ses résultats restent pertinents malgré les changements physiologiques des utilisateurs au fil du temps.
L’impact potentiel de cette technologie pourrait aussi pousser les fabricants de produits alimentaires à repenser leurs étiquettes et leur composition. Malgré les résistances de l’industrie, Noosheen Hashemi reste confiante sur le fait que les habitudes alimentaires vont évoluer : « Je sais que cela va arriver, c’est seulement une question de temps. »
Eater, For Restaurant Owners, Climate Disruptions Mean Even More Uncertainty, 30/09/2024
Les perturbations liées au changement climatique affectent de plus en plus l’approvisionnement des restaurants, forçant chefs et propriétaires à s’adapter rapidement. Peter Platt, propriétaire du restaurant péruvien Andina à Portland, a retiré le saumon de son menu en raison de sa raréfaction sur la côte Pacifique, causée par le réchauffement des eaux et la sécheresse affectant les populations de poissons. D’autres produits alimentaires souffrent également des conséquences du changement climatique. Les rendements de cacao diminuent à cause des modifications de pluie et des invasions de parasites, et le café pourrait perdre jusqu’à 50% de ses terres adaptées d’ici 2050. La moutarde, elle, a connu une flambée de prix en 2021 après une sécheresse au Canada, principal producteur de graines brunes.
Pour les restaurateurs comme Ayad Sinawi, de Mabu Kitchen à Philadelphie, la volatilité des coûts des ingrédients complique le maintien d’un modèle économique stable. Par exemple, le prix des œufs a connu de fortes variations, causées en partie par une épidémie de grippe aviaire exacerbée par le changement climatique. Les frais généraux, tels que la collecte des déchets, augmentent également, contribuant à l’incertitude globale pour les petites entreprises.
Selon un rapport de 2024 du Global Food Institute, un quart des restaurants indépendants échouent dès la première année, impactés par les perturbations climatiques qui provoquent des pénuries d’ingrédients, des pannes de courant, et des hausses de prix imprévisibles. Tara A. Scully, l’une des auteurs du rapport, souligne que les tempêtes, incendies et inondations ont augmenté respectivement de 19%, 23%, et 29% entre 2020 et 2023, augmentant les défis pour le secteur.
Face à ces perturbations, certains chefs privilégient des approvisionnements locaux. Peter Platt, par exemple, collabore avec une ferme en Oregon pour cultiver localement des piments ají, afin de diversifier ses sources et réduire sa dépendance aux importations affectées par le climat. Toutefois, se fournir localement n’est pas toujours une garantie de stabilité, car des événements climatiques extrêmes, comme la sécheresse au Texas en 2011, peuvent tout de même perturber l’approvisionnement.
Les prix élevés de la viande, de la volaille et des poissons poussent de nombreux restaurants à proposer davantage de plats à base de plantes. Peter Platt note que la hausse des prix des protéines et les préoccupations éthiques poussent les clients à opter pour des menus végétariens. Tara A. Scully ajoute que les clients, notamment les plus jeunes, sont de plus en plus prêts à payer pour des plats à base de légumes, meilleurs pour la santé et pour la planète, tout en permettant aux chefs de faire preuve de créativité.
New York Times, The Truth About Tuna, 30/09/2024
Sur le plan nutritionnel, le thon est une source de protéines, de vitamines et de minéraux, notamment de sélénium. Toutefois, la principale inquiétude pour la santé humaine concerne le mercure, un neurotoxique présent dans la chaîne alimentaire marine. La concentration en mercure varie selon les espèces : le thon skipjack, souvent le moins cher, en contient très peu, tandis que l’albacore, le yellowfin et surtout le thon rouge en possèdent beaucoup plus. Pour les femmes enceintes et les enfants, la FDA (l'équivalent américain de notre Agence du médicament) recommande de limiter la consommation de thon à trois portions de “light” (NDLR : une combinaison de skipjack et d’albacore) par semaine ou une portion d’albacore ou de yellowfin. Bien que les cas d’empoisonnement au mercure soient rares, les experts suggèrent que les consommateurs réguliers de thon prennent en compte ces recommandations.
En ce qui concerne l’environnement, la pêche du thon a des impacts variés. Les plus petites espèces, comme le skipjack ou l’albacore, sont souvent capturées à grande échelle, dévastant les écosystèmes marins. Néanmoins, la pêche à la ligne individuelle, plus respectueuse de l’environnement, gagne du terrain pour certains produits haut de gamme. La situation est plus préoccupante pour les grandes espèces comme le thon rouge, dont la population est à seulement 10 % de son niveau historique, malgré une légère reprise ces dernières années.
Pour une consommation plus durable, il est conseillé de privilégier les thons pêchés à la ligne ou portant des labels comme celui du Marine Stewardship Council. Les experts recommandent d’éviter les thons provenant de l’océan Indien où la réglementation est moins stricte. Par ailleurs, la consommation de thon “light” en conserve, qui contient généralement du skipjack, est plus respectueuse de l’environnement et plus sûre au niveau du mercure que d’autres types.
Financial Times, All together now: Copenhagen’s growing appetite for communal dining, 01/10/2024
À Copenhague, la pratique danoise du « fællesspisning » — un repas partagé entre inconnus — connaît un véritable renouveau. Ce concept consiste à partager un repas de style familial, où les convives se servent et s’entraident pour les tâches, comme au sein de la communauté Absalon, dans le quartier de Vesterbro. Le but ? Créer des liens autour de la table, encourager la discussion et rompre la solitude qui touche de nombreux habitants. Depuis la pandémie, ces repas communs ont gagné en popularité, selon Sally Hellborn Hansen, cheffe d’Absalon, avec une augmentation continue du nombre de participants.
L’idée du « fællesspisning » remonte à 1859, avec l’ouverture des premiers « folkekøkken » (cuisines populaires) destinés à fournir une alimentation saine et abordable aux plus démunis. Après avoir décliné au fil du temps, ces cuisines connaissent aujourd’hui un regain d’intérêt, notamment à Copenhague, où des événements de repas communautaires se multiplient. La ville accueille aujourd’hui des formes variées de « fællesspisning », du centre culturel KraftWerket, promouvant le végétalisme, à Send Flere Krydderier, un café social où des migrantes proposent des plats de leurs pays d’origine.
À une époque marquée par la montée de l’isolement social, ces repas partagés offrent un remède à la solitude, comme le souligne Mille Nielsen, une habituée d’Absalon. Pour elle, ces repas permettent de rencontrer facilement de nouvelles personnes dans un cadre chaleureux et inclusif. Cette pratique s’ouvre à tous les âges et horizons : étudiants, familles, touristes ou encore professionnels de tous secteurs. Hellborn Hansen, cheffe de la communauté Absalon, aspire à ce que la « fællesspisning » reste diversifiée et accessible à chacun, un souhait qui se manifeste dans la grande variété de plats proposés, allant de la salade de taboulé libanaise à des plats végétariens raffinés.
En dépit de ses origines charitables, la « fællesspisning » d’aujourd’hui s’adresse aussi à ceux qui cherchent à manger sainement sans dépenser une fortune. Les repas, cuisinés en grande quantité, coûtent entre 20 et 100 couronnes danoises (de 3 à 13 euros), ce qui les rend abordables dans une ville où la vie est chère. Pourtant, malgré son succès grandissant, Absalon continue de fonctionner à perte, espérant atteindre la durabilité financière cette année.
Fast Company, Trump, Harris, and McDonald’s: How burgers and fries became core to the election, 27/09/2024
Dans la course à la présidentielle de 2024, McDonald’s se retrouve au centre de l’attention. Les deux principaux candidats utilisent cette marque comme symbole de l’Amérique populaire, chaque camp tentant de s’approprier la culture des burgers et des frites.
Donald Trump a récemment attaqué la vice-présidente Kamala Harris sur son expérience de travail chez McDonald’s pendant ses études. Il a affirmé, à tort, qu’elle n’avait jamais travaillé pour la chaîne, en se moquant de ses affirmations sur son emploi d’été. De son côté, Harris met en avant son passage chez McDonald’s pour illustrer ses origines modestes et sa proximité avec la classe moyenne. Cette anecdote personnelle, déjà mentionnée lors de sa campagne de 2019, est devenue une nouvelle cible pour le camp Trump, qui cherche à discréditer son parcours.
Cette polémique s’inscrit dans une tendance plus large où McDonald’s devient un baromètre de l’économie américaine. Le coût des menus, notamment face à l’inflation, est devenu un sujet de débat national. La hausse des prix des produits, comme le Big Mac ou les hash browns, a été citée comme preuve des politiques économiques contestées. La chaîne a même été poussée à proposer des menus à prix réduit pour apaiser les craintes liées à l’inflation.
La question du salaire minimum en Californie, fixé à 20 dollars de l’heure, a également été discutée à travers l’impact potentiel sur les franchises McDonald’s, suscitant des craintes de hausse des prix ou de fermetures de points de vente. La marque sert donc de point de référence pour comprendre l’impact de ces politiques sur les travailleurs et l’économie.
L’association symbolique de McDonald’s avec l’Amérique va au-delà de l’économie. William McGurn, ancien rédacteur de discours de George W. Bush, a souligné que Harris incarne le “rêve américain” à travers son parcours, depuis un travail d’été chez McDonald’s jusqu’à la vice-présidence. Ce récit renforce l’image de l’entreprise comme moteur d’ascension sociale, même si certains critiquent les politiques de la chaîne en matière de salaires et d’emploi.
New York Times, Restaurant Portions Are About to Get Smaller. Are Americans Ready?, 24/09/2024
Depuis les années 1980, les portions servies dans les restaurants américains ont considérablement augmenté malgré la multiplication des campagnes de santé publique. Mais aujourd’hui, des facteurs tels que l’économie, la démographie et la conscience climatique poussent à reconsidérer ces tailles de portions.
Selon un rapport de la National Restaurant Association, 75 % des clients souhaitent des portions plus petites et moins chères. Certaines chaînes comme Subway ou Burger King ont déjà commencé à proposer des options réduites. En parallèle, la Portion Balance Coalition mène une étude pour aider les restaurants à ajuster leurs offres sans décevoir les clients.
La réduction des portions s’inscrit également dans une démarche environnementale : 40 % de la nourriture servie dans les restaurants finit à la poubelle. Les réglementations visant à limiter le gaspillage alimentaire, notamment en Californie, influencent cette tendance. De plus, la “snackification” gagne du terrain, surtout chez les jeunes qui privilégient la qualité des ingrédients et l’impact environnemental.
Cependant, réduire les portions reste difficile, car la perception de ce qu’est une portion “normale” a été biaisée par des années de surabondance. Malgré cela, certaines initiatives, comme un menu “équilibré” introduit en Californie avec des plats à moins de 700 calories, semblent séduire les clients.
New Yorker, A Food Critic Walks Into a Fasting Spa, 30/09/2024
Los Angeles s'impose comme l'épicentre des tendances alimentaires et du bien-être, incarnant une culture du "mieux manger" parfois poussée à l'extrême. Hannah Goldfield, critique culinaire récemment installée dans la ville, explore ce phénomène à travers deux institutions emblématiques : l'épicerie Erewhon et le spa de jeûne We Care.
Erewhon, chaîne d'épiceries haut de gamme, est devenue le symbole d'une quête effrénée de santé et de bien-être. Ses rayons offrent un panorama des obsessions alimentaires contemporaines, de l'huile d'algue aux smoothies enrichis en colostrum bovin. Cette diversité reflète deux écoles de pensée opposées : le régime végétalien d'un côté, et de l'autre, une approche prônant la consommation de produits issus d'un maximum d'animaux différents.
L'attrait de la Californie du Sud pour ces expérimentations alimentaires n'est pas nouveau. Dès la fin du XIXe siècle, la région attirait malades et guérisseurs, favorisant l'émergence de mouvements marginaux. L'industrie agroalimentaire locale a également joué un rôle clé, commercialisant très tôt l'idée d'une "alimentation santé".
L'essor d'Hollywood a amplifié ce phénomène, les acteurs cherchant à maintenir leur vitalité et les fans voulant copier le régime des stars. Dans les années 70, le mouvement hippie a contribué à l'émergence d'une approche plus holistique du bien-être, ouvrant la voie à sa commercialisation actuelle.
De son côté, We Care Spa, près de Palm Springs, pousse le concept encore plus loin en proposant des cures de jeûne. Fondé il y a près de 40 ans par Susana Belen, l'établissement a vu sa popularité exploser depuis 2020. Les clients, majoritairement des femmes blanches aisées, y cherchent une forme de transcendance corporelle à travers un régime strict de boissons et de suppléments.
Cette quête du bien-être en Californie reflète une certaine conviction d'être "en avance" sur le reste du monde. Comme l'exprime une cliente du spa : "C'est parce que nous sommes des années-lumière en avance sur tout le monde, parce que nous suivons notre intuition. Une intelligence supérieure."
Bien que sceptique au départ, la journaliste admet se sentir bien après son séjour au spa, tout en reconnaissant que cela pourrait simplement être dû à une nuit de sommeil sans ses enfants...
Addictions France, Promotion de l’Alcool. Les Réseaux Sociaux, Un Nouveau Far West, Septembre 2024
En France, la consommation d’alcool, bien qu’en baisse depuis plusieurs décennies, reste à des niveaux préoccupants. Selon Santé Publique France, plus d’une personne sur cinq a une consommation excessive d’alcool.
En France, depuis 1991, la loi Evin encadre le marketing de l’alcool : elle régit le contenu de ces publicités et limite les supports de diffusion afin de préserver, notamment les plus jeunes, de l’incitation à boire.
Alors que la publicité sur Internet n’avait pas été prévue à l’origine, elle a fini par être autorisée en 2009, permettant la diffusion de publicités sur les réseaux sociaux alors même que plus de 80% des adolescents et des jeunes adultes, plus influençables, sont présents sur ces plateformes.
Entre promotion de l’alcool par les influenceurs, développement de contenus attractifs associant l’alcool à une émotion positive et algorithmes ciblés, le marketing de l’alcool est devenu omniprésent, interactif et disponible en permanence. En deux ans et demi, les associations Avenir santé et Addictions France ont relevé plus de 11 300 contenus valorisant l’alcool sur les réseaux sociaux.
Le pastrami végétarien fait un carton à New York
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O. Frey