đŸđđ Eat's business đđ·đ§ 2024-27
Bonjour Ă toutes et Ă tous, Eat's Business est une newsletter dans laquelle vous trouverez une revue de presse de quelques articles sur le monde de lâalimentaire qui mâont semblĂ© intĂ©ressants dans la semaine prĂ©cĂ©dente.Â
Pour ceux qui veulent la formule ristretto, les 3 articles que je vous conseille de lire en prioritĂ© cette semaine sont :Â
Le Monde, En Savoie, le goût du beaufort pour le modÚle coopératif, 24/09/2024
Le Monde Diplomatique, Cauchemars en cuisine, Septembre 2024
The Economist, The curse of the Michelin star, 24/09/2024
Bonne lecture et bonne semaine Ă toutes et Ă tous!
Pour celles et ceux dâentre vous qui ont plus de temps pour la formule lungo :
Un peu dâautopromo cette semaine
Rapport disponible Ă la vente ici : www.tendancesfood.com
Le Monde, En Savoie, le goût du beaufort pour le modÚle coopératif, 24/09/2024
La filiĂšre du beaufort repose sur un modĂšle coopĂ©ratif solidement ancrĂ© en Savoie. Câest dans des paysages montagneux, comme Ă lâalpage Les Moillettes chez la famille Frison, que la production de lait destinĂ© Ă ce fromage sâeffectue, perpĂ©tuant des traditions familiales anciennes. Caroline Frison, 33 ans, reprĂ©sente la cinquiĂšme gĂ©nĂ©ration de sa famille Ă produire du lait pour le beaufort, sur une exploitation oĂč pĂąturent 160 bĂȘtes.
La coopĂ©rative laitiĂšre du Beaufortain, créée dans les annĂ©es 1960 pour prĂ©server la production locale, incarne le renouveau de ce modĂšle coopĂ©ratif. Forte de ses 37 employĂ©s, elle a su moderniser la production en recourant Ă la robotisation tout en maintenant des mĂ©thodes artisanales, comme lâutilisation de cuves en cuivre et de prĂ©sure faite sur place. Afin de se libĂ©rer de sa dĂ©pendance Ă Lactalis pour la gestion du lactosĂ©rum, un sous-produit de la fabrication du fromage, la filiĂšre a lancĂ© Savoie lactĂ©e en 2015. Cette entreprise valorise le lactosĂ©rum en produits protĂ©inĂ©s, beurres et ricotta, tout en ayant une approche durable grĂące Ă une unitĂ© de mĂ©thanisation. Au cĂŽtĂ© dâautres coopĂ©ratives savoyardes, la coopĂ©rative laitiĂšre du Beaufortain dĂ©fend ardemment lâauthenticitĂ© du beaufort, produit selon des mĂ©thodes spĂ©cifiques, et rĂ©siste Ă la concurrence des gĂ©ants industriels. La diversitĂ© des types de beaufort - classique, dâĂ©tĂ© ou chalet dâalpage - repose sur la saisonnalitĂ©, les mĂ©thodes de production et la qualitĂ© du lait.
Cependant, la filiĂšre doit relever plusieurs dĂ©fis. Les coĂ»ts de production Ă©levĂ©s, liĂ©s notamment Ă lâagriculture en montagne, pĂšsent sur les agriculteurs. MalgrĂ© une rĂ©munĂ©ration attractive du lait de montagne, supĂ©rieure Ă la moyenne française, les producteurs ressentent les effets de lâinflation et des changements de consommation des Français. La baisse de la demande observĂ©e cet Ă©tĂ© suscite des inquiĂ©tudes quant Ă lâavenir de la filiĂšre. Le changement climatique reprĂ©sente Ă©galement une menace pour la production du beaufort. Face Ă des Ă©pisodes de sĂ©cheresse, des dĂ©rogations ont dĂ» ĂȘtre accordĂ©es pour complĂ©ter lâalimentation des vaches. Des rĂ©flexions sont en cours pour adapter le cahier des charges de lâAOP afin de prĂ©server la qualitĂ© et la durabilitĂ© du produit tout en garantissant une juste rĂ©munĂ©ration aux agriculteurs.
Les Ăchos, FuriFuri: Natsuko Perromat du Marais met le furikake dans nos assiettes, 25/09/2024
Natsuko Perromat du Marais, une Franco-Japonaise passionnĂ©e par la gastronomie, ambitionne de rĂ©volutionner le marchĂ© des condiments en France avec sa marque FuriFuri. FondĂ©e en 2022 avec son associĂ©e Julie Renaud, pharmacienne de formation, FuriFuri propose un furikake 100 % naturel, inspirĂ© du condiment traditionnel japonais Ă base de graines de sĂ©same et dâalgues, gĂ©nĂ©ralement saupoudrĂ© sur du riz. Le nom de la marque signifie âsecouez, secouezâ en japonais, reflĂ©tant son objectif de secouer le marchĂ© des condiments.
Forte de son succĂšs rapide, la jeune entreprise affiche un chiffre dâaffaires de 500 000 euros et est dĂ©jĂ prĂ©sente dans 300 Ă©piceries fines et asiatiques, ainsi que dans les magasins Monoprix. FuriFuri a Ă©galement remportĂ© plusieurs prix, dont les prestigieux « PĂ©pite » et « Coup de cĆur du public » de Monoprix. La marque commence Ă sâexporter, notamment en Belgique et en Suisse, et vise dĂ©sormais le marchĂ© asiatique. En parallĂšle, elle cherche Ă renforcer sa prĂ©sence sur le marchĂ© BtoB, en collaborant avec des chefs renommĂ©s tels que Christophe Cussac et Cyril Lignac, qui utilisent le furikake FuriFuri pour agrĂ©menter leurs plats de poissons crus.
Natsuko Perromat, diplĂŽmĂ©e de lâĂcole hĂŽteliĂšre de Lausanne, a dĂ©butĂ© sa carriĂšre aux cĂŽtĂ©s du chef Alain Ducasse Ă New York, avant de poursuivre dans le monde de la restauration Ă Londres et Tokyo. Elle a ensuite travaillĂ© avec JoĂ«l Robuchon et Anne-Sophie Pic pour le dĂ©veloppement de concepts de restauration. Son esprit entrepreneurial lâa menĂ©e Ă co-fonder Clarette, un bar Ă vin Ă Londres, avant de sâinvestir pleinement dans FuriFuri durant la pandĂ©mie, pĂ©riode pendant laquelle elle a redĂ©couvert le furikake et sa composition.
Les recettes de FuriFuri sont Ă©laborĂ©es en collaboration avec des nutritionnistes et des chefs, mettant en avant des algues bretonnes et offrant une alternative saine au sel. La marque est fiĂšre de son ancrage 100 % français, avec une production basĂ©e en Alsace et un conditionnement rĂ©alisĂ© dans un ESAT Ă Vence. EngagĂ©e pour une alimentation saine et la transmission de valeurs culinaires, FuriFuri reverse 1 % de son chiffre dâaffaires Ă lâĂcole comestible, une association dĂ©diĂ©e Ă lâĂ©ducation alimentaire des enfants. GrĂące Ă son innovation et son positionnement sur le marchĂ© du « bien manger », Natsuko Perromat du Marais espĂšre populariser le furikake en France et au-delĂ , tout en promouvant la gastronomie japonaise et lâumami.
Challenges, « La pire annĂ©e en 47 ans dâapiculture » : les apiculteurs français face Ă des pertes de rĂ©coltes historiques, 25/09/2024
Les apiculteurs français traversent une annĂ©e difficile, marquĂ©e par une chute historique de la production de miel. Selon Henri ClĂ©ment, porte-parole de lâUnion nationale de lâapiculture française (Unaf), la rĂ©colte de 2024 devrait atteindre seulement 10 000 tonnes, soit deux fois moins quâen 2023. Les mauvaises conditions mĂ©tĂ©orologiques du printemps, avec des prĂ©cipitations supĂ©rieures de 45 % Ă la normale et des tempĂ©ratures basses, sont les principales causes de cette baisse. La floraison des plantes a Ă©tĂ© retardĂ©e et lâactivitĂ© des abeilles, limitĂ©e par le froid et la pluie, a fortement diminuĂ©. Certaines rĂ©gions, comme lâĂle-de-France et les Pays de la Loire, ont vu leur production chuter de 80 %.
Face Ă ces pertes, les apiculteurs envisagent une augmentation du prix du miel pour compenser les coĂ»ts de production. Vadim Allouche, apiculteur au sud de Nantes, a par exemple augmentĂ© le prix de son miel Ă 14 euros le kilo, soit un euro de plus quâen 2023. Cependant, cette hausse reste modĂ©rĂ©e en raison de la concurrence des miels importĂ©s, notamment dâAsie, oĂč le prix au kilo tourne autour de 2 euros. Cette augmentation de prix ne suffira pas Ă compenser les pertes. La rĂ©colte estivale, bien que meilleure que celle du printemps, reste en deçà des niveaux habituels. Certains apiculteurs, comme Vadim Allouche, sâinquiĂštent de la pĂ©rennitĂ© de leur activitĂ© et estiment quâune seconde annĂ©e comme 2024 les obligerait Ă cesser leur production.
Pour soutenir la filiĂšre, le ministĂšre de lâAgriculture a annoncĂ© une aide exceptionnelle de 4,3 millions dâeuros, pouvant aller jusquâĂ 25 000 euros pour les agriculteurs et 30 000 euros pour les jeunes apiculteurs. Toutefois, les critĂšres dâĂ©ligibilitĂ© Ă©tant stricts (possession de plus de 200 ruches en 2023, perte de plus de 30 % du chiffre dâaffaires), peu dâapiculteurs pourront en bĂ©nĂ©ficier. LâUnaf a dâailleurs demandĂ© Ă rencontrer la ministre pour Ă©voquer ce sujet. Par ailleurs, certaines rĂ©gions ont Ă©galement mis en place des aides locales, comme lâĂle-de-France, qui propose une enveloppe de 5,5 millions dâeuros pour soutenir les exploitations agricoles, dont 1 500 euros par apiculteur ayant nourri ses abeilles artificiellement.
Le Monde Diplomatique, Cauchemars en cuisine, Septembre 2024
Le secteur de la restauration est marquĂ© par des violences omniprĂ©sentes, du bistrot Ă la grande cuisine. Des tĂ©moignages dâĂ©tudiants de lycĂ©es hĂŽteliers Ă©voquent des humiliations et agressions physiques subies lors de leurs stages. Ces abus sont enracinĂ©s dans une hiĂ©rarchie militaire, popularisĂ©e par le chef Auguste Escoffier au dĂ©but du XXe siĂšcle, oĂč les commis sont en bas de lâĂ©chelle et le chef en haut. La violence verbale ou physique y est normalisĂ©e, souvent justifiĂ©e comme nĂ©cessaire pour atteindre lâexcellence.
Les Ă©coles hĂŽteliĂšres, tout en formant les jeunes aux techniques culinaires, les prĂ©parent Ă accepter la subordination Ă une clientĂšle exigeante et Ă une hiĂ©rarchie stricte. De plus, les figures de la haute gastronomie, comme Alain Ducasse ou Philippe Etchebest, qui jouissent dâun statut de cĂ©lĂ©britĂ©, renforcent cette culture du sacrifice. Le prĂ©sident Emmanuel Macron lui-mĂȘme a louĂ© lâengagement et le mĂ©rite des chefs. Ce culte de la performance, conjuguĂ© Ă des conditions de travail intenses (jusquâĂ 75 heures par semaine), normalise la violence comme un outil de management pour maintenir une forte pression sur les Ă©quipes.
En cuisine, les conditions de travail sont extrĂȘmes : peu dâespace, hiĂ©rarchie stricte, pressions constantes liĂ©es au service client. Les femmes sont souvent victimes de sexisme, de harcĂšlement, et de remarques dĂ©placĂ©es. La structure familiale des restaurants, souvent des PME ou des TPE, limite la contestation interne. De plus, la hiĂ©rarchie familiale empĂȘche les employĂ©s de dĂ©noncer les abus par peur de âtrahirâ. Face Ă ces abus, rares sont les salariĂ©s qui se tournent vers les syndicats, souvent par manque de connaissance de leurs droits.
Bien que certains chefs commencent Ă dĂ©noncer ces violences, beaucoup prĂ©fĂšrent encore les attribuer Ă des comportements individuels plutĂŽt quâĂ un systĂšme global. Quelques Ă©coles hĂŽteliĂšres agissent pour identifier les employeurs problĂ©matiques, mais cela reste rare. Face Ă ces problĂšmes, les cuisiniers issus de milieux plus favorisĂ©s ont tendance Ă quitter le secteur ou Ă chercher des restaurants plus respectueux de leurs droits.
Certains chefs tentent toutefois de rompre avec ces mĂ©thodes brutales. Le chef Ăric GuĂ©rin, par exemple, a mis fin Ă ses mĂ©thodes de management violentes aprĂšs une remise en question personnelle, visant Ă crĂ©er une ambiance de travail plus sereine et respectueuse. Cependant, ces progrĂšs dĂ©pendent encore largement de la volontĂ© individuelle des chefs et de la pression des institutions pour initier de vĂ©ritables changements au niveau national.
LibĂ©ration, Le management toxique du chef Ă©toilĂ© Matan Zaken : «JâespĂšre que mes remarques de connard te font progresser», 25/09/2024
Voici une illustration concrĂšte du sujet abordĂ© par lâarticle prĂ©cĂ©dent. Le chef Ă©toilĂ© Matan Zaken, connu pour son restaurant parisien Nhome et son activitĂ© traiteur Nhomade, fait face Ă des accusations graves de la part dâune dizaine dâex-collaboratrices. Entre 2019 et 2024, ces anciennes salariĂ©es, quâelles soient stagiaires, apprenties, cuisiniĂšres ou employĂ©es administratives, tĂ©moignent de conditions de travail difficiles, voire toxiques. Elles dĂ©noncent un climat empreint de pressions managĂ©riales intenses, de remarques sexistes et grossiĂšres, de comportements inappropriĂ©s et dâattitudes dĂ©rangeantes de la part du chef. Matan Zaken, formĂ© Ă lâĂ©cole Ferrandi et ancien chef dans des Ă©tablissements de prestige, a pourtant acquis une excellente rĂ©putation dans le monde de la gastronomie parisienne. Cependant, la rĂ©alitĂ© en arriĂšre-cuisine est dĂ©crite tout autrement par ces femmes.
Les tĂ©moignages Ă©voquent des comportements dĂ©placĂ©s Ă lâĂ©gard des employĂ©es : surnoms familiers tels que « my love » ou « princesse », commentaires sexistes ou intrusifs sur leur apparence et leurs relations personnelles. Certaines affirment que Matan Zaken demandait des massages aux femmes de son Ă©quipe. Deux fois, des salariĂ©s se sont cotisĂ©s pour lui offrir des massages professionnels et un masseur Ă©lectrique, espĂ©rant ainsi dĂ©tourner son attention de ces demandes. Les limites physiques et verbales semblaient floues, avec des gestes dĂ©placĂ©s tels que des cĂąlins, des embrassades ou des contacts corporels inappropriĂ©s.
Lâambiance de travail dans les cuisines de Matan Zaken est Ă©galement dĂ©peinte comme Ă©tant trĂšs dure : planning reçu Ă la derniĂšre minute, horaires Ă rallonge, pression constante, et heures supplĂ©mentaires non payĂ©es. Les arrĂȘts maladie et les accidents de travail ne sont guĂšre tolĂ©rĂ©s, avec des tentatives de dissuasion et des contacts frĂ©quents pour pousser les employĂ©es Ă revenir rapidement. Les salariĂ©s en arrĂȘt maladie ont Ă©tĂ© rĂ©guliĂšrement sollicitĂ©s pour retourner au travail, certains se voyant mĂȘme accusĂ©s de simuler leurs blessures.
Le style de management de Matan Zaken est comparĂ© Ă une ambiance militaire, reflet de son service obligatoire dans lâarmĂ©e israĂ©lienne. Les Ă©changes de messages entre le chef et ses collaboratrices rĂ©vĂšlent un vocabulaire de mise Ă lâĂ©preuve, de discipline et de contrĂŽle, avec des propos grossiers ou dĂ©valorisants. Certains dĂ©crivent des crises de colĂšre frĂ©quentes, des objets jetĂ©s et un climat tendu. Une ex-employĂ©e se souvient mĂȘme dâune soirĂ©e dâĂ©quipe oĂč les portes du restaurant ont Ă©tĂ© verrouillĂ©es, empĂȘchant tout le monde de sortir, renforçant le sentiment dâemprise et de pression.
Face Ă ces situations, plusieurs Ă©coles de cuisine renommĂ©es, telles que lâInstitut Lyfe (anciennement Paul Bocuse) et lâĂcole Ducasse, ont dĂ©cidĂ© de retirer Nhome de leur liste de partenaires pour les stages, Ă la suite des signalements des Ă©tudiantes. Si aucune des anciennes salariĂ©es nâa encore engagĂ© de poursuites juridiques, invoquant le coĂ»t des procĂ©dures ou leur inefficacitĂ©, elles mettent en lumiĂšre un climat toxique quâelles souhaitent dĂ©noncer.
Matan Zaken conteste lâinterprĂ©tation des faits rapportĂ©s et invoque la culture exigeante de la haute gastronomie pour justifier les conditions de travail difficiles. Il nâa cependant pas donnĂ© suite aux demandes de clarification sur les accusations prĂ©cises portĂ©es contre lui.
Il me semble utile de rappeler quâil existe une association qui combat la violence en cuisine. Il sâagit de Bondir.e, qui a Ă©tĂ© fondĂ©e par des cheffes dĂ©sireuses de faire bouger le monde de la restauration en proposant notamment de la prĂ©vention dans les Ă©coles de cuisine. Vous pouvez la soutenir ici.
Le Monde, Les winstubs, ces tavernes alsaciennes au poĂȘle, 22/09/2024
Un petit article sur ma région de coeur, parce que ça fait longtemps ;)
Les winstubs, tavernes traditionnelles dâAlsace, perpĂ©tuent lâart de la convivialitĂ© autour de la cuisine et du vin de la rĂ©gion. Leur nom, dĂ©rivĂ© des mots « win » (vin) et « stub » (piĂšce de dĂ©gustation), rappelle leur ancrage dans la culture viticole alsacienne. Dans un dĂ©cor typique de boiseries, nappes Ă carreaux et Ă©clairage tamisĂ©, elles servent une cuisine traditionnelle : choucroute, tarte Ă lâoignon, presskopf (fromage de tĂȘte), salade de cervelas, et autres spĂ©cialitĂ©s locales, accompagnĂ©es de vins tels que riesling, sylvaner ou gewurztraminer.
Historiquement, ces lieux ont Ă©mergĂ© comme une rĂ©action aux grandes brasseries allemandes aprĂšs lâannexion de lâAlsace au Reich en 1871, devenant des symboles de lâidentitĂ© rĂ©gionale. Ă cette Ă©poque, les tavernes intimes proposaient des vins au pichet pour accompagner des casse-croĂ»tes, qui se sont progressivement transformĂ©s en plats rĂ©gionaux. Elles sont devenues des lieux chaleureux, notamment grĂące Ă des figures marquantes comme Yvonne Haller de Chez Yvonne, qui accueillaient autant la clientĂšle locale que les personnalitĂ©s politiques et artistiques.
Aujourdâhui, certaines winstubs ont Ă©tĂ© rachetĂ©es par des groupes ou restaurateurs, avec un succĂšs variable quant Ă la conservation de leur authenticitĂ©. Des lieux comme Chez Yvonne, Ă Strasbourg, ont su retrouver leur charme dâantan grĂące Ă un mĂ©lange de tradition et de modernitĂ© culinaire. La profusion de vins de qualitĂ© est Ă©galement un Ă©lĂ©ment clĂ© de ces Ă©tablissements, certains misant sur des cartes Ă©laborĂ©es, comme Au pont corbeau, oĂč lâengagement pour les vins bio, naturels et de biodynamie sâest imposĂ©.
Le renouveau des winstubs est aussi marquĂ© par lâĂ©mergence de sommeliers passionnĂ©s, comme Jean-Baptiste Klein (MOF sommellerie en 2018) Ă La Winstub du Chambard Ă Kaysersberg (il est Ă©galement sommelier de La Table dâOlivier Nasti). Sous la houlette du chef Ă©toilĂ© Olivier Nasti, la winstub propose une large sĂ©lection de vins locaux par cĂ©pages, du plus modeste sylvaner aux grands crus. Le dĂ©cor, lumineux et accueillant, sâharmonise avec une carte savoureuse qui combine plats traditionnels et produits dâexception, Ă des prix souvent plus Ă©levĂ©s mais justifiĂ©s par la qualitĂ© de lâexpĂ©rience. Outre Strasbourg, dâautres villes alsaciennes proposent Ă©galement des winstubs de qualitĂ©, comme Colmar, RibeauvillĂ© ou Saverne, oĂč la tradition se perpĂ©tue. Au-delĂ de la simple restauration, les winstubs incarnent un art de vivre alsacien, alliant saveurs locales et convivialitĂ©, et continuent de sĂ©duire les amateurs de cuisine et de vin.
Les Ăchos, Agriculture bio : la Cour des comptes europĂ©enne fustige la mĂ©thode de Bruxelles, 23/09/2024
Dans un rĂ©cent rapport, la Cour des comptes europĂ©enne critique sĂ©vĂšrement la stratĂ©gie de lâUnion europĂ©enne en matiĂšre dâagriculture biologique. MalgrĂ© les 12 milliards dâeuros injectĂ©s entre 2014 et 2022 dans le cadre de la Politique Agricole Commune (PAC), la progression du marchĂ© bio reste limitĂ©e, atteignant moins de 4 % du marchĂ© alimentaire total de lâUE. Certaines disparitĂ©s existent toutefois : des pays comme lâAutriche, la SuĂšde ou le Danemark prĂ©sentent des marchĂ©s plus matures, souvent liĂ©s Ă une plus grande part de terres cultivĂ©es en bio. LâUE sâest fixĂ© un objectif de 25 % de terres agricoles dĂ©diĂ©es Ă lâagriculture biologique dâici 2030. La superficie a augmentĂ©, atteignant 10,5 % en 2022, mais, selon la Cour, le rythme de croissance actuel devra doubler pour espĂ©rer atteindre cet objectif Ă temps. Les ambitions des Ătats membres varient largement, de 6 % en Roumanie Ă 35 % en Autriche, ce qui rend peu probable une convergence europĂ©enne.
La Cour des comptes europĂ©enne critique Ă©galement lâorientation des financements de lâUE. Lâaide de la PAC, fondĂ©e sur la superficie des terres, incite les agriculteurs Ă convertir leurs terres sans nĂ©cessairement produire des aliments bio ou les mettre sur le marchĂ©. Si cela profite aux objectifs environnementaux en rĂ©duisant les pesticides et engrais, cela freine le dĂ©veloppement dâun vĂ©ritable marchĂ© bio. Par exemple, seules 6 % des vaches europĂ©ennes sont issues de lâagriculture biologique, un secteur coĂ»teux et difficilement rentable sans aides spĂ©cifiques. Le rapport dĂ©plore que le soutien de la PAC ne soit pas toujours en cohĂ©rence avec les objectifs environnementaux. Il pointe notamment que des agriculteurs peuvent bĂ©nĂ©ficier de fonds europĂ©ens sans appliquer les rĂšgles de rotation des cultures ou de bien-ĂȘtre animal, principes pourtant essentiels Ă lâagriculture biologique. Il est Ă©galement courant dâutiliser des semences non biologiques pour des plantations bio, ce qui va Ă lâencontre des normes du secteur. En outre, la Cour critique le suivi et lâĂ©valuation de la PAC, axĂ©s sur les dĂ©penses sans Ă©valuer lâimpact rĂ©el des actions sur lâenvironnement et le climat. Elle souligne lâabsence dâune vision stratĂ©gique pour le secteur au-delĂ de 2030, ce qui nuit Ă une planification durable Ă long terme.
LâUE prĂ©voit dâallouer 15 milliards dâeuros supplĂ©mentaires jusquâen 2027 pour le dĂ©veloppement du bio, mais la Cour appelle Ă revoir la stratĂ©gie globale pour stimuler non seulement la production mais aussi la consommation de produits biologiques. Alors que les discussions budgĂ©taires se profilent, la nouvelle Commission europĂ©enne devra dĂ©cider comment rĂ©pondre aux recommandations de la Cour des comptes pour assurer un dĂ©veloppement cohĂ©rent et efficace du marchĂ© bio.
Le Figaro, «Ils ont créé un marché qui n'existait pas» : Picard, un quinquagénaire qui a bouleversé les habitudes des Français, 21/09/2024
Picard, le géant des surgelés, célÚbre ses 50 ans en 2024, renforçant sa position de favori parmi les enseignes françaises. Depuis son premier magasin en 1974, la marque a bouleversé les habitudes alimentaires, transformant les surgelés en un segment clé de la cuisine française.
NĂ©e en 1920 aprĂšs le rachat de lâentreprise des GlaciĂšres de Fontainebleau, Picard a créé un marchĂ© novateur en introduisant les surgelĂ©s Ă une Ă©poque oĂč les Français nâĂ©taient pas habituĂ©s Ă cette forme de conservation. GrĂące Ă une stratĂ©gie de proximitĂ©, Picard a inaugurĂ© son centiĂšme magasin dĂšs 1987, permettant aux consommateurs de sâĂ©quiper en micro-ondes et congĂ©lateurs. Lâenseigne sâest rapidement imposĂ©e, poussant dâautres acteurs du surgelĂ© hors du marchĂ©.
Picard a bĂąti son succĂšs sur une capacitĂ© constante Ă innover. Dans les annĂ©es 1990, elle diversifie sa gamme de produits pour offrir des plats de la gastronomie française ainsi que des recettes exotiques, anticipant les tendances de consommation. Des formules âexpressâ ont vu le jour pour simplifier les repas, tout en maintenant des prix abordables, avec 300 plats Ă moins de trois euros. En maintenant 95 % de sa gamme sous sa propre marque, Picard a su se diffĂ©rencier de la grande distribution. La marque a aussi rĂ©novĂ© ses magasins pour offrir un cadre chaleureux, misant sur une qualitĂ© de produits et des compositions adaptĂ©es aux nouvelles tendances, avec une balance entre plaisir et alimentation saine.
Pour toucher de nouveaux clients, Picard mise sur les rĂ©seaux sociaux comme TikTok, ciblant notamment une clientĂšle jeune qui souhaite gagner du temps en cuisine. La marque a Ă©galement engagĂ© des partenariats avec des influenceurs tels que LĂ©na Situations pour accroĂźtre sa visibilitĂ©. Toujours tournĂ©e vers lâavenir, lâenseigne ambitionne de dĂ©passer 1500 points de vente dâici cinq ans, avec une stratĂ©gie dâexpansion en France et Ă lâinternational. En parallĂšle, son programme de fidĂ©litĂ©, permettant de collecter des points pour obtenir des cadeaux ou faire des dons alimentaires, renforce le lien avec sa clientĂšle fidĂšle.
The Guardian, Sales of instant noodles up as former bad-boy snack turns classy, 25/09/2024
Les nouilles instantanĂ©es connaissent un vĂ©ritable renouveau au Royaume-Uni, grĂące Ă une tendance TikTok qui les transforme en plats sophistiquĂ©s. Longtemps perçues comme un aliment de dĂ©pannage pour cĂ©libataires ou Ă©tudiants, elles font aujourdâhui un retour en force, devenant un produit culinaire de choix grĂące Ă des ajouts gourmets tels que des lĂ©gumes, des sauces ou des Ă©pices. La transformation de ces nouilles, notamment des ramen, en plats raffinĂ©s a sĂ©duit un public plus jeune, notamment la gĂ©nĂ©ration Z, cherchant des recettes rapides mais dĂ©licieuses. Les chiffres parlent dâeux-mĂȘmes : les ventes de nouilles instantanĂ©es ont bondi de 50 % sur Ocado, un site de supermarchĂ© en ligne, avec une augmentation de 35 % des recherches sur les ramen.
Les ingrĂ©dients permettant dâ« Ă©lever » ces plats simples sont Ă©galement trĂšs prisĂ©s : lâhuile de piment a vu ses recherches grimper de 48 %, les oignons croustillants de 27 % et les algues de 20 %. Jonny Forsyth, directeur chez Mintel, souligne que les marques misent dĂ©sormais sur des campagnes de marketing dâinfluence, en particulier sur TikTok, oĂč plus de 22 000 publications sous le hashtag #ramenhacks proposent des astuces pour revisiter ces nouilles, notamment avec des Ćufs, des graines de sĂ©same, ou encore de la mayonnaise japonaise Kewpie. Jason Holt, acheteur chez Ocado, se rĂ©jouit de ce changement de perception : les nouilles instantanĂ©es, longtemps perçues comme des plats sans prĂ©tention, sâimposent dĂ©sormais comme des mets gourmands grĂące aux toppings tels que le nori ou lâhuile de piment, qui leur ajoutent texture et saveur.
Le renouveau des nouilles concerne aussi des classiques comme Pot Noodle, qui connaĂźt une augmentation de 10 % des ventes. Cependant, ce sont surtout les nouilles corĂ©ennes Buldak qui font fureur sur les rĂ©seaux sociaux. Certaines variĂ©tĂ©s, cependant, se rĂ©vĂšlent si Ă©picĂ©es que lâagence alimentaire danoise a dĂ» rappeler plusieurs saveurs du marchĂ© pour risque dâintoxication due Ă un taux de capsaĂŻcine jugĂ© trop Ă©levĂ©. Cependant, ces nouilles traĂźnent un passĂ© publicitaire controversĂ©. En 2002, Pot Noodle a dĂ» retirer une campagne jugĂ©e offensante et sexiste. En 2013, Unilever a Ă©galement Ă©tĂ© critiquĂ© pour une publicitĂ© jugĂ©e dĂ©gradante. Aujourdâhui, les nouilles instantanĂ©es, bien loin de leur image dâaliment bas de gamme, sâimposent comme une option tendance, versatile et crĂ©ative grĂące aux rĂ©seaux sociaux et Ă une gĂ©nĂ©ration de consommateurs cherchant des plats Ă la fois rapides, savoureux et personnalisables.
Modern Retail, Inside Oreoâs limited-edition product strategy, 24/09/2024
Oreo mise sur une stratĂ©gie de lancements de biscuits en Ă©ditions limitĂ©es pour attirer de nouveaux clients et dynamiser ses ventes. Selon Rachel Lawson, directrice du marketing chez MondelÄz International (la maison mĂšre dâOreo), 28 % des acheteurs de ces Ă©ditions spĂ©ciales ne consomment pas de cookies classiques de la marque. Par exemple, 15 Ă 17 % des acheteurs des Space Dunk, lancĂ©s en fĂ©vrier, nâavaient pas achetĂ© dâOreo depuis plus de deux ans. Lâintroduction rĂ©guliĂšre de nouvelles saveurs permet non seulement de sĂ©duire de nouveaux consommateurs, mais aussi de stimuler la demande pour les saveurs classiques.
Bien que MondelÄz ait enregistrĂ© une lĂ©gĂšre baisse de ses ventes globales, Oreo continue Ă gagner des parts de marchĂ© aux Ătats-Unis, comme lâa dĂ©clarĂ© le PDG de MondelÄz, Dirk Van de Put, en juillet. Le succĂšs de ces Ă©ditions limitĂ©es contribue Ă cet essor, gĂ©nĂ©rant des ventes incrĂ©mentales et renforçant la notoriĂ©tĂ© de la marque. MondelÄz prĂ©voit dâailleurs de nouveaux partenariats secrets jusquâen 2025.
Au minimum tous les deux mois, Oreo introduit une nouvelle saveur, comme Coca-Cola, Tiramisu, Sour Patch Kids, ou des collaborations avec âStar Warsâ. DistribuĂ©es dans les grandes surfaces, mais aussi sur des plateformes en ligne comme Target, Instacart, UberEats et Amazon, ces Ă©ditions limitĂ©es restent gĂ©nĂ©ralement en vente pendant six Ă huit semaines. Certaines collaborations, comme celle lancĂ©e rĂ©cemment avec Coca-Cola, vont au-delĂ du simple biscuit et incluent des produits dĂ©rivĂ©s, tels que des T-shirts ou des sweat-shirts. La raretĂ© et la popularitĂ© de ces Ă©ditions en font aussi des objets prisĂ©s sur le marchĂ© de la revente, certains atteignant des sommes extravagantes.
Le concept des Ă©ditions limitĂ©es repose sur la nouveautĂ© des textures et des couleurs, et une mise en avant dâingrĂ©dients originaux. Par exemple, les Oreo x âStar Warsâ offrent deux versions diffĂ©rentes, avec un fourrage bleu ou rouge, tandis que la collaboration avec Coca-Cola inclut des bonbons pĂ©tillants pour imiter lâeffet de la boisson gazeuse.
Cette stratĂ©gie arrive Ă un moment oĂč le marchĂ© des snacks devient de plus en plus compĂ©titif, notamment avec des marques distributeurs qui proposent des alternatives moins chĂšres. Selon Brad Jashinsky, analyste chez Gartner, ces Ă©ditions spĂ©ciales et leurs designs uniques permettent Ă Oreo de se dĂ©marquer face Ă des concurrents moins onĂ©reux. Pour promouvoir ces Ă©ditions limitĂ©es, Oreo sâappuie sur une combinaison de mĂ©dias en magasin et en ligne, tels que des affichages, des annonces numĂ©riques et des banniĂšres redirigeant vers une page de prĂ©sentation de tous les produits Oreo. De plus, la marque organise des Ă©vĂ©nements spĂ©ciaux en magasin, comme une animation Oreo x âStar Warsâ oĂč les fans peuvent rencontrer la mascotte Stuffy ou participer Ă des tirages au sort pour remporter des lots. GrĂące Ă ces Ă©ditions limitĂ©es, Oreo parvient Ă cultiver une image ludique et Ă renforcer sa prĂ©sence sur le marchĂ© des snacks, tout en attirant de nouveaux clients et en conservant lâintĂ©rĂȘt des consommateurs existants.
The Economist, The curse of the Michelin star, 24/09/2024
Le Guide Michelin a rĂ©cemment ajoutĂ© douze nouveaux restaurants de New York Ă sa liste, couvrant des cuisines allant de la haute gastronomie française Ă lâĂ©co-chic. Pour beaucoup de chefs et restaurateurs, figurer dans ce guide est le prĂ©lude Ă lâobtention tant convoitĂ©e dâune Ă©toile Michelin, symbole de prestige culinaire. Cependant, une Ă©tude publiĂ©e dans le Strategic Management Journal suggĂšre quâil pourrait ĂȘtre plus avantageux pour un restaurant de rester sans Ă©toile.
LâĂ©tude, menĂ©e par Daniel Sands de lâUniversity College London, a suivi le parcours de restaurants ouverts Ă New York entre 2000 et 2014, qui avaient reçu une critique Ă©logieuse du New York Times. Elle montre que, parmi ces Ă©tablissements prometteurs, ceux qui ont obtenu une Ă©toile Michelin Ă©taient plus susceptibles de fermer leurs portes dans les annĂ©es suivantes que ceux qui ne lâont pas obtenue. MĂȘme en prenant en compte des facteurs tels que lâemplacement, le prix et le type de cuisine, la tendance reste la mĂȘme : 40 % des restaurants ayant reçu une Ă©toile entre 2005 et 2014 avaient mis la clĂ© sous la porte dâici 2019.
Lâobtention dâune Ă©toile Michelin accroĂźt la notoriĂ©tĂ©, comme en tĂ©moigne lâaugmentation de plus dâun tiers des recherches sur Google pour les restaurants nouvellement Ă©toilĂ©s. Cependant, cette reconnaissance a son revers. Dâabord, la clientĂšle change. La lumiĂšre des projecteurs Ă©lĂšve les attentes des clients et attire des touristes venant de plus loin, ce qui oblige les restaurants Ă investir davantage pour satisfaire ces nouvelles exigences. Ensuite, cette distinction attire lâattention de leurs partenaires commerciaux. Les fournisseurs, les propriĂ©taires, voire le personnel, profitent de lâoccasion pour augmenter leurs tarifs ou demander des salaires plus Ă©levĂ©s, ce qui accroĂźt les coĂ»ts dâexploitation. Les chefs, en particulier, souhaitent souvent que leurs rĂ©munĂ©rations reflĂštent le prestige de leur Ă©tablissement, et ils deviennent Ă©galement des cibles de recrutement pour les concurrents.
Le phĂ©nomĂšne observĂ© dans la restauration sâapplique Ă©galement Ă dâautres secteurs. Plusieurs Ă©tudes montrent que les entreprises dirigĂ©es par des PDG primĂ©s ont tendance Ă sous-performer par rapport Ă leurs concurrents ou Ă leur propre performance passĂ©e. Les chefs Ă©toilĂ©s, Ă lâinstar des PDG superstar, exigent des salaires plus Ă©levĂ©s et ont tendance Ă se disperser en activitĂ©s annexes, telles que lâĂ©criture de livres ou la participation Ă des conseils dâadministration. Dans le monde de lâĂ©dition, les ouvrages primĂ©s ont Ă©galement tendance Ă recevoir des critiques plus sĂ©vĂšres, comparativement Ă leurs homologues non rĂ©compensĂ©s.
New York Times, Our Taste for Flesh Has Exhausted the Earth, 21/09/2024
Un sujet que nous avons dĂ©jĂ plusieurs fois abordĂ©. La viande occupe une place centrale dans nos habitudes alimentaires, mais aussi dans nos cultures et croyances. Chaque annĂ©e, 80 milliards dâanimaux sont abattus pour satisfaire notre appĂ©tit, au prix de vastes surfaces agricoles, de maladies zoonotiques, de dĂ©forestation et de pollution. Face aux enjeux environnementaux, Ă©conomiques et sanitaires que pose lâĂ©levage industriel, une alternative se profile : la viande cultivĂ©e en laboratoire. Cette âviande cellulaireâ, produite Ă partir de cellules animales ou de micro-organismes dans de grandes cuves, ambitionne de crĂ©er de la viande sans avoir Ă Ă©lever dâanimaux entiers, rĂ©duisant ainsi la consommation de ressources. Ses dĂ©fenseurs vantent son efficacitĂ© : pas de pieds, de plumes ou de becs, mais uniquement de la chair. Cependant, cette technologie suscite des inquiĂ©tudes, notamment pour ses implications culturelles, sociales et Ă©conomiques. Certains pays, comme les Ătats-Unis, ont dĂ©jĂ autorisĂ© sa vente Ă petite Ă©chelle, tandis que dâautres, comme la Floride et lâItalie, la rejettent fermement.
Historiquement, la consommation de viande a Ă©tĂ© façonnĂ©e par la disponibilitĂ© des ressources. Si la viande Ă©tait autrefois rare et prĂ©cieuse, elle sâest dĂ©mocratisĂ©e au cours du 20e siĂšcle grĂące aux progrĂšs industriels, Ă la rĂ©frigĂ©ration et aux cultures de maĂŻs et de soja. Aujourdâhui, le marchĂ© mondial de la viande est dominĂ© par quelques gĂ©ants, tels que JBS, Cargill et Tyson Foods. La production a quadruplĂ© depuis 1961, surpassant largement la croissance dĂ©mographique. Aux Ătats-Unis, la consommation moyenne de viande est passĂ©e de 207 Ă 280 livres par habitant entre 1961 et 2021.
La viande cultivĂ©e pourrait sâinscrire dans cette continuitĂ©, produite en seulement deux semaines dans des biorĂ©acteurs, sans Ă©levage traditionnel. Bien que ses Ă©missions de gaz Ă effet de serre puissent ĂȘtre rĂ©duites grĂące Ă lâutilisation dâĂ©nergies renouvelables, cette nouvelle industrie soulĂšve des questions Ă©thiques et environnementales. Par ailleurs, de grands investisseurs, dont Jeff Bezos, parient sur son potentiel. Des pays tels quâIsraĂ«l, Singapour et la CorĂ©e du Sud encouragent activement cette innovation. Cependant, la viande conserve une forte charge symbolique. Des traditions culturelles et familiales, comme la dinde de Thanksgiving ou le barbecue de Juneteenth (voir lâexplication ici), sont profondĂ©ment liĂ©es Ă sa consommation. LâĂ©mergence de la viande cellulaire pourrait transformer notre relation Ă la chair animale : un marchĂ© proposant des produits cultivĂ©s aux cĂŽtĂ©s de viandes traditionnelles. Mais cela pose de nouvelles interrogations : les rituels liĂ©s Ă la viande perdront-ils leur sens ? La viande sans os ou peau restera-t-elle un Ă©lĂ©ment essentiel de nos traditions ? En somme, notre rapport Ă la viande est sur le point dâĂ©voluer face aux limites planĂ©taires et aux nouvelles technologies.
New York Times, Tyson Faces Lawsuit Over Labeling of âClimate-Smartâ Beef, 18/09/2024
Le gĂ©ant amĂ©ricain de la viande Tyson Foods fait face Ă un procĂšs intentĂ© par Environmental Working Group (EWG), une association de dĂ©fense de lâenvironnement, qui lâaccuse de tromper les consommateurs avec des allĂ©gations sur ses efforts en faveur de la rĂ©duction des Ă©missions de gaz Ă effet de serre. Lâentreprise, qui produit environ 20 % du bĆuf, du porc et du poulet aux Ătats-Unis, a lancĂ© une marque de viande baptisĂ©e Brazen Beef, qualifiĂ©e de âclimate-friendlyâ et affichant des objectifs de neutralitĂ© carbone dâici 2050. Cependant, le procĂšs dĂ©nonce ces affirmations comme Ă©tant trompeuses et irrĂ©alistes.
EWG argue que la production industrielle de bĆuf ne peut jamais ĂȘtre vĂ©ritablement âclimate-smartâ en raison des importantes Ă©missions de gaz Ă effet de serre gĂ©nĂ©rĂ©es par lâĂ©levage bovin Ă grande Ă©chelle. Le procĂšs conteste Ă©galement les prĂ©tendus efforts de Tyson pour atteindre la neutralitĂ© carbone, affirmant que ces engagements manquent de transparence et de preuves concrĂštes. La plainte souligne que les compensations carbone, souvent utilisĂ©es pour rĂ©duire artificiellement les Ă©missions totales, seraient difficiles, voire impossibles Ă mettre en Ćuvre Ă lâĂ©chelle de Tyson.
Face Ă ces accusations, Tyson a refusĂ© de commenter le fond de lâaffaire mais a mis en avant son « historique de pratiques durables » et sa « gestion responsable des ressources environnementales ». La stratĂ©gie de neutralitĂ© carbone de Tyson, dĂ©taillĂ©e dans un rapport de durabilitĂ© de 2022, repose sur lâutilisation de compensations telles que la plantation dâarbres, lâinvestissement dans des technologies de capture du carbone et lâachat de crĂ©dits carbone.
Les accusations contre Tyson sâinscrivent dans un contexte plus large de critique des pratiques de âgreenwashingâ, oĂč les entreprises tentent de paraĂźtre plus Ă©cologiques en utilisant des slogans vagues ou trompeurs. Ce type de litige nâest pas isolĂ© : en dĂ©but dâannĂ©e, la procureure gĂ©nĂ©rale de New York, Letitia James, a poursuivi la sociĂ©tĂ© brĂ©silienne JBS USA pour des allĂ©gations similaires, accusant lâentreprise de pratiques commerciales trompeuses dans le cadre de sa cotation en bourse.
Eater, Whatâs Next After Farm-to-Table?, 23/09/2024
De nombreux chefs réévaluent la philosophie âfarm-to-tableâ (de la ferme Ă la table) Ă la lumiĂšre du changement climatique, en mettant lâaccent sur les pratiques Ă©cologiques. Rob Rubba, chef de âOyster Oysterâ Ă Washington, D.C., adopte une approche radicalement saisonniĂšre et rĂ©gionale en utilisant uniquement des ingrĂ©dients issus de lâocĂ©an, de fermes adaptĂ©es au climat, et de plantes sauvages du Mid-Atlantic. Durant lâhiver, il compte sur des lĂ©gumes conservĂ©s, des plantes sauvages et dâautres ingrĂ©dients prĂ©servĂ©s pour maintenir des saveurs vives dans ses plats.
Lâapproche de Rubba est basĂ©e sur une prise de conscience des coĂ»ts environnementaux des aliments de base, tels que le chocolat et le sucre, qui souvent proviennent de rĂ©gions affectĂ©es par la dĂ©forestation et nĂ©cessitent des ressources fossiles pour leur transport. Il privilĂ©gie des alternatives locales comme le sirop dâĂ©rable, des vinaigres artisanaux, et des Ă©pices locales comme la spicebush pour remplacer des ingrĂ©dients importĂ©s. Rubba sâassure que les ingrĂ©dients sont produits de maniĂšre durable en Ă©tablissant des liens directs avec les fermiers et en enquĂȘtant sur leurs pratiques agricoles. Il ne se contente pas des labels bio, mais sâintĂ©resse aux mĂ©thodes agricoles comme la rotation des cultures ou lâagroforesterie qui favorisent la santĂ© des sols et le respect de lâenvironnement.
Dâautres restaurants, comme âCarmoâ Ă La Nouvelle-OrlĂ©ans, vont plus loin en Ă©tablissant des relations avec des producteurs locaux pour promouvoir des systĂšmes alimentaires Ă©cologiques et traditionnels. Ils travaillent notamment avec des communautĂ©s autochtones dâAmazonie pour revitaliser des aliments ancestraux et soutenir des pratiques agricoles traditionnelles. En mĂȘme temps, ils participent Ă la reconstruction de la chaĂźne dâapprovisionnement locale en fruits de mer en Louisiane, en sâefforçant de rĂ©duire le gaspillage alimentaire en utilisant toutes les parties des poissons pĂȘchĂ©s localement.
Un des dĂ©fis de ce modĂšle rĂ©side dans son imprĂ©visibilitĂ© : lâagriculture Ă©cologique peut ĂȘtre instable et sujette aux changements climatiques. Certains chefs, comme Isaiah Martinez de âYardy Rum Barâ en Oregon, ajustent constamment leurs menus pour suivre les saisons et les rĂ©coltes locales. Pour lâapprovisionnement, Martinez travaille avec des fermes qui adoptent des pratiques rĂ©gĂ©nĂ©ratives telles que la plantation dâarbres pour absorber lâeau en cas dâinondation ou de sĂ©cheresse.
Fast Company, Coca-Colaâs play for Gen Z failedâbut an exciting new flavor is coming in 2025, 24/09/2024
En 2024, Coca-Cola a lancĂ© Coca-Cola Spiced, une boisson combinant le goĂ»t classique du Coca-Cola, de la framboise, et des Ă©pices, dans une tentative de sĂ©duire la GĂ©nĂ©ration Z. Cette boisson devait rĂ©pondre aux tendances actuelles, oĂč les jeunes consommateurs se tournent de plus en plus vers des alternatives plus saines comme lâeau pĂ©tillante ou les boissons Ă©nergisantes, au dĂ©triment des sodas traditionnels. Bien que Coca-Cola Spiced ait Ă©tĂ© annoncĂ© comme une nouvelle saveur « permanente », la boisson va ĂȘtre retirĂ©e du marchĂ© aprĂšs seulement six mois.
La dĂ©cision de retirer Coca-Cola Spiced sâinscrit dans la stratĂ©gie de lâentreprise dâajuster rĂ©guliĂšrement sa gamme de produits en fonction des prĂ©fĂ©rences des consommateurs. Selon un porte-parole de la marque, un nouveau parfum « excitant » est prĂ©vu pour 2025, dans le but de continuer Ă innover et de rester pertinent auprĂšs des jeunes consommateurs.
La mise en place de Coca-Cola Spiced a Ă©tĂ© un dĂ©fi, mais aussi une expĂ©rience de rapiditĂ© pour lâentreprise. Contrairement aux 12 mois habituellement nĂ©cessaires pour le dĂ©veloppement dâun nouveau produit, Coca-Cola a mis seulement sept semaines pour passer de lâidĂ©e Ă la mise en rayon de cette boisson. Le directeur marketing de Coca-Cola pour lâAmĂ©rique du Nord, Shakir Moin, a soulignĂ© que lâentreprise adopte dĂ©sormais une approche dâinnovation centrĂ©e sur le consommateur, en travaillant « plus audacieusement, plus rapidement, et avec moins de produits, tout en crĂ©ant de la croissance ».
LâĂ©chec de Coca-Cola Spiced Ă sâimposer sur le marchĂ© montre les difficultĂ©s Ă sĂ©duire la GĂ©nĂ©ration Z, qui privilĂ©gie de plus en plus des boissons perçues comme plus saines. Cependant, Coca-Cola reste optimiste et continue de chercher Ă expĂ©rimenter de nouvelles saveurs pour rester attractif auprĂšs de ce public difficile Ă convaincre.
Lundi dernier jâai assistĂ© Ă la remise de prix du concours "Ă la recherche du meilleur food-entrepreneur de France" organisĂ© par Service Compris et Transgourmet France. Ce sont 7 futurs food-entrepreneurs, dĂ©jĂ accompagnĂ©s par Service Compris, qui sont venus pitcher leur projet devant un jury composĂ© de : Julia Sedefdjian, Restauratrice et Cheffe, cofondatrice de Baieta * et plus jeune cheffe Ă©toilĂ©e de France ; Alice Tuyet, Restauratrice, cofondatrice de Daimant Collective (Plan D et Faubourg Daimant) ; François-RĂ©gis Gaudry, Journaliste, auteur et critique culinaire et Yves Cebron de Lisle, Directeur GĂ©nĂ©ral DĂ©lĂ©guĂ© de Transgourmet France.
Les 3 concepts gagnants sont :Â
175° : la nouvelle rÎtisserie qui rallume la flamme de la rÎtisserie française
Almas : une cuisine à la croisée des racines arabes, persanes et russes de ses cofondatrices, travaillée avec le coeur pour apporter de l'ùme à la pause déjeuner.
Shuzo : la taverne vivante et audacieuse, entre le savoir-faire culinaire japonais et la diversité des influences colombiennes au-delà des stéréotypes
Un épisode trÚs long (mais riche en enseignement) avec le pape de la pùtisserie française. On y découvre notamment le businessman de talent qui se cache derriÚre le grand pùtissier.
Câest tout pour aujourdâhui.
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Et si vous voulez vous pouvez mĂȘme me payer un cafĂ© ;-)
A la semaine prochaine!
O. Frey