🌾🍇🐄 Eat's business 🍕🍷🧀 2024-25
Bonjour à toutes et à tous, Eat's Business est une newsletter dans laquelle vous trouverez une revue de presse de quelques articles sur le monde de l’alimentaire qui m’ont semblé intéressants dans la semaine précédente.
Pour ceux qui veulent la formule ristretto, les 3 articles que je vous conseille de lire en priorité cette semaine sont :
Libération, Croger, crookie, en version mini ou XXL… Le croissant n’a beurre de rien, 07/09/2024
Le Figaro, Qeat, cette société qui suit à la trace les clients des grands restaurants, 12/09/2024
Forbes, African Indigenous Crops Fuel A Growing Food Business Boom, 11/09/2024
Bonne lecture et bonne semaine à toutes et à tous!
Pour celles et ceux d’entre vous qui ont plus de temps pour la formule lungo :
Libération, Croger, crookie, en version mini ou XXL… Le croissant n’a beurre de rien, 07/09/2024
Le croissant, emblème de la viennoiserie française, connaît une évolution inattendue ces derniers temps. Il fait l'objet de nombreuses réinventions, allant du format XXL aux mélanges audacieux, le tout porté par les réseaux sociaux et les influenceurs. Parmi ces innovations, on trouve le "croger" (un burger utilisant le croissant comme bun), le "crookie" (un croissant fourré de pâte à cookies), ou encore le "gelato croissant" (garni de glace à l’italienne). Ces créations, souvent inspirées de tendances internationales, bousculent les habitudes des consommateurs français, traditionnellement attachés à la simplicité du croissant classique.
Le chef pâtissier Philippe Conticini a lancé il y a quatre ans un croissant XXL pesant un kilo, qui a connu un succès fulgurant après avoir été mis en avant par des célébrités sur les réseaux sociaux. D'autres enseignes ont suivi, proposant des versions géantes ou des défis de consommation rapide.
Le "gelato croissant", lancé par le glacier Badiani, illustre la rencontre entre tradition française et innovation italienne. Bien que principalement apprécié des touristes, il trouve progressivement sa place dans le paysage culinaire parisien.
Le "crookie", création du boulanger Stéphane Louvard, est devenu viral sur TikTok en 2023, attirant des foules devant sa boutique parisienne. Même la championne olympique de gymnastique Simone Biles s'y est intéressée lors de son passage à Paris.
Aurélien Pasquier, restaurateur, a connu un succès similaire avec son "croger". Né durant la période Covid comme une expérimentation, ce burger revisité est devenu un best-seller grâce aux influenceurs food, attirant une clientèle venue spécialement pour le goûter.
Ces innovations divisent : si certains y voient une évolution excitante de la gastronomie française, d'autres restent attachés à la tradition. Les créateurs de ces nouveautés soulignent l'ouverture d'esprit croissante des consommateurs, influencés par les tendances internationales visibles sur les réseaux sociaux. Cependant, comme le note Aurélien Pasquier, l'équilibre reste délicat entre innovation et préservation de l'authenticité. L'enjeu est de surfer sur ces tendances tout en maintenant l'esprit convivial et traditionnel de la gastronomie française.
Libération, Microbiote : quand les bactéries des aliments colonisent nos intestins, 05/09/2024
Une étude scientifique récente publiée dans la revue Cell, révèle que notre alimentation influence directement la composition de notre microbiote intestinal. Dirigée par Nicola Segata de l'université de Trente en Italie, cette recherche apporte un nouvel éclairage sur l'origine des micro-organismes peuplant nos intestins. L'équipe de recherche a analysé 2 500 échantillons alimentaires et a établi un catalogue de 10 000 microbes. Parmi eux, 320 espèces étaient jusqu'alors inconnues, ouvrant de nouvelles perspectives pour la microbiologie. Cette découverte s'inscrit dans un vaste programme européen impliquant 30 équipes de 14 pays.
En comparant ce catalogue avec 19 000 prélèvements humains, les scientifiques ont constaté qu'en moyenne, 3 % des espèces présentes dans le microbiote adulte proviennent de l'alimentation. Ce chiffre monte à 50 % chez les enfants de moins de 3 ans, soulignant l'importance cruciale de la nutrition dans les premières années de vie pour la formation du microbiote. L'étude met en lumière la richesse microbienne des produits laitiers, tout en soulignant que la diversité du microbiote est aussi importante que sa quantité. Les régimes végans, bien que moins riches en bactéries d'origine alimentaire, peuvent apporter une diversité différente via la consommation de légumes.
Julien Diana, directeur de recherche à l'Inserm, qualifie ces résultats de "première démonstration que certains microbes de l'alimentation intègrent directement notre microbiote". Cette découverte complète les connaissances existantes sur les prébiotiques, ces composés alimentaires nourrissant les bactéries bénéfiques de l'intestin. L'étude ouvre de nombreuses perspectives de recherche. Les scientifiques envisagent d'étendre leurs travaux aux virus s'attaquant aux bactéries alimentaires. Nicola Segata souhaite analyser les microbiomes d'aliments de meilleure qualité et à conservation plus longue. Des essais sur l'évolution du microbiote humain en fonction du régime alimentaire sont également envisagés.
L’Usine Nouvelle, Après des mauvaises notes, Danone se retire partiellement du Nutri-score, 06/09/2024
La récente réforme du Nutri-score provoque des remous dans l'industrie agroalimentaire. Après Björg fin 2023, c'est au tour de Danone d'annoncer le retrait partiel de cet affichage sur certaines de ses gammes de produits dès septembre 2024. Cette décision fait suite à l'évolution du score nutritionnel, particulièrement impactante pour les produits laitiers. Selon les nouvelles normes, qui entreront progressivement en vigueur d'ici fin 2026, seule l'eau sera classée A parmi les boissons, le lait tombant en B- ou C pour le lait entier. Ce changement pénalise fortement les boissons lactées sucrées, dont celles commercialisées par Danone sous les marques HiPRO et Actimel.
Face à cette situation, le géant français de l'agroalimentaire a choisi de supprimer le Nutri-score sur cinq marques de boissons et desserts : Danette, les laits végétaux Alpro, Actimel, les yaourts à boire pour enfants Danonino, et les boissons protéinées HiPRO. Il est à noter que les yaourts ne sont pas concernés par ce retrait pour le moment.
Cette décision soulève des questions quant à la confusion potentielle pour le consommateur et ravive les critiques sur le manque de transparence de certains industriels. Elle met également en lumière les doutes concernant les bénéfices nutritionnels réels des produits élaborés par les grands groupes agroalimentaires.
Il est important de rappeler que le Nutri-score n'est toujours pas obligatoire, malgré sa large adoption (présent sur près de 70% des références fin 2023). Certains acteurs majeurs comme Lactalis, Coca-Cola ou Mondelez restent opposés à son affichage. L'absence d'obligation est liée à l'absence de consensus au niveau européen, notamment en raison de l'opposition de l'Italie qui a bloqué les ambitions de la Commission européenne sur ce sujet fin 2023. Cette situation met en évidence les tensions entre les objectifs de santé publique, les intérêts commerciaux des industriels et les différentes approches nationales au sein de l'Union européenne. Elle souligne également la complexité de mettre en place un système d'étiquetage nutritionnel uniforme et efficace, capable de guider les consommateurs vers des choix alimentaires plus sains tout en tenant compte des spécificités de chaque produit.
La Tribune, Pourquoi Andros sauve l’usine historique de Poulain à Blois, 10/09/2024
Cette semaine, un accord salvateur a été signé entre Andros et Carambar & Co pour la reprise de l'usine historique de chocolat Poulain à Villebarou, près de Blois. Cette annonce apporte un soulagement considérable aux quelque 100 employés du site, dont l'avenir était menacé depuis l'annonce de sa fermeture en juin dernier. Andros, connu pour ses marques Bonne Maman et Mamie Nova, devient ainsi le nouveau propriétaire de l'usine. Le groupe, spécialisé dans la transformation des fruits et du lait, prévoit de diversifier l'activité du site en y produisant certaines de ses gammes chocolatées, tout en maintenant la production pour Poulain en tant que sous-traitant.
Cette reprise s'inscrit dans une stratégie de développement ambitieuse, présentée aux employés le 9 septembre par Frédéric Gervoson, nouvel actionnaire, et Florian Delmas, PDG d'Andros. L'entreprise, qui a réalisé plus de 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2023, voit dans cette acquisition l'opportunité de renforcer sa présence dans la région Centre-Val de Loire, où elle possède déjà deux usines.
L'intérêt d'Andros pour le site de Villebarou s'explique par plusieurs facteurs. D'une part, l'outil industriel très performant de l'usine a séduit le groupe. D'autre part, la proximité géographique avec ses autres sites de production en Loir-et-Cher et en Eure-et-Loir laisse entrevoir des synergies prometteuses et une augmentation potentielle de la productivité. Cette reprise permet également de sauvegarder une marque emblématique du patrimoine local. Fondée à Blois en 1848, Poulain était vouée à délocaliser sa production en Alsace et en Slovaquie d'ici 2025. Face à cette menace, les élus locaux, notamment le maire de Blois, Marc Gricourt, et le président d'Agglopolys, Christophe Degruelle, se sont mobilisés pour trouver une solution.
L'intervention d'Andros dans ce dossier renforce son image de "sauveur de marques" et de défenseur du "Made in France". Cette opération s'inscrit dans la lignée des valeurs portées par l'entreprise familiale, détenue par les familles Gervoson et Chapoulart.
Les Échos, Ce « poison très lent » qui fragilise la grande distribution, 09/09/2024
Malgré une inflation en baisse et qui est passée sous la barre des 2 % en août selon l'Insee, le secteur de la grande distribution française fait face à des défis persistants. Cette situation, qualifiée de "poison très lent" par Alexandre Bompard, PDG de Carrefour, révèle une réalité complexe pour les distributeurs.
Les Jeux Olympiques ont offert une brève embellie, avec une hausse des ventes de produits de grande consommation, notamment à Paris (+6,8 %) et au niveau national (+2,7 %). Cependant, cette parenthèse n'a pas inversé les tendances de fond qui fragilisent le secteur.
Dominique Schelcher, président de la Coopérative U, souligne que malgré une légère déflation dans l'alimentaire depuis mai, les prix ne reviendront pas à leur niveau pré-crise, notamment en raison des hausses de salaires et des coûts de services. Les consommateurs continuent d'arbitrer leurs achats, impactant significativement les ventes.
Les chiffres illustrent cette tendance : sur les sept premiers mois de 2024, les volumes de vente des produits de grande consommation ont baissé de 1,4 %. Certains secteurs sont particulièrement touchés, comme l'hygiène-beauté (-5 % au deuxième trimestre) et les alcools. Le chiffre d'affaires du secteur est en baisse depuis quatre mois, avec une inflexion de 1,1 % au deuxième trimestre 2024 selon NielsenIQ.
Plusieurs facteurs aggravent la situation :
La fragmentation des achats : les supermarchés et hypermarchés ne représentent plus que 55 % des ventes alimentaires, contre 58 % en 2019.
La diversification des boulangeries et la reprise des enseignes bio attirent les consommateurs.
La restructuration de Casino a entraîné une baisse de 0,2 % du marché des PGC.
Les conditions météorologiques défavorables en juillet ont pesé pour 0,4 %.
Le secteur non-alimentaire n'est pas épargné, avec une chute de 12 % des ventes de produits high-tech et d'équipement de la maison au deuxième trimestre.
Dans ce contexte morose, Leclerc fait figure d'exception et continue à gagner des parts de marché grâce à son modèle alliant choix et prix bas. L'e-commerce, notamment le drive, progresse (+6 % depuis le début de l'année), Leclerc y occupant une position dominante.
Cette situation reflète un changement de comportement des consommateurs, qui rationalisent leurs achats et se concentrent sur l'essentiel. La chute de 9 % des ventes de confiseries illustre cette tendance, laissant craindre une volonté générale de consommer moins, comme le souligne Dominique Schelcher.
Le Figaro, Qeat, cette société qui suit à la trace les clients des grands restaurants, 12/09/2024
Une nouvelle société nommée Qeat (pour "Qui est à table ?") fait parler d'elle dans le monde de la gastronomie haut de gamme. Cette entreprise propose aux restaurateurs un service de profilage des clients, soulevant des questions éthiques et légales sur la protection des données personnelles. Moyennant un abonnement mensuel pouvant atteindre 499 € HT plus des frais d'installation de 4 299 € HT, Qeat fournit aux établissements des informations détaillées sur les habitudes de consommation de leurs futurs clients. Ces données permettent aux restaurants d'adapter leur offre, notamment en matière de vins, pour maximiser leurs revenus.
Stéphane Riss, co-fondateur de Qeat, affirme que ce service aide les directeurs de salle à personnaliser l'expérience client. Il explique que les informations collectées proviennent des systèmes de réservation et des fichiers clients fournis par les restaurateurs eux-mêmes. Le système permet, par exemple, d'identifier les clients habitués des établissements étoilés ou figurant dans des classements prestigieux comme le Guide Michelin ou le 50 Best. Ces informations sont utilisées pour proposer des produits plus onéreux, comme des bouteilles de vin à 400 € ou des accords mets-vins. Qeat prétend également pouvoir détecter les réservations multiples d'un même client pour un même repas, une pratique courante en France, afin de prévenir les "no-shows" (réservations non honorées).
La question de la confidentialité des données est au cœur des préoccupations. Stéphane Riss assure que sa société est en conformité avec la réglementation, ayant consulté la CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés). Il affirme que les clients acceptent l'utilisation de leurs données lors des réservations en ligne, bien qu’ils n’en ont souvent pas pleinement conscience. Me Christophe Bigot, spécialiste du RGPD, souligne que la responsabilité légale incombe aux restaurants clients de Qeat, qui doivent s'assurer du consentement de leurs propres clients. Il note que le système, bien qu’astucieux, implique un fichage des individus basé sur leurs habitudes, ce qui n'est pas anodin. La CNIL, sollicitée par Le Figaro, n'a pas souhaité se prononcer sur ce cas spécifique, invoquant son rôle de régulateur et la nécessité de suivre un processus juridique encadré. Pour les clients soucieux de leur vie privée, Qeat offre la possibilité de demander la désinscription de sa base de données, garantissant ainsi un certain anonymat lors des visites au restaurant.
Libération, Botulisme : pesto à l’ail des ours, sardines, haricots verts… Comment ne pas s’empoisonner avec des conserves maison, 11/09/2024
De nouveaux cas de botulisme ont été détectés cette semaine en Indre-et-Loire, ravivant les inquiétudes sur les risques liés aux conserves artisanales. Cinq personnes sont actuellement hospitalisées en soins intensifs après avoir consommé du pesto à l'ail des ours vendu dans des foires locales. Cet incident survient un an après l'intoxication de seize personnes, dont une mortellement, dans un restaurant bordelais, due à des sardines en conserve contaminées.
Le botulisme, une affection neurologique grave causée par une toxine produite par la bactérie Clostridium botulinum, peut être fatal. Les aliments les plus à risque sont les conserves peu acides de légumes, viandes, poissons et plats cuisinés.
La Direction générale de la santé pointe du doigt un manque de maîtrise du processus de stérilisation dans la préparation de ces conserves. Cette affaire met en lumière les dangers potentiels du "do it yourself" culinaire, une tendance en plein essor ces dernières années, amplifiée par les périodes de confinement et l'inflation. Face à ces risques, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) rappelle les précautions essentielles pour la préparation de conserves maison. Il est crucial de suivre scrupuleusement les procédés de stérilisation ou de salaison. Cela implique une hygiène irréprochable, l'utilisation de récipients propres et intacts, et le respect des températures et durées de stérilisation recommandées.
Les experts soulignent l'importance d'une préparation la plus chaude possible lors du remplissage des bocaux, d'un nettoyage minutieux des coulures, et du respect des temps de refroidissement. Pour les salaisons, la concentration en sel et le temps de saumurage sont des facteurs critiques pour inhiber la croissance bactérienne. Pour les novices, des ateliers spécialisés existent pour apprendre les bonnes pratiques de stérilisation. Un dernier conseil de prudence : lors de l'ouverture d'un bocal, l'absence du bruit caractéristique d'entrée d'air doit alerter et conduire à jeter le contenu.
Les Échos, L'inégale santé des entreprises agroalimentaires face aux effets de l'inflation, 12/09/2024
L'industrie agroalimentaire française traverse une période contrastée, marquée par une inflation en baisse mais une consommation qui peine à redémarrer. Selon l’article, bien que l'inflation soit retombée à moins de 2% et que les prix alimentaires se stabilisent, voire diminuent légèrement, les consommateurs français restent prudents dans leurs achats. Cette situation préoccupe les entreprises du secteur, dont les trésoreries ont été mises à rude épreuve par la hausse des coûts de production. Jean-François Loiseau, nouveau président de l'Association nationale des industries agroalimentaires (Ania), souligne l'impact "extrêmement préjudiciable" des hausses de prix de l'énergie, qui ont "plombé les entreprises".
Le bilan de santé du secteur est hétérogène, reflétant la diversité des 20.000 entreprises qui le composent. Les petites structures, moins agiles face aux crises, sont plus vulnérables que les grands groupes internationaux. L'économiste Vincent Chatellier de l'Inrae met en lumière ces disparités, soulignant la capacité des grandes entreprises à se réorienter en période de crise. Les différentes branches de l'industrie connaissent des fortunes diverses. Dans le secteur laitier, la rentabilité varie considérablement, avec des difficultés liées au prix élevé du lait en France par rapport aux pays voisins. L'industrie de la viande présente également des évolutions contrastées : la filière porcine a connu deux années difficiles, tandis que le secteur bovin a vu les prix atteindre des sommets en 2023. La situation est particulièrement préoccupante pour les abattoirs, dont près d'un sur cinq est en difficulté. Le ministère de l'Agriculture prévoit la fermeture possible de 30% des abattoirs d'ici deux à trois ans, face à la baisse du nombre d'animaux à abattre. En revanche, le secteur de la volaille et des œufs tire son épingle du jeu, bénéficiant d'une forte demande pour ces protéines jugées abordables et saines.
Wall Street Journal, The Grammar of Food, 29/08/2024
L’article explore les règles implicites qui structurent les repas à travers différentes cultures culinaires. Lors de son premier voyage au Japon, Bee Wilson a vécu une expérience gastronomique inoubliable au restaurant Pontocho Sushi Ishiya à Kyoto. Ce restaurant propose un menu « omakase », où les chefs sélectionnent les plats du jour. Un moment marquant pour l’auteure fut la dégustation d’une soupe miso servie en fin de repas, soit une inversion totale par rapport aux habitudes occidentales . Cette découverte illustre parfaitement ce que Bee Wilson décrit comme la « grammaire » spécifique à chaque cuisine.
Héctor Abad Faciolince, écrivain colombien, souligne que chaque culture possède sa propre grammaire alimentaire, des règles profondément ancrées sur ce qui est consommé et à quel moment. Par exemple, en Italie, le fruit est traditionnellement réservé au dessert, contrairement à la Colombie où il constitue le début du repas. Cette diversité montre combien les attentes et les habitudes influencent notre perception des aliments.
Bee Wilson illustre également cette idée avec le petit-déjeuner turc traditionnel, composé d’olives, de simit (un pain aux sésames semblable au bagel), de feta, de concombres, de tomates, de confitures et de thé turc. Ces combinaisons peuvent paraître étranges pour ceux habitués à un petit-déjeuner sucré, mais elles s’inscrivent parfaitement dans la grammaire locale. De même, les bonnes manières à table varient considérablement : en Éthiopie, on mange avec les mains et on utilise du pain injera pour saisir les aliments, tandis qu’en France, l’usage de la serviette est primordial, et au Japon, il est considéré plus poli de ne pas en utiliser.
L’évolution des grammaires alimentaires est également abordée, avec l’exemple de la cuisine française au XVIIe siècle qui a séparé les saveurs sucrées et salées, créant une structure culinaire rigide et codifiée. Toutefois, cette rigidité peut parfois être perçue négativement, comme le montre le roman « The Trotter-Nana » d’I. Allan Sealey, qui critique les règles alimentaires imposées par les colonisateurs britanniques en Inde.
Dans un monde globalisé où des plateformes comme DoorDash permettent de mélanger les cuisines et de consommer de manière désorganisée, Wilson souligne que cette liberté peut se faire au détriment des bienfaits d’une structure alimentaire traditionnelle. Elle cite Johann Hari, qui défend l’idée que la discipline culinaire japonaise contribue à une alimentation équilibrée et à des taux d’obésité plus faibles.
Punchdrink, For These Brewers, Craft Beer Requires a Full Rebrand, 20/08/2024
Aux Etats-Unis, le secteur de la bière artisanale traverse une période de transformation profonde avec l’émergence des bières « postmodernes » qui défient les normes traditionnelles pour privilégier avant tout la saveur et l’ambiance. Dans un marché saturé de canettes aux étiquettes flamboyantes et graphiques, une nouvelle tendance se distingue par son minimalisme et son approche centrée sur l’expérience sensorielle.
Premium, de la brasserie Stillwater Artisanal, incarne parfaitement cette révolution postmoderne. Contrairement aux designs souvent surchargés des autres bières artisanales, cette canette arbore une étiquette jaune sobre, évoquant à la fois les lagers nostalgiques et une esthétique épurée. L’absence de détails sur le style ou les houblons utilisés marque une rupture avec les classifications traditionnelles, mettant en avant des ingrédients de qualité et une innovation dans les profils de saveur. « Nous avons voulu créer de nouvelles œuvres basées sur des techniques de brassage traditionnelles, en les adaptant au futur », explique Brian Strumke, fondateur de Stillwater.
Cette approche se retrouve également chez 10 Barrel Brewing Co. à Bend, Oregon, avec sa série Crush. Présentées comme une alternative rafraîchissante pour l’été, ces ales sour frutées sont commercialisées non pas comme des bières spécifiques, mais comme des choix idéaux pour des moments particuliers, simplifiant ainsi la compréhension pour les consommateurs. De même, St. Elmo Brewing Co. à Austin propose Carl, une kölsch modernisée présentée de manière simple, attirant ainsi un public plus large grâce à son accessibilité et sa fraîcheur. Wild Heaven Beer d’Atlanta illustre cette tendance avec Emergency Drinking Beer, une ale de style pils infusée de lemongrass et de sel de mer. L’ironie du nom et le design rétro de la canette reflètent une volonté de détourner les codes établis pour offrir une bière innovante et attrayante.
Selon Drew Genitempo, directeur créatif de St. Elmo’s, cette mutation vise à attirer une génération plus jeune en se concentrant sur les saveurs et les expériences plutôt que sur les catégories traditionnelles. « Il s’agit de vendre des saveurs, des ambiances et des occasions, ce qui est plus accessible à un plus grand nombre de consommateurs », affirme-t-il.
Sifted, Formo raises $61m in Europe's biggest round for animal-free cheese, 10/09/2024
Formo, la startup allemande spécialisée dans la fermentation, a récemment levé 61 millions de dollars lors d’un tour de financement de Série B, marquant ainsi le plus important investissement européen dans le secteur des alternatives végétales aux fromages. Cette injection de capitaux permettra à l’entreprise de renforcer ses opérations et d’étendre sa présence sur de nouveaux marchés.
Formo se distingue notamment avec son alternative végétale élaborée à partir de protéines de koji, un champignon naturellement présent et couramment utilisé dans la cuisine japonaise pour la fabrication de miso et de sauce soja. Contrairement à d’autres entreprises de fermentation de précision comme Bosque Foods et Enifer, Formo utilise des micro-organismes non génétiquement modifiés, ce qui renforce l’attrait de ses produits pour les consommateurs soucieux de l’environnement et de la santé.
Les produits de Formo, à savoir le Frischhain, un fromage frais de type cream cheese, et le Camembritz, une alternative au camembert, sont déjà disponibles dans plus de 2 000 points de vente en Allemagne et en Autriche, incluant des enseignes majeures telles que Rewe, Billa et Metro. Selon l’entreprise, le Frischhain génère 65 % moins d’émissions de gaz à effet de serre, utilise 83 % moins de terres et nécessite 96 % moins d’eau comparé au cream cheese traditionnel.
Les fonds levés seront principalement utilisés pour accélérer l’expansion dans la région DACH (Allemagne, Autriche, Suisse) et diversifier le portefeuille de produits de Formo. Toutefois, l’entreprise doit surmonter des défis significatifs liés à la montée en échelle de sa production, notamment en investissant dans des infrastructures adéquates et en assurant une chaîne d’approvisionnement fiable. Raffael Wohlgensinger, fondateur et CEO de Formo, souligne également la complexité des approbations réglementaires dans différents marchés, bien que l’entreprise collabore déjà étroitement avec des partenaires tels que l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) pour faciliter ce processus.
Formo prévoit également d’élargir sa gamme de produits en intégrant des alternatives à la charcuterie et en développant des produits à base de caséine sans animal, permettant ainsi de créer des fromages plus durs. L’expansion internationale, en particulier vers les États-Unis, est une priorité stratégique pour l’entreprise, compte tenu de la taille considérable du marché du fromage américain.
Avec ce tour de financement, Formo devient la startup la mieux financée en Europe dans le secteur des fromages alternatifs, totalisant désormais plus de 100 millions de dollars de levées de fonds. Elle se positionne ainsi en leader face à des concurrents comme Better Dairy de Londres et Bon Vivant de Paris, qui ont respectivement levé environ 24,2 millions et 22 millions de dollars.
Forbes, Harnessing Generative AI For Sustainable Food Systems Innovation, 07/08/2024
L’intelligence artificielle générative, qui crée de nouveaux contenus et solutions en se basant sur des données et des modèles innovants, s’impose comme un acteur clé dans l’innovation des systèmes alimentaires durables. Selon Daphne Ewing-Chow, cette technologie possède un potentiel immense à l’intersection de l’alimentation, de la santé et du climat, en rendant les décisions plus inclusives et respectueuses de l’environnement.
Actuellement, environ 40 % des entreprises alimentaires et de boissons utilisent l’IA, et beaucoup explorent également l’IA générative. Cette technologie permet d’analyser d’énormes volumes de données, facilitant ainsi l’optimisation de la productivité, l’accélération de la durabilité et l’amélioration de la santé humaine. Par exemple, KLEVER AI, dirigée par Yasmin Shmuel, utilise des « decision rooms » pour promouvoir une intelligence collective et démocratiser les prises de décision dans le secteur alimentaire, longtemps dominé par une poignée d’acteurs influents.
L’IA générative joue également un rôle crucial dans l’agriculture de précision et la durabilité alimentaire. Nina Schick de Tamang Ventures souligne que l’IA facilite les pratiques agricoles durables en optimisant les rotations des cultures et l’utilisation des ressources. En Afrique, les applications émergentes de l’IA pourraient booster la croissance économique du continent de 2,9 trillions de dollars d’ici 2030, avec une moitié de ces applications dédiées à l’agriculture.
Dans le domaine de la santé, l’IA générative aide à concevoir des aliments fonctionnels qui répondent à des besoins spécifiques, comme les produits développés par Nuritas pour améliorer la santé musculaire. Notco et Nutrino utilisent également l’IA pour créer des substituts végétaux et fournir des recommandations diététiques personnalisées, respectivement.
Les géants comme McCormick & Company et Walmart intègrent l’IA générative pour développer de nouvelles saveurs et optimiser leurs chaînes d’approvisionnement. McCormick utilise une plateforme IA pour innover en matière de combinaisons de saveurs, tandis que Walmart améliore la gestion des stocks et la traçabilité des produits grâce à l’IA.
Cependant, la mise à l’échelle de ces innovations pose des défis techniques et réglementaires. Raffael Wohlgensinger, CEO de Formo, souligne la nécessité d’investissements substantiels en infrastructure et la complexité des approbations réglementaires pour s’étendre à de nouveaux marchés.
L’intégration de perspectives diversifiées est essentielle pour maximiser les bénéfices de l’IA générative. Selon Yasmin Shmuel, cela permet de surmonter les biais et d’encourager une innovation véritablement inclusive et durable. En fin de compte, l’IA générative promet de transformer les systèmes alimentaires en les rendant plus efficaces, équitables et respectueux de la planète, répondant ainsi aux défis mondiaux de sécurité alimentaire et de changement climatique.
Forbes, African Indigenous Crops Fuel A Growing Food Business Boom, 11/09/2024
À Lagos, au Nigeria, Chef Juliet Aigbe, surnommée affectueusement « Chef Juls », incarne une révolution culinaire en utilisant des cultures indigènes africaines pour créer des produits alimentaires innovants et durables. Sa pâtisserie primée, Cakeflair, ne se contente pas de proposer des pâtisseries saines, mais s’inscrit également dans un mouvement visant à revitaliser plus de 2000 variétés de cultures indigènes, souvent qualifiées de « orphelines » ou « sous-utilisées ». Ces cultures, longtemps négligées par l’agriculture mondiale, offrent un potentiel immense pour les communautés locales et les systèmes alimentaires durables.
Face aux défis croissants du changement climatique, de la pauvreté et de l’instabilité, qui laissent un Africain sur cinq sous-alimenté et 58 % confrontés à une faim modérée à sévère, l’investissement dans les cultures indigènes apparaît comme une solution puissante. Ces cultures renforcent la résilience climatique, améliorent la valeur nutritionnelle et offrent des opportunités économiques vitales, contribuant ainsi à la lutte contre l’insécurité alimentaire sur le continent.
Chef Juls a étendu son impact en lançant Domestic Grains Mills, une entreprise sociale dédiée à l’optimisation de la chaîne de valeur du mil, et Chef Juls Mixes, le premier mélange de gâteaux et pancakes indigènes du Nigeria. Son ambition dépasse les frontières nationales, visant à positionner l’Afrique comme un acteur clé dans la chaîne alimentaire mondiale. « Nous avons de nombreuses céréales en Afrique que nous pouvons utiliser pour nous autonomiser et contribuer à la chaîne alimentaire mondiale », affirme-t-elle avec fierté.
D’autres entrepreneurs comme Siny Samba au Sénégal et Simballa Sylla au Mali suivent cette voie. Samba, fondatrice de Le Lionceau, utilise des céréales locales pour produire des aliments pour bébés, combattant ainsi la malnutrition infantile tout en soutenant les petits agriculteurs. Sylla, quant à lui, promeut le fonio, une céréale indigène résistante à la sécheresse et riche en nutriments, à travers son entreprise Yolélé, qui vise à rendre cette culture accessible tant au niveau local qu’international.
Ces initiatives ont un impact économique et social considérable, créant de nouveaux marchés, générant des emplois et autonomisant les femmes, qui représentent une grande partie de la main-d’œuvre agricole en Afrique. L’Agence de Développement Africain prévoit que le marché alimentaire et agricole africain pourrait passer de 280 milliards de dollars en 2023 à 1000 milliards de dollars d’ici 2030.
En s’alignant sur l’Objectif de Développement Durable 2 – Faim Zéro, ces entrepreneurs démontrent que la sécurité alimentaire nécessite un effort collectif. « Il s’agit de demander aux gens ce qu’ils peuvent faire et de les encourager à agir », explique Simballa Sylla. De leur côté, Chef Juls appelle les grandes entreprises alimentaires à adopter un modèle où profit et bien-être communautaire coexistent harmonieusement.
World Health Organisation, Fiscal policies to promote healthy diets
L’étude explore l’utilisation des politiques fiscales pour encourager des choix alimentaires sains et réduire l’impact des régimes alimentaires non équilibrés sur la santé publique. Face à la montée des maladies liées à une mauvaise alimentation, comme l’obésité, le diabète et les maladies cardiovasculaires, cette étude met en lumière les possibilités qu’offrent les taxes et les subventions pour influencer les comportements alimentaires à l’échelle mondiale.
L’OMS plaide en faveur de l’application de taxes sur les produits jugés nuisibles pour la santé, notamment les boissons sucrées. Elle souligne que des études montrent qu’une augmentation de 10 % du prix des boissons sucrées pourrait réduire leur consommation de 16 %. Ce type de politique a déjà montré des résultats positifs dans plusieurs pays, en influençant directement les habitudes de consommation et en encourageant des choix alimentaires plus sains. Cependant, l’étude reconnaît que l’efficacité des taxes sur d’autres aliments, comme ceux riches en graisses ou en sel, nécessite des recherches plus approfondies pour bien comprendre leur impact global.
En parallèle, l’étude examine l’efficacité des subventions destinées à promouvoir la consommation d’aliments sains, en particulier les fruits et légumes. Ces subventions, en réduisant le coût des produits nutritifs, ont montré une augmentation de leur achat, surtout parmi les populations à faibles revenus. Ces mesures peuvent jouer un rôle essentiel pour améliorer l’accès aux aliments sains et ainsi réduire les disparités nutritionnelles qui existent entre les différentes classes sociales.
L’OMS insiste également sur l’importance d’impliquer plusieurs parties prenantes, notamment les gouvernements, le secteur privé et la société civile, pour garantir l’efficacité des politiques fiscales et leur acceptation par le public. Elle recommande une approche holistique, qui combine taxes, subventions, et autres mesures telles que l’éducation nutritionnelle et la régulation de la publicité pour influencer les choix alimentaires de manière durable.
C’est tout pour aujourd’hui.
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A la semaine prochaine!
O. Frey